Le gouvernement de Benyamin Netanyahou accélère les préparatifs légaux et administratifs d'une annexion d'une partie de la Cisjordanie, en espérant obtenir un soutien de l'administration de Donald Trump.
Pascal Brunel, Correspondant à Tel-Aviv. Les Echos.
Au moment où Gaza polarise l'attention de la communauté internationale, le gouvernement de Benyamin Netanyahou met les bouchées doubles en vue d'annexer 60% de la Cisjordanie. Toute une série de mesures administratives et de projets de loi sont sur les rails pour réaliser cet objectif. Bezalel Smotrich, le ministre des Finances, chef d'un parti ultranationaliste et fervent partisan de la colonisation, s'est notamment félicité d'une - décision historique, qui va permettre pour la première fois de prendre la responsabilité sur la gestion des terres en Cisjordanie.
Il faisait allusion au projet du gouvernement de faciliter l'acquisition par des Israéliens de biens immobiliers, y compris dans des localités palestiniennes, avec un minimum d'intervention du gouvernement, autrement dit une sorte de privatisation de la colonisation.
Judée-Samarie biblique
Par précaution, les autorités israé liennes vont également mettre la main sur l'enregistrement, et donc la légalisation du point de vue du droit israélien, des propriétés qui seront acquises, en vue de bloquer toute contestation juridique et en durcissant les critères de validité des titres de propriétés présentés par les Palestiniens.
Un autre projet dans les tuyaux porte sur la prochaine dénomination exclusive de Judée-Samarie, le nom biblique de la Cisjordanie, dans les documents officiels. Pour compléter le tableau, le gouvernement entend relier les colonies, où sont installés plus d'un demi-million d'Israéliens, au réseau de distribution de gaz naturel du pays. Le patrimoine historique n'est pas oublié. La responsabilité des fouilles archéologiques en Cisjordanie va être prise en charge par l'Autorité des antiquités, un organisme gouvernemental.
Sur le front financier, un projet de loi doit être présenté sur un gel partiel des transferts de fonds provenant des droits de douane et de la TVA sur les importations destinées à la Cisjordanie qu'Israël doit rembourser à l'Autorité palestinienne (AP) présidée par Mahmoud Abbas. Cette mesure est présentée comme une sanction au financement du terrorisme et comme une compensation des vols de voitures en Israël et vise à affaiblir l'AP et contrer ainsi toute possibilité de créer un Etat Palestinien.
Parallèlement, les permis de construire réservés aux Israéliens connaissent un boom sans précédent en Cisjordanie. Selon La paix maintenant, une ONG israélienne de gauche hostile à la colonisation, le nombre de ces permis dans les implantations de Cisjordanie a dépassé la barre des 10.000 au premier trimestre de cette année. Un chiffre supérieur à celui enregistré pour l'ensemble de 2024.
Fin mars, le gouvernement a également débloqué 90 millions de dollars pour financer la construction d'une route, qui sera interdite d'accès aux Palestiniens, pour relier Jérusalem à Maale Adoumin, une colonie voisine.
Tensions avec Trump
Toutes ces mesures concernent la zone C qui s'étend sur 60% de la Cisjordanie, où Israël a conservé tous les pouvoirs civils et militaires aux termes de l'accord sur l'autonomie palestinienne conclu en 1993. Quelque 300.000 Palestiniens vivent dans ce secteur. La grande Inconnue porte désormais sur l'attitude de Donald Trump.
L'ambassadeur des Etats-Unis en Israël qu'il a nommé, Mike Huckabee, est ouvertement favorable à la colonisation en Cisjordanie. Le président lui-même avait présenté en janvier 2020, lors de son premier mandat, un plan prévoyant une annexion de près d'un tiers de la Cisjordanie. Mais ce scénario avait été rejeté par Mahmoud Abbas.
Benyamin Netanyahou avait, pour sa part, renoncé à recourir à une annexion en échange de la conclusion des accords d'Abraham, qui ont permis une reconnaissance diplomatique de l'Etat hébreu par les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc. Reste à savoir si Donald Trump va reprendre à son compte ce plan, alors que les motifs de tension se multiplient entre Benyamin Netanyahou et le président américain. Elles dégénèrent ouvertement avec le président français que le Premier ministre israélien accuse de faire la propagande d'une organisation terroriste. Emmanuel Macron a jugé les agissements du gouvernement israélien inaccepta-bles à Gaza.