Après Tel-Aviv, le Hamas et le Jihad islamique palestinien menacent de commettre d’autres attentats en Israël

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Après Tel-Aviv, le Hamas et le Jihad islamique palestinien menacent de commettre d’autres attentats en Israël
الثلاثاء 20 أغسطس, 2024

La revendication d’une puissante explosion, dimanche, a fait ressurgir le spectre des attentats-suicides, alors que de nombreuses attaques ont été commises sur le territoire de l’Etat hébreu depuis le massacre du 7 octobre 2023.

Par Samuel Forey (Jérusalem, correspondance) - Le Monde

L’homme, la cinquantaine un peu replète, marche tranquillement, en jean et tee-shirt, cheveux courts et lunettes d’étudiant appliqué, dans la rue Lehi, à Tel-Aviv, dimanche 18 août, un sac à dos bleu sur les épaules. La soirée est calme, malgré l’attente du résultat des négociations qui doivent aboutir à un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas palestinien, mais aussi d’éventuelles représailles de l’Iran et du Hezbollah, après les assassinats ciblés commis par l’Etat hébreu à Téhéran et à Beyrouth, fin juillet – dont celui d’Ismaïl Haniyeh, le leader du Hamas, originaire de Gaza.

Soudain, à la hauteur du numéro 97 de la rue Lehi, une puissante explosion pulvérise le porteur du sac et résonne dans la rue, blessant légèrement un passant. Un attentat ou un règlement de comptes ? « On peut considérer qu’il s’agit d’une attaque terroriste, avec la détonation d’un puissant engin explosif », estiment la police israélienne et le Shin Beth, le service de renseignement intérieur israélien. Plus tard, le Hamas et le Jihad islamique, dans un communiqué conjoint, revendiquent « l’attaque-suicide de dimanche soir à Tel-Aviv », même si l’assaillant semble avoir raté son coup, la charge ayant explosé dans une rue déserte.

Mais ce communiqué est assorti d’une menace : « Les attentats-suicides dans l’intérieur occupé [expression utilisée par le Hamas pour désigner Israël] reviendront sur le devant de la scène, tant que dureront les massacres de l’occupant [israélien], les opérations de transfert forcé de civils et la politique des assassinats. » Autrement dit : les attaques de ce type continueront tant que la guerre à Gaza durera, et que le ciblage systématique des cadres des groupes armés palestiniens, dans l’enclave ou ailleurs, se poursuivra.

Concernant l’explosion à Tel-Aviv, la police israélienne imagine possible le fait qu’une synagogue voisine ait été la cible de l’assaillant. Malgré l’absence d’alertes spécifiques concernant de futures attaques, la présence policière a été renforcée dans la ville. A ce stade de l’enquête, de nombreux détails manquent, en particulier sur le parcours du porteur des explosifs, sans antécédents criminels ou terroristes connus ; il n’a pas laissé de témoignage sur les raisons de son geste, contrairement au modus operandi habituel. Un haut responsable de la police a déclaré au média israélien Haaretz que l’engin « ne ressemblait à rien de ce que nous avons vu depuis des années dans notre district ». « Cela nous met dans un état d’esprit différent », a-t-il ajouté.

Avec cette attaque ratée ressurgit le spectre des nombreuses attaques-suicides de la deuxième Intifada, au début des années 2000. Lors de cette décennie, près de la moitié des quelque 1 200 personnes tuées l’ont été lors d’un attentat-suicide, selon le chercheur Yoram Schweitzer, responsable du terrorisme et des conflits de basse intensité à l’Institut pour les études sur la sécurité nationale, un groupe de réflexion israélien.

L’Etat hébreu a réussi, par la force, à réduire ce type d’attaque, notamment par l’élimination systématique de cadres du Hamas. Le dernier attentat-suicide remonte à 2016 – vingt blessés, à Jérusalem. Sévèrement affaibli par les assassinats menés par l’armée israélienne, le mouvement palestinien aurait-il les moyens d’entreprendre une nouvelle campagne ? « Ça va être difficile de le faire de la bande de Gaza, mais c’est tout à fait possible de Cisjordanie. Je ne suis pas sûr que le Hamas ait les capacités de projeter beaucoup d’attaques, mais ce genre d’initiative peut encourager d’autres groupes ou des individus isolés », explique M. Schweitzer.

Depuis le massacre du 7 octobre 2023, qui a causé la mort de 1 200 Israéliens, dont 800 civils, de nombreux attentats ont été commis, à Jérusalem comme en Israël, et en Cisjordanie, occupée par l’armée de l’Etat hébreu depuis 1967. Au couteau, à l’arme à feu ou à la voiture-bélier, ils ont causé la mort d’une dizaine d’Israéliens, et celle de leurs assaillants palestiniens. Une relative accalmie a eu lieu au printemps.

Quelques attaques ont été déjouées, selon ce qu’a affirmé, en mars, l’armée israélienne, en éliminant un assaillant présumé, à Naplouse, soupçonné de préparer un attentat à la bombe. Peu de candidats aux assauts à caractère terroriste échappent au maillage sécuritaire particulièrement étroit verrouillant la Cisjordanie, qui crée un quasi-confinement des grandes villes palestiniennes.

Mais l’été a vu une recrudescence de ces attaques. Depuis début août, trois Israéliens ont été tués et quatre blessés, par arme blanche ou lors d’une fusillade. Pour Michael Milshtein, responsable du forum des études palestiniennes au Centre Moshe-Dayan et ex-officier des services de renseignement, il faut prendre ces menaces au sérieux, en particulier après la nomination de Zaher Jabarin, successeur de Saleh Al-Arouri, numéro deux du Hamas assassiné, en janvier, par Israël.

Responsable des activités en Cisjordanie pour le mouvement islamiste palestinien, « Zaher Jabarin [y] a accentué les efforts [de l’organisation] de toutes ses forces ». Il est aussi celui qui tient les finances du Hamas et qui avait averti, en mai, que « la Cisjordanie surprendrait bientôt Israël », selon le journaliste israélien Khaled Abu Toameh.

Ces événements se déroulent alors que de hauts responsables sécuritaires israéliens s’inquiètent d’une possible interaction entre le crime organisé qui ravage la communauté des Palestiniens de citoyenneté israélienne – 26 morts en juillet – et les groupes armés qui souhaitent viser l’Etat hébreu. Les gangs arabes disposent d’un arsenal de plus en plus important : « Le marché est inondé [de ces armes] à cause de la guerre », a confié un haut responsable des forces de l’ordre à Haaretz.

Les menaces des groupes armés palestiniens se profilent, alors que la région est au bord d’un conflit généralisé et que l’armée israélienne, éprouvée par dix mois de guerre à Gaza, pourrait devoir affronter le Hezbollah libanais. Rien ne garantit que l’Etat hébreu soit en mesure de lutter efficacement contre un Hamas affaibli mais secondé par un crime organisé palestinien qui n’a jamais été aussi puissant, dans un contexte régional plus que jamais hostile.