L’Agence internationale de l’énergie atomique assure qu’aucune hausse de la radioactivité n’a été observée en Iran, mais elle s’inquiète des risques que fait peser ce conflit sur les installations.
Par Perrine Mouterde. Le Monde
Pour la deuxième fois en trois ans, nous assistons à un conflit dramatique entre deux Etats dans lequel des installations nucléaires sont prises pour cible et la sécurité nucléaire est compromise, a alerté, lundi 16 juin, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi. Après la centrale ukrainienne de Zaporijia, bombardée et occupée par les forces russes, c'est au tour des installations liées au programme nucléaire iranien d'être visées par des frappes israéliennes.
Dès les premières heures de l'offensive, vendredi 13 juin, l'usine pilote d'enrichissement d'uranium de Natanz, située en surface à 220 kilomètres au sud-est de Téhéran, a été détruite, ainsi que l'infrastructure électrique. Selon l'AIEA, la partie souterraine du site d'enrichissement n'a pas été atteinte, mais la perte de courant pourrait avoir affecté le fonctionnement des centrifugeuses. L'organisation internationale, placée sous l'égide de l'ONU, a toutefois assuré, lundi, que la radioactivité aux abords du site était toujours à son niveau habituel.
Elle a, en revanche, confirmé une contamination à la fois radiologique et chimique dans le site de Natanz. Il est possible que des isotopes d'uranium contenus dans l'hexafluorure d'uranium, le fluorure d'uranyle et le fluorure d'hydrogène soient dispersés à l'intérieur, a déclaré M. Grossi.
Dans cette situation, le rayonnement ionisant ne représente toutefois «un danger important que si l'uranium est inhalé ou in-géré: porter un masque au sein du bâtiment permet de se prémunir d'une contamination, a-t-il précisé. Le risque chimique apparaît bien plus élevé. L'hexafluorure d'uranium, utilisé pour l'enrichissement, se transforme en un produit hautement toxique en présence d'eau, cette réaction s'accompagnant de fumées irri-tantes et suffocantes.
Deux installations à surveiller
Dans un rapport publié en avril, Darya Dolzikova, chercheuse au Royal United Services Institute, rappelait que les installations de l'amont du cycle du combustible, c'est-à-dire les mines d'uranium, les sites de conversion ou d'enrichissement, posent principalement un risque chimique plutôt que radiologique. L'uranium naturel et les composés d'uranium non irradiés ne sont pas des sources majeures de radioactivité. Au contraire, les réacteurs en activité et les installations de l'aval du cycle (installations de stockage, de retraitement du combustible usé...) présentent un risque radiologique important: une fois irradié, le combustible nucléaire contient, outre l'uranium et le plutonium, des radionucléides instables particulièrement nocifs pour la santé humaine.
Jusqu'à présent, ni la centrale nucléaire de Bouchehr, une ville portuaire du sud du pays, ni le réacteur de recherche de Téhéran n'ont été la cible de frappes. En matière de risques radiologiques, ce sont vraiment ces deux installations qu'il faut surveiller, il faut qu'elles demeurent en sécurité, insiste Mme Dolzikova.
Selon l'AIEA, quatre bâtiments du site d'Ispahan, à 340 kilomètres au sud de Téhéran, ont été endommagés, dont un laboratoire, une usine de conversion d'uranium et une installation de fabrication de combustible. Là aussi, aucune hausse de la radioactivité n'a été observée. Le site d'enrichissement souterrain de Fordo, enterré dans la montagne, et le réacteur à eau lourde de Khandab n'ont, pour l'instant, pas été visés.