Bonjour à tous,
Je remercie les organisateurs pour l’invitation faite au Saint-Siège de participer à ce premier Congrès des Chrétiens Arabes dont le thème est d’une grande actualité et d’une préoccupation commune pour les églises et les communautés chrétiennes mais, toujours plus, en ce moment historique, aussi pour l’opinion publique et la communauté internationale.
Dans l’histoire du christianisme, en divers lieux et à divers moments, une réflexion s’est déjà développée pour identifier une voie qui puisse assurer un avenir pour les chrétiens du Moyen-Orient et quel est leur rôle.
Aujourd’hui cependant, la question est d’une urgence particulière, parce que le christianisme, dans ces territoires, est en train de payer le prix des troubles qui déstabilisent la région.
Divers facteurs historiques, socio-culturels et politiques ont façonné au long des siècles le rapport des communautés chrétiennes avec les États et les sociétés civiles du Moyen-Orient dans lesquelles elles sont insérées.
En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas oublier 1) la responsabilité spéciale que, comme Église, nous avons envers les communautés chrétiennes, mais aussi 2) le rôle que ces communautés ont eu et ont dans les équilibres du Moyen-Orient. Ce qui est aussi reconnu par des non chrétiens. Pour cette raison, on ne peut penser un Moyen-Orient sans la présence des chrétiens. Leur exode représente une perte non seulement pour l’Église, qui voit la privation de ses propres racines là où elles sont nées et développées, mais pour toute la société locale, où les communautés chrétiennes jouent un rôle d’équilibre, de réconciliation et de participation active au bien commun, comme l’histoire le démontre amplement.
Dans son appel lancé à Bari, le 7 juillet 2018, en conclusion de la journée de prière et de réflexion pour la paix au Moyen-Orient, vécue avec les Patriarches de la région, le Pape François a souligné que « Pour ouvrir des chemins de paix, que les regards se tournent vers celui qui ne demande qu’à cohabiter fraternellement avec les autres. Que tous ceux qui sont présents soient défendus, et pas seulement ceux qui sont majoritaires. Que la route vers le droit à la citoyenneté commune soit largement ouverte, également au Moyen-Orient, route vers un avenir renouvelé. Les chrétiens aussi sont et doivent être des citoyens à part entière, avec des droits identiques.»
En effet, c’est la conviction du Saint-Siège que le renforcement de la loi sur la citoyenneté commune dans les différents Pays de la région puisse assurer non seulement un avenir aux chrétiens mais soit la base sur laquelle la cohabitation pacifique entre les diverses composantes de la société puisse se construire.
Le même thème a été abordé dans le Document sur la Fraternité Humaine pour la Paix Mondiale et la Coexistence Commune, signé le 4 février dernier à Abu Dhabi par le Pape François et le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayyeb, où il est réaffirmé qu’ « il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité ; il prépare le terrain aux hostilités et à la discorde et prive certains citoyens des conquêtes et des droits religieux et civils, en les discriminant. »
En effet, les États, avec le soutien de la communauté internationale, doivent s’engager à garantir toutes les libertés et droits de chaque citoyen à travers un concept paritaire de citoyenneté.
L’avenir des communautés chrétiennes et des autres minorités religieuses du Moyen-Orient et de tous les coins de la terre, dépend beaucoup de la mise en œuvre de ce principe du droit international, dans les législations et les pratiques de chaque pays concerné, et dans la mentalité des sociétés respectives.
Lorsque la citoyenneté est fondée sur l’adhésion à une profession de foi particulière, les violations de la liberté de religion et des droits fondamentaux risquent davantage de ne pas être perçues par le même système juridique, social et culturel, ce qui pourrait favoriser l’usage de la violence au nom de la religion. Donc, la citoyenneté ne peut se baser sur la tolérance, mais sur les droits communs fondamentaux qui reviennent à toute personne humaine.
Les maux qui affligent le Moyen-Orient – parmi lesquels la pauvreté, le malaise social et le terrorisme fondamentaliste – pourront être pleinement vaincus – comme le rappelait le Pape François aux membres du Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège le 9 janvier 2017 - : « Seulement avec la contribution commune des leaders religieux et politiques. Aux premiers, revient la tâche de transmettre des valeurs religieuses qui n’admettent pas d’opposition entre la crainte de Dieu et l’amour pour le prochain. Aux seconds, il revient de garantir dans l’espace publique le droit à la liberté religieuse, en reconnaissant la contribution positive qu’elle exerce dans l’édification de la société civile, où ne peuvent être perçues comme contradictoires l’appartenance sociale, sanctionnée par le principe de citoyenneté, et la dimension spirituelle de la vie. À celui qui gouverne revient, en outre, la responsabilité d’éviter que se forment ces conditions qui deviennent un terrain fertile pour le déferlement des fondamentalismes. Cela demande des politiques sociales adaptées en vue de combattre la pauvreté, qui ne peuvent pas se séparer d’une valorisation sincère de la famille, comme lieu privilégié de la maturation humaine, et d’importants investissements dans le domaine éducatif et culturel. »
À la lumière des récentes manifestations au Liban, mais aussi en Irak et dans la région, le thème devient en cela d’autant plus pertinent, comme le Communiqué final de l’Assemblée des Patriarches et Évêques Catholiques au Liban (APECL), le relève « Depuis le 17 octobre 2019, le Liban est témoin d'un soulèvement historique au cours duquel le peuple libanais a vaincu les appartenances traditionnelles à la religion, à la secte et aux partis politiques et a adopté la loyauté civique à la nation - véritable pierre angulaire sur laquelle le Liban a été fondé il y a cent ans ». Les Évêques reconnaissent que le Liban a été fondé sur l’égalité des citoyens. Un exemple remarquable pour toute la région.
Je souhaite aux participants de cette rencontre un temps de réflexion fructueux et un engagement commun pour que de nouvelles voies réalisables puissent s’ouvrir en faveur d’une vraie culture de la rencontre, du vivre ensemble et de la paix. Sur ce fondement pourra être assuré : la continuité de la présence chrétienne et sa contribution dans le monde arabe et dans toute la région.
Je vous remercie pour votre attention.
Mgr Andrea Ferrante
Chargé d’Affaire a.i.
Nonciature Apostolique en France