Israël est en train de se livrer à une “épuration ethnique” en toute impunité à l’encontre des Palestiniens.
Michel Hajji Georgiou
La justice internationale ne semble aucunement les concerner.
Comme cela était déjà le cas avec le Hezbollah face au Tribunal
Spécial pour le Liban, Israël tire sa légitimité directement de Dieu - le “peuple élu” pour qui la “Terre Promise” est un “droit divin”, un “don de Dieu”.
Partant, comme la théocratie iranienne, Israël ne saurait reconnaître la “justice des hommes”, encore moins celle “des nations” (les résolutions de l’Onu).
Il ne connaît que la “raison d’Etat”, à savoir la “survie, la sécurité et la pérennité d’Israël”, qui passe non plus seulement par la suprématie militaire et policière et la protection du territoire contre les attaques du Hamas, mais par l’extermination des Palestiniens, pour empêcher la création d’un État palestinien, ainsi que pour des considérations purement démographiques, liées à la purification de l’espace géographique de “l’ennemi sunnite”.
Ce souci de sécurité de la part d’Israël concerne également le Hezbollah, mais dans une moindre mesure. Pour les Netanyahistes, la loi de la proximité impose d’en finir avec “l’ennemi sunnite” d’abord. La sécurité de la frontière nord passe en second par rapport à l’hinterland, et ne requiert pas le même intérêt.
Une entente “tacite” avec l’Iran sur la nécessité d’une non-extension du conflit entre les deux pays - démontrée par la prestation hollywoodienne de la réponse à l’attaque contre le consulat iranien - induit que Téhéran se soucie plus de son intérêt personnel que de ses ramifications arabes, qui sont, dans une optique de hiérarchie raciale propre au mythe de la supériorité perse sur les Arabes, rien qu’un outil stratégique, une carte de négociation, de la seule chair à canon.
Il est vrai que le Hamas - quelles que soient ses intentions, ses raisons, la légitimité et la justesse de son opération ou encore et ses acquis derrière l’attaque terroriste du 7 Octobre, tous sérieusement discutables - lui a offert un prétexte dans ce sens.
Mais nous n’en sommes plus vraiment là.
La réponse disproportionnée et démente de Netanyahu, pour des raisons plus personnelles que nationales, a modifié toute la donne. Au terrorisme d’une milice, Israël a répondu par un terrorisme d’Etat inqualifiable.
Le raisonnement des partisans de la folie de Netanyahu défendent ouvertement aujourd’hui la logique du massacre des civils en imputant la responsabilité des crimes de guerres israéliens contre les civils palestiniens au Hamas, ce qui constitue la base de toute légitimation de la violence disproportionnée et le summum de la culture de l’impunité. Un inversement total de toutes les valeurs.
De toute évidence, Israël a bien tiré les leçons de la répression par les régimes tyranniques, puis par les organisations islamistes, du printemps arabe - et surtout du silence arabe et occidental, notamment vis-à-vis des massacres à grande échelle commis par son “allié objectif” Assad et Vladimir Poutine contre le peuple syrien.
Sans doute le seul véritable acquis, sur les ruines de Gaza et de sa population, non pas du 7 Octobre, encore moins du Hamas, mais du sacrifice propitiatoire de la population gazaouie et de la cruauté de Netanyahu, est la prise de conscience par l’opinion publique mondiale de l’existence d’un véritable “malheur” palestinien dans le mépris et l’ignorance du monde entier.
Par sa réponse sanguinaire et destructrice, la machine de guerre israélienne a provoqué un élan de sympathie inédit, surtout sur le terrain occidental, dominé depuis presque un siècle par une empathie avec la logique sioniste.
Cette empathie a rétabli un équilibre qui jouait aux dépens des Palestiniens, pour ne pas dire qu’elle a carrément changé de camp - même avec certaines manifestations de naïveté estudiantine aux États-Unis (nées sans doute du fait de l’omniprésence d’une culture américaine complotiste dans certains milieux de l’extrême-gauche, du reste largement exploitées pour diaboliser le mouvement).
En ce sens, le massacre-sacrifice des gazaouis innocents pourrait ne pas être vain.
Il pourrait d’abord provoquer la fin des extrêmes - de la folie-impasse de Netanyahu d’une part, et de celle des proxys iraniens d’autre part, et la l’instauration d’une paix durable dans la région, basée sur les résolutions du sommet arabe 2002 et de la solution des deux États, c’est-à-dire la création d’un État palestinien viable, libre, définitif et jouissant d’une reconnaissance internationale.
En ce sens, ce serait la victoire du rameau d’olivier brandi par Yasser Arafat le 13 novembre 1974, sur la logique de la violence - ce qui constituerait une défaite pour ceux qui l’ont éliminé, ceux qui ont tué Yitshak Rabin et ceux qui ont assassiné Rafic Hariri pour ouvrir une voie royale à la violence et aux extrêmes dans la région dans le but de générer une guerre sans fin de tous contre tous, et, partant, de renouveler sans cesse leur légitimité populaire grégaire par la violence, la peur de l’autre et l’idée d’une protection de la acabiya du groupe.
Il pourrait aussi, par extension, pousser l’Iran à abandonner son projet impérialiste de restaurer l’empire de Darius III - comme Tel-Aviv celui du Grand Israël - et son aile internationale guerrière en contrepartie d’une levée des sanctions internationales et du retour dans le concert des nations.
Il pourrait surtout mettre fin à la culture et de la violence et de l’impunité une bonne fois pour toutes dans la région, en punissant les responsables des crimes de guerre - la CPI a ouvert la voie à un tel processus - et d’ouvrir également la voie à une déposition et une incrimination d’Assad pour crimes contre l’humanité et une restauration de la démocratie en Syrie.
Un tel geste aurait des conséquences certaines permettant d’endiguer le “bullying” constant de Poutine en Ukraine et en Europe de l’Est.
Il pourrait enfin paver la voie à la création d’un front international pour la paix et le dialogue, d’une culture médiane de la modération, pour restaurer tous les liens brisés par les conflits, la haine et la violence.
Mais encore faut-il qu’il y ait vraiment encore des “gens de bien” dans le monde aux commandes et qui écoutent, que ce soit au pouvoir ou dans la société.
Au moins, et cela reste une maigre consolation, certaines utopies sont douces et pacifiques.
Au-delà de l’insoutenable violence de la réalité, on peut toujours rêver. C’est même, sans doute, le dernier droit inaliénable.