Summer Said, The Wall Street Journal / L'Opinion
Les pourparlers n’en sont qu'à leur début et pourraient achopper sur les détails
DUBAÏ — Les Etats-Unis, l’Egypte et le Qatar font pression sur Israël et le Hamas pour qu’ils s’engagent dans un processus diplomatique en plusieurs étapes. Celui-ci commencerait par la libération des otages et conduirait, à terme, au retrait des forces israéliennes et à la fin de la guerre à Gaza , ont déclaré des diplomates participant aux pourparlers de la médiation.
Taher Al-Nono, conseiller médias du Hamas, a déclaré qu’il n’y avait pas de réel progrès dans les négociations. Dimanche, à la suite du présent article du Wall Street Journal, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a indiqué qu’il rejetait les demandes du Hamas au motif qu’elles prévoyaient de mettre un terme à la guerre.
« Si nous acceptons cela, nos soldats seront tombés en vain et nous ne serons pas en mesure d’assurer la sécurité de nos citoyens », a ajouté M. Netanyahu dans sa déclaration de dimanche.
Cependant, selon des sources bien informées, Israël et le Hamas sont, en réalité, de nouveau disposés à relancer des discussions qui piétinent depuis la fin du dernier cessez-le-feu, le 30 novembre. Les négociations devraient se poursuivre au Caire dans les prochains jours.
« La volonté des deux parties d’examiner un cadre des négociations est une étape positive. Les médiateurs s'efforcent à présent de rapprocher les points de vue », a déclaré l’une des sources précitées.
La nouvelle proposition, soutenue par Washington, Le Caire et Doha, traduit une nouvelle approche pour désamorcer le conlit. Elle vise à inclure la libération des otages israéliens enlevés par le Hamas dans un accord global qui pourrait conduire à la in des hostilités.
En novembre, une trêve des combats avait duré une semaine et s’était accompagnée de l’échange de 100 otages israéliens à Gaza contre plus de 300 Palestiniens emprisonnés par Israël.
Les négociateurs israéliens continuent à plaider en faveur d’un arrêt des combats pendant deux semaines pour permettre l’échange d’otages et de prisonniers mais se montrent réticents à discuter de plans prévoyant un cessez-le-feu permanent, ont déclaré des responsables égyptiens.
De son côté, le Hamas cherche à maximiser la valeur des otages qu’il détient et ne veut les monnayer que contre des milliers de prisonniers palestiniens et un cessez-le-feu permanent. Le leader du mouvement à Gaza, Yahya Sinwar, estime que les Israéliens donneront la priorité aux otages sur les opérations militaires et que le Hamas doit tenir le plus longtemps possible pour épuiser l’Etat hébreu et maintenir sur lui la pression internationale, ont déclaré les responsables. M. Sinwar est prêt à libérer des otages, mais il souhaite obtenir en échange un cessez-le-feu plus long et de meilleures conditions que lors de la dernière trêve.
Dans sa déclaration de dimanche, M. Netanyahu a précisé qu’il avait rejeté les demandes du Hamas, qui incluaient la fin de la guerre, le retrait des troupes israéliennes de Gaza, la libération des miliciens impliqués dans les attaques du 7 octobre contre Israël et de laisser en paix le mouvement. M. Netanyahu a ajouté que lors de son échange téléphonique avec M. Biden vendredi, il avait affirmé au président américain qu’Israël n’accepterait rien d’autre qu’une « victoire totale » dans la bande de Gaza.
« J’apprécie énormément le soutien des Etats-Unis à Israël — et je l’ai dit à M. Biden. Mais je reste fermement attaché à nos intérêts vitaux », a indiqué M. Netanyahu.
Le Hamas a fait plus de 200 otages lors d’un assaut surprise contre Israël le 7 octobre qui, selon Tel-Aviv, a également causé la mort de 1 200 personnes. Certaines de ces victimes ont, avant d’être tuées, été tortures et violées, selon des responsables israéliens. Les autorités ont déclaré que l’attaque avait profondément bouleversé la société israélienne et ont juré de détruire le Hamas et d’éliminer ses dirigeants.
Les Etats-Unis, l’Egypte et le Qatar considèrent que la conclusion d’un nouvel accord sur les otages est la clé d’un arrêt prolongé des combats. Des responsables égyptiens affirment que, si les dirigeants israéliens adoptent en public une position intransigeante, il existe des divisions au sein du cabinet de guerre israélien, dont certains membres demandent que l’on donne la priorité aux otages.
Dans une de ses rares interviews, accordée à la télévision israélienne, Gadi Eisenkot, un ancien général qui est maintenant un membre sans droit de vote du cabinet de guerre israélien, a déclaré : « Nous ne devrions pas avoir peur de dire qu’il est impossible de récupérer les otages vivants dans un avenir proche sans un accord. »
D’autres hauts responsables israéliens ne partagent pas ce point de vue et estiment que seule une pression militaire persistante sur le Hamas contraindra la milice à restituer les personnes retenues en captivité.
Mardi dernier, au Caire, les négociateurs israéliens ont présenté une contre-proposition sur les otages, qui ne retenait pas l’option de mettre fin à la guerre, selon des responsables égyptiens. Le principal négociateur égyptien, Abbas Kamel, chef des services de renseignement, a reproché à la délégation israélienne de ne pas prendre les pourparlers au sérieux.
Parallèlement, le Hamas a fait savoir aux responsables égyptiens et qataris qu’il n’était pas satisfait du précédent accord temporaire sur les otages. Selon la milice, l’aide apportée à Gaza a été inférieure à ce qui avait été promis et de nombreux prisonniers libérés ont été arrêtés à nouveau par la suite.
Un responsable qatari a déclaré que Doha « continue le dialogue avec toutes les parties dans le but de mettre in immédiatement à l’effusion de sang, de protéger la vie des civils innocents, d’obtenir la libération des otages et de faciliter l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire à Gaza ».
Les médiateurs ont proposé un plan sur 90 jours comportant trois phases. La première consisterait à interrompre les combats pendant un temps non précisé afin que le Hamas libère tous les otages civils israéliens, tandis que l’Etat hébreu en ferait de même avec des centaines de prisonniers palestiniens, retirerait ses forces des villes de Gaza, autoriserait la liberté de circulation dans la bande, mettrait in à la surveillance par drones et laisserait doubler la quantité d’aide acheminée dans l’enclave, selon le plan.
Ensuite, lors de la deuxième phase, le Hamas libérerait les femmes soldats israéliennes et remettrait les corps, tandis qu’Israël relâcherait d’autres Palestiniens. Enfin, durant la troisième phase, les soldats israéliens et les hommes en âge de combattre que le Hamas considère comme des militaires seraient libérés, selon des responsables égyptiens, tandis qu’Israël redéploierait une partie de ses forces en dehors des frontières actuelles de la bande de Gaza.
Israël affirme avoir détruit plus de la moitié des unités combattantes du Hamas et avoir en grande partie débarrassé la ville de Gaza — la plus grande de l’enclave — et ses environs de ses miliciens. Tsahal se bat désormais à Khan Younès — une cité densément peuplée du sud de l’enclave — et se prépare à des affrontements dans la ville frontalière de Rafah, où plus de 1,3 million de civils ont trouvé refuge.
La création d’un fonds international pour la reconstruction de Gaza et des garanties de sécurité pour les dirigeants politiques du Hamas sont également sur la table, ont indiqué des responsables égyptiens.
Par la suite, le plan a pour objectif de lancer des pourparlers en vue d’un cessez-le-feu permanent, la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes comme l’Arabie saoudite et la réactivation du processus de création d’un Etat palestinien, selon les responsables égyptiens. Les pays du Golfe ont exclu de financer la reconstruction de Gaza — comme le demandent les Israéliens — si la création d’un Etat palestinien n’est pas définitivement actée.
Selon les responsables égyptiens, les dissensions internes au sein du Hamas entravent considérablement les pourparlers.
D’un côté, M. Sinwar, le cerveau des attentats du 7 octobre, serait terré dans le réseau tentaculaire de tunnels sous Gaza avec au moins quelques-uns des otages. Il a déclaré aux médiateurs que le Hamas avait globalement gagné la guerre, malgré de lourdes pertes militaires et la mort d’au moins 25 000 Palestiniens au cours de l’offensive israélienne — principalement des femmes et des enfants. Ce bilan provisoire des autorités sanitaires palestiniennes, dirigées par la milice islamiste, ne fait pas de distinction entre civils et combattants.
Les pertes humaines et les destructions infligées à Gaza ont suscité des critiques sur la conduite de la guerre par Israël de la part des capitales arabes et d’autres pays et entraîné des manifestations en Occident. Le gouvernement sud-africain a déposé une plainte pour génocide contre Israël auprès de la Cour internationale de justice. Israël réfute cette accusation.
De l’autre côté, se trouvent les dirigeants politiques du Hamas basés à Doha. Ils mènent les pourparlers avec le Qatar et l’Egypte, se battent pour que le Hamas reste un acteur important après la fin de la guerre et ont fait part de leur volonté de démilitariser la bande de Gaza, ce à quoi M. Sinwar s’oppose avec véhémence, selon les responsables égyptiens.
Israël refuse que le Hamas joue un rôle dans le futur gouvernement de Gaza et a exclu l’idée, qui a notamment été suggérée par les Etats-Unis, que l’Autorité palestinienne laïque, qui gouverne la Cisjordanie, devrait diriger la bande de Gaza.
M. Sinwar et le chef politique du Hamas à Doha, Ismaël Haniyeh, n’ont pas eu de contact direct depuis près d’un mois, ont indiqué des responsables. Une situation qui rend difficile la conclusion d’un accord.