Après les frappes contre des cibles militaires près de Téhéran, Israël et l’Iran désormais en guerre ouverte

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Après les frappes contre des cibles militaires près de Téhéran, Israël et l’Iran désormais en guerre ouverte
الاثنين 28 أكتوبر, 2024

La balle est dans le camp de Téhéran, alors que le conflit entre les deux pays se déroule désormais au grand jour

Par Guillaume de Dieuleveult, correspondant à Jérusalem, Le Figaro

La guerre entre Israël et l’Iran est sortie de l’ombre. Elle se joue désormais en plein jour. C’est peut-être le changement le plus radical dans la grande bascule en cours, au Moyen-Orient, depuis l’attaque terroriste du 7 octobre 2023.

Dans la nuit de vendredi à samedi, plusieurs vagues d’avions israéliens ont frappé des cibles iraniennes. L’attaque, annoncée quasiment en temps direct, s’est terminée au petit matin. Elle a été conclue par un message officiel du vice amiral Daniel Hagari, le porte-parole de l’armée. «Israël dispose désormais d’une plus grande liberté d’opérations aériennes en Iran», se félicite-t-il dans son message, avant de se montrer menaçant pour l’avenir : «Ces cibles ont été sélectionnées parmi une large banque d’objectifs potentiels et de divers types. Nous pourrons sélectionner des cibles supplémentaires et les frapper si nécessaire.» L’attaque israélienne a visé des sites de fabrication de missiles balistiques et de drones, des systèmes de défense aérienne, ce qui permet à la fois à l’État hébreu de se prémunir d’une éventuelle riposte iranienne tout en se donnant la possibilité de renouveler ses raids aériens. Un ancien site d’enrichissement nucléaire iranien aurait aussi été frappé, comme un avertissement: le programme nucléaire iranien est un enjeu décisif pour Israël, qui redoute que son ennemi ne parvienne à se doter del’arme atomique.

Par cette attaque menée à plus de 2000 kilomètres, Israël a aussi prouvé sa capacité à frapper précisément des cibles distantes. «Le long bras d’Israël atteindra quiconque essaiera de nous nuire», a lancé dimanche Yoav Gallant, le ministre de la Défense. La supériorité militaire et technologique est un élément clé de la politique sécuritaire israélienne. L’attaque terroriste du 7 octobre 2023 lui avait porté un coup fatal. Depuis, le pays s’emploie à la rétablir.

C’est pourquoi, dimanche, le premier ministre Benyamin Netanyahou a commenté l’attaque de la chasse israélienne. «Nous avions promis que nous répondrions à l’attaque iranienne (du 1er octobre, NDLR), et nous avons frappé, samedi, a-t-il déclaré. L’attaque contre l’Iran a été précise, puissante et a atteint tous ses objectifs.» La veille, le guide suprême de la révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, avait réagi à l’attaque qui venait de cibler son pays. «Israël a commis une grosse erreur», a-t-il lancé, affirmant que l’État hébreu devait comprendre «la force, la volonté et la capacité d’initiative de la nation iranienne». Il a promis que la réponse serait «déterminée par les chefs du régime, dans le meilleur intérêt du peuple et du pays».

La réponse israélienne était attendue depuis le 1er octobre. Ce jour-là, en début de soirée, Téhéran a tiré environ 180 missiles balistiques sur Israël, en quelques minutes : ce serait la plus grande attaque de ce type jamais réalisée. Elle a été contrée par Israël avec l’aide de ses alliés. Mais le premier ministre Benyamin Netanyahou avait promis une réponse sévère. L’éventail des options était assez large, de l’assassinat politique à la frappe sur unsite nucléaire en passant par la destruction des capacités pétrolières de l’Iran.

La réponse israélienne ne faisait pas de doute, mais elle s’est fait attendre probablement à cause des craintes américaines de voir toute la région plonger dans une guerre totale.

À Washington, l’Administration aurait poussé Israël à répondre a minima. Simultanément, un système de défense antimissile américain a été déployé en Israël. Il est servi par une centaine de militaires américains présents sur le sol israélien. Au début de la semaine, l’armée a annoncé qu’il était opérationnel. Cette semaine a également vu la fin des fêtes juives, qui se sont conclues jeudi par Simhat Torah, jour anniversaire des massacres du 7 octobre dans le calendrier hébreu.

Annoncées quasiment en temps réel, ces manœuvres sont le signe d’un changement de paradigme dans le conflit entre Israël et l’Iran. Ces dernières années, il se jouait soit dans l’ombre, avec des assassinats d’officiels iraniens jamais revendiqués par Israël, soit par l’intermédiaire des affidés de l’Iran : Hamas, Hezbollah, milices chiites irakiennes. Tout a basculé le 7 octobre 2023, de façon progressive. Le 8, au lendemain de l’attaque terroriste menée depuis la bande de Gaza par le Hamas, le Hezbollah a annoncé son entrée en guerre contre Israël.

Dans l’esprit de Hassan Nasrallah, le chef du mouvement chiite libanais vassal de Téhéran tué le 27 septembre, il s’agissait de mener une guerre d’usure, pour fatiguer Israël et le divertir de son principal objectif : la destruction du Hamas dans la bande de Gaza.

Mais, progressivement, la guerre a gagné en intensité au nord d’Israël, avec une accélération à partir du printemps, qui a conduit au conflit ouvert entre l’Iran et l’État hébreu. Au mois d’avril, Israël frappe l’ambassade iranienne à Damas. Le 13, l’Iran tire environ 300 drones et missiles balistiques sur son ennemi.Uncapaétéfranchi. L’attaque est contrée et, le 19 avril, Israël répond par une frappe sur un site de défense aérienne. Dans le nord du pays, les bombardements du Hezbollah sont de plus en plus intenses et Israël répond par des frappes aériennes de plus en plus loin à l’intérieur du Liban. Le 27 juillet, une roquette du Hezbollah tombe sur un terrain de football dans la ville druze de Majdal Shams, tout au nord du Golan annexé.

Douze enfants sont tués sur le coup. Trois jours plus tard, en réponse à ce massacre, un haut commandant du Hezbollah est tué dans un bombardement à Beyrouth. Le 31 juillet, Ismaël Haniyeh, le chef du Hamas, est assassiné à Téhéran.

L’Iran promet une réponse. Mi-septembre, Israël officialise son entrée en guerre contre le Hezbollah. Le 1er octobre vient la riposte iranienne. Elle arrive le jour même où Israël annonce être entré militairement au sud du Liban et quatre jours après l’assassinat, dans un bombardement à Beyrouth, du chef de la milice chiite, Hassan Nasrallah.

La difficulté pour Israël est alors de répondre à l’Iran sans faire sombrer toute la région dans une guerre dévastatrice. En retenant sa force, l’État hébreu a montré qu’il souhaitait éviter le scénario du pire. Mais, entre l’Iran et Israël, les règles ont changé. La balle est désormais dans le camp iranien. Toute la question est de savoir comment les mollahs entendent la jouer.

Cela ne se fera peut-être pas de manière directe. De multiples hypothèses sont envisageables, car cette guerre se mène sur plusieurs niveaux à la fois. Liban, Syrie, Irak, Yémen, bande de Gaza, Cisjordanie : Israël se bat en même temps sur sept théâtres. Avec à chaque fois, in fine, un même adversaire : l’Iran. Or, il est difficile d’envisager une sortie de crise. La guerre fait toujours rage au sud du Liban, où dix soldats israéliens sont morts ce week-end. En Cisjordanie, la tension est à son comble et à l’intérieur d’Israël on assiste à une multiplication des attentats : le dernier, dimanche, a eu lieu à Tel-Aviv, quand un camion a foncé sur un arrêt de bus, tuant au moins une personne et enblessant une quarantaine.

Dans la bande de Gaza, les affrontements persistent dans le Nord, l’ensemble de l’enclave est soumis à des bombardements et la situation humanitaire y est catastrophique. Les négociations pour un cessez-le-feu devraient bientôt reprendre : le Hamas a proposé dimanche que les 101 otages israéliens soient relâchés en échange d’un retrait israélien. Les États-Unis font pression pour qu’un accord soit trouvé. Mais Netanyahou, qui n’a pas cédé depuis le début de la guerre, voit s’approcher l’échéance des élections présidentielles et avec elles la possibilité d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.