Confiance en berne, suspicion générale... dans l’Etat hébreu, la fracture s’accroît entre Juifs et Arabes israéliens

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Confiance en berne, suspicion générale... dans l’Etat hébreu, la fracture s’accroît entre Juifs et Arabes israéliens
الاثنين 26 مايو, 2025

Des spécialistes mettent en garde contre l’explosion de violences entre les deux communautés, à mesure que la guerre s’intensifie à Gaza et que la pression s’accroît sur les Arabes israéliens, régulièrement pris pour cible par la coalition d’extrême droite de Benjamin Netanyahu

Dinah Cohen. L'OPINION

Quelques mots et un vent de panique . Le 29 avril à Tel Aviv, des milliers de personnes sont réunies pour « Yom Hazikaron » – jour de commémoration des soldats tombés depuis la création de l’Etat. Aux abords de la place, trois hommes parlent en arabe. Ils refusent de décliner leur identité auprès de la police. « Mehabel », crie aussitôt un témoin – « terroriste », en hébreu. Les participants se ruent pour se mettre à l’abri. Fausse alerte. Une vingtaine de personnes finissent à l’hôpital pour des blessures légères. Les trois hommes, eux, étaient en réalité employés pour l’événement.

La scène illustre l’état de tension qui demeure depuis le 7 octobre 2023 entre juifs et arabes d’Israël, et la pression qui pèse sur ces derniers. « Tout le monde agit encore différemment que dans le passé – les gens sortent moins, ils sont plus réservés, ils regardent par terre... Le traumatisme collectif et individuel n’a pas bougé parce que les gens se sentent toujours autant en danger », observe Eyal Winter, professeur à l’université hébraïque de Jérusalem.

Pour les arabes israéliens, la situation a connu deux temps. D’abord, le choc. Celui du 7 octobre et le fait qu’il touche indistinctement les victimes, parmi lesquelles 24 citoyens arabes, dont 19 bédouins, tous assassinés par le Hamas. Neuf autres ont été pris en otages.

Surveillance. Rapidement toutefois, la surveillance par les services de police et de renseignement de toute expression de solidarité à l’égard des Gazaouis s’organise. La population arabe fait l’objet d’une attention particulière. Ces citoyens qui représentent 20 % de la société israélienne, sont aussi les descendants des quelque 160 000 Palestiniens restés dans le pays après la guerre d’indépendance de 1948, désignés selon leur terme par « Nakba », catastrophe en arabe.

A mesure que le 7 octobre s’éloigne, les images de Gaza prennent le pas. La pression se renforce et les relations se dégradent. Selon un sondage réalisé en janvier 2025 pour le centre israélien Givat Haviva, consacré à la réconciliation entre juifs et arabes, la confiance mutuelle chute : 23 % des juifs affirment faire confiance à leurs voisins arabes contre 33 % un an plus tôt ; 39 % des arabes en disent autant contre 50 % en 2024. L’hostilité ressentie augmente et la présence dans les lieux mixtes tend à se limiter aux seuls espaces professionnels.

Les discriminations déjà existantes sont aussi accrues par la coalition de Benjamin Netanyahu. « Le principal problème est la jeune génération, moins intégrée et qui paie le prix d’un gouvernement qui n’investit plus », dénonce Michael Milshtein, responsable du forum des études palestiniennes au Moshe Dayan Center de Tel Aviv. « Il y a de plus en plus de colère et de frustration. »

L’an dernier, le gouvernement a réduit de 15 % le budget du secteur arabe au motif de l’effort de guerre. Choix inverse à la politique du gouvernement de Naftali Bennett en 2022, dont la coalition comptait un parti arabe. Le Shin Bet, service de renseignement, a critiqué cette décision comme facteur de menace sur la sécurité intérieure.

Le ministre de la Sécurité nationale d’extrême droite, Itamar Ben Gvir, est également accusé de fermer les yeux sur les homicides de citoyens arabes, en hausse depuis un an et demi. Un décompte réalisé par le quotidien israélien de gauche Haaretz, relate mi-avril 75 citoyens tués cette seule année. « Le vrai problème, c’est que ce gouvernement ne promeut ni dialogue, ni coexistence », déplore Michaël Milshtein. Charge est laissée aux associations qui, elles, multiplient tant bien que mal leurs actions sur le terrain.