En lien avec l'État hébreu et les États-Unis, la France mobilise différents leviers afin de restreindre la capacité de nuisance des groupes pro-iranien
Pascal Airault - L'Opinion
Des responsables d’une vingtaine de pays (Europe, Amériques, Asie) sont attendus mercredi à Paris pour renforcer la lutte économique et informationnelle contre le Hamas alors que l’armée israélienne poursuit son offensive dans la bande de Gaza. Aucun Etat arabe ni la Turquie ne participeront à cette réunion. Mais la France prévoit de les tenir informés.
La France a ouvert plusieurs fronts contre les alliés de l’Iran. Paris le fait dans la lignée des actions diplomatique, sécuritaire, économique et informationnelle déjà prises par l’administration américaine et en pleine concertation avec Israël. Mercredi, Aliza Bin-Noun, la directrice des affaires politiques du ministère israélien des Afaires étrangères, a été conviée à la réunion de hauts fonctionnaires et d’experts d’une vingtaine de pays qui se tient à Paris. Elle devrait y faire une présentation de l’état de la menace du Hamas avant que la France, les États-Unis et d’autres pays détaillent leurs actions pour enrayer les inancements et la propagande de l’organisation terroriste.
Cette séquence a été préparée notamment lors du déplacement de son homologue français, Frédéric Mondoloni, et la directrice générale des Relations internationales et de la Stratégie du Ministère des Armées, Alice Rufo, la semaine dernière à Jérusalem.
La France a déjà pris des sanctions (gel des avoirs, interdiction de mise à disposition de fonds, interdiction de voyager) à l’égard de Mohammed Deif et Marwan Issa, le commandant des Brigades Ezzedine Al-Qassam du Hamas, et son adjoint. Et plus récemment à l’intention de Yahya Sinouar, chef du Hamas dans la bande de Gaza. Avec Rome et Berlin, Paris tente de les faire adopter au niveau européen. Lundi, les ministres des Affaires étrangères allemand, français et italien ont saisi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, pour qu’il accélère les discussions.
Le Hamas est sur la liste des organisations terroristes des Vingt-sept, mais certains pays nordiques sont réticents à l’imposition de ces sanctions. « Pour chaque entité ou personne visée, il faut monter des dossiers avec des preuves répondant aux standards de l’UE », témoigne un acteur au cœur des discussions. De leur côté, les États-Unis coordonnent leur dispositif avec le Royaume-Uni. Ils se sont montrés plus réactifs. Le 14 novembre, ils ont imposé une troisième série de sanctions ciblant des individus et des entités ailiés au Hamas.
En lien avec le Groupe d’action financière (Gafi), la France cherche à cibler d’autres responsables du Hamas qui financent leur combat via des organisations caritatives, des pays amis, et de plus en plus les cryptomonnaies.
Diplomatie préventive.
Envers le Hezbollah, la France joue la diplomatie préventive. Elle le fait toujours en lien avec Tel-Aviv qui souhaite rapidement créer les conditions permettant le retour des 100 000 civils israéliens déplacés en raison de la reprise des tirs croisés entre Tsahal et le Hezbollah, de part et d’autre de la frontière.
Israël demande la pleine application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU prévoyant la création d’une zone tampon démilitarisée dans le sud du Liban. La France dispose toujours de 700 casques bleus au sein de la Finul (mission onusienne) mais n’a pas les moyens, sans coopération du Hezbollah, de la faire respecter depuis son adoption en 2006.
Paris a envoyé vendredi dernier à Beyrouth des émissaires du ministère des Armées et du Quai d’Orsay pour mettre les dirigeants libanais devant leurs responsabilités. Une visite qui fait suite à celles de Jean-Yves Le Drian, l’envoyé spécial du président français pour le Liban, puis de Bernard Emié, le directeur général de la DGSE, cinq jours plus tôt.
« Israël n’est plus prêt à tolérer le statu quo qui existait avant le 7 octobre, confie un bon connaisseur de la situation. Tsahal craint aussi des incursions terrestres du Hezbollah. C’est la raison pour laquelle l’aviation israélienne frappe actuellement ses positions plus en profondeur. »
Bluff ou pas, Israël menace d’engager une guerre totale contre le Liban. Les « sécurocrates » à Tel-Aviv assurent qu’ils n’ont plus besoin de mobiliser pleinement leurs avions de combat dans la bande de Gaza, après deux mois de frappes intensives.
Pour l’instant, le Hezbollah a fait preuve d’une forme retenue dans ses attaques contre l’Etat hébreu. Mais nul n’est à l’abri d’une escalade. Le message délivré par Paris aux acteurs libanais est le suivant : « Ne vous méprenez pas sur la détermination d’Israël à éradiquer toute menace régionale ».
Enfin, Paris, à l’instar des Etats-Unis, a positionné des navires de guerre dans la mer Rouge où les rebelles houthis ont repris leur déstabilisation du trafic maritime. La frégate multi-missions (FREMM) Languedoc a détruit lundi un drone qui menaçait un pétrolier battant pavillon norvégien. La même frégate avait déjà abattu deux drones qui se dirigeaient sur elle dans la nuit de samedi à dimanche.