Si la sympathie pour les Palestiniens est forte parmi la population iranienne, le soutien du gouvernement au Hamas et les manifestations en faveur du mouvement islamiste palestinien ne font pas consensus. Beaucoup estiment que cette guerre n’est pas la leur et que le pouvoir devrait d’abord s’attaquer à la pauvreté dans le pays.
Tooba Moshiri, correspondant à Téhéran, La Croix
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, l’université de Téhéran est chaque semaine, à l’occasion de la grande prière hebdomadaire du vendredi, l’épicentre de rassemblements en faveur du mouvement islamiste palestinien, soutenu par le pouvoir iranien. Bandeaux pro-musulmans et pro-Hamas sur le front, des miliciens bassidjis, proches du pouvoir, s’y retrouvent en famille en brandissant des drapeaux jaunes du Hezbollah et de la Palestine, et en scandant des slogans hostiles à l’État hébreu.
« La question des Palestiniens concerne tous les musulmans et la lutte contre Israël est un djihad obligatoire pour chaque musulman », estime Alireza. Cet Iranien de 30 ans est venu proclamer son soutien au Hamas et aux Palestiniens de la bande de Gaza, avec sa femme, vêtue d’un tchador noir, et leurs deux filles, parées de foulards et de robes à manches longues. Alireza en est convaincu : les musulmans vaincront Israël. Pour contribuer à cette cause, le père de famille est même prêt à laisser sa famille et rejoindre le combat dans l’enclave palestinienne. Autour d’eux, les chants des bassidjis résonnent : « Oh, si seulement Khamenei m’ordonnait de faire la guerre sainte ! »
Des rassemblements à travers tout le pays
« Écartez-vous, ouvrez la voie ! », hurle Aria, livreur, bloqué sur le boulevard Keshavarz par ce rassemblement pro-Hamas. Ses klaxons et ses protestations lui attirent des regards sévères des bassidjis. « Tous ces gens qui insistent pour participer à la guerre et aider les Palestiniens sont des menteurs, estime-t-il. Ils cherchent simplement à attirer l’attention ou à gagner des points auprès de ceux qui les surveillent. » En attendant que la rue se calme, Aria a garé sa moto rouge et son sac de livraison bleu, pour se poser sur un banc. « Ça n’a aucun sens pour un père de famille, dans un pays déjà affamé comme le nôtre, de s’engager dans une guerre qui n’est la sienne. Ces slogans et ces rues fermées sont pour moi une posture, juge le livreur. Les manifestants doivent gagner quelque chose là-dedans. »
Organisés par des mosquées et par des bassidjis affiliés aux Gardiens de la révolution, des rassemblements de soutien aux Palestiniens ont lieu à travers tout l’Iran. Certains manifestants hurlent aux haut-parleurs des slogans appelant à la destruction d’Israël. Dans le quartier de Mirdamad, à Téhéran, un récitant du Coran, membre du Bassij, affirme que si le guide suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Khamenei, l’ordonne, de nombreux Iraniens se serreront la ceinture pour la guerre contre Israël.
Des contributions financières discutées
Le débat autour du conflit israélo-palestinien a toujours été vif en Iran. Mais pour Bita, étudiante en chirurgie dentaire, le soutien des partisans du gouvernement aux Palestiniens et au Hamas est irrationnel. La jeune femme partage régulièrement des images antiguerres sur les médias sociaux, mais pour elle, Israéliens et Palestiniens sont aussi responsables les uns que les autres.
À ses yeux, la quête de pouvoir et d’ambition politique mène à des guerres dont le tribut, immense, retombe toujours sur les populations. « Je ne soutiens aucun camp et je condamne la guerre, explique-t-elle. On voit constamment des informations sur la pauvreté et le dénuement dans plusieurs provinces du pays. Cela me laisse perplexe que notre gouvernement soutienne ouvertement le Hamas. Ses importantes contributions financières sont toujours un sujet quand on parle de politique étrangère en petit cercle. » Pour Bita, la plupart des fonds alloués aux groupes soutenus militairement par la République islamique seraient plus utiles s’ils étaient investis dans la santé ou l’éducation du pays, que pour alimenter les conflits.