Riyad, dont l’économie repose sur le pétrole, a compris que les métaux sont l’or noir de demain
Irène Inchauspé - L'Opinion
Les faits - L’Arabie saoudite a annoncé une forte réévaluation de ses ressources minières lors de la troisième édition de la Conférence minière internationale.
« Je suis heureux d’annoncer que notre estimation du potentiel minéral inexploité du royaume est passée de 1 300 milliards de dollars à 2 500 milliards de dollars, soit une augmentation de 90 % », a déclaré Bandar Alkhorayef, le ministre saoudien de l’Industrie et des Ressources minérales, le 10 janvier lors d’une conférence à Riyad. Il a expliqué que cette hausse significative est due aux nouvelles découvertes d’éléments de terres rares et de métaux de transition, en plus d'énormes augmentations de minerai de phosphate et d’autres métaux tels que le cuivre, le zinc, l’or, entre autres. « Ainsi qu’à la réévaluation de ces minéraux », a-t-il ajouté.
L’annonce n’est pas passée inaperçue, en particulier, pour le métal rouge. « Le cuivre est essentiel pour la transition écologique en raison de l’électrification des usages. Or, il n’y a pas beaucoup de projets d’ouverture de mines dans le monde aujourd’hui », explique l’économiste Philippe Chalmin. Sur les 250 gisements identifiés depuis 30 ans, seulement douze l’ont été cette dernière décennie.
Comment explique cette réévaluation ? « La dernière estimation date de 2017. Depuis le cours du cuivre a augmenté de 70 % et celui de l’or de 60 %, il y a donc d’abord un efet de prix de marché non négligeable, rappelle Benjamin Louvet, directeur des gestions matières premières chez Ofi Invest AM, co-auteur du livre “Métaux, le nouvel or noir ”. Ensuite, le pays s’est lancé dans un vaste programme d’exploration de son sous-sol, dans lequel il investit 182 milliards de dollars. Quand on cherche, on trouve ! » «
Très actif ». Enfin, il rappelle que ressource ne veut pas dire réserve. Les ressources d’hydrocarbures désignent l’ensemble des volumes d’hydrocarbures contenus dans le sous-sol terrestre. Les réserves désignent les volumes récupérables aux conditions techniques et économiques du moment dans des gisements exploités ou en passe de l’être. Par conséquent, les réserves ne constituent qu’une partie des ressources estimées. « L’Arabie Saoudite est très active dans le domaine, elle a passé plusieurs contrats de collaboration pour l’exploration minière avec l’Egypte, la Russie, le Maroc et la République démocratique du Congo », ajoute Benjamin Louvet.
Barrick Gold, multinationale minière, est convaincue du potentiel du pays. « Notre engagement vise à construire un partenariat solide avec Ma’aden (société minière saoudienne) dans notre effort pour développer une activité de classe mondiale en Arabie saoudite », a ainsi indiqué son PDG Mark Bristow en 2022 lors d’une conférence de presse. « Le pays dispose de données incroyables, mais personne ne les a vraiment traitées. C’est pourquoi elle est intéressante pour nous, car le chemin vers de nouvelles opportunités est beaucoup plus court sur ce terrain et il serait beaucoup plus mature géologiquement », expliquait-il alors. En janvier 2023, la minière établie à Toronto a annoncé la signature de deux nouveaux accords de coentreprise avec Ma’aden.
« Croissance ». « Il faut quinze ans en moyenne pour ouvrir une mine de cuivre. Ce délai sera sans doute plus court en Arabie saoudite, moins préoccupés des sujets environnementaux qu’ailleurs », précise Philippe Chalmin. Les autorités américaines ont, par exemple, bloqué, lundi 8 janvier, un immense et controversé projet de mine d’or et de cuivre en Alaska, ain de protéger une zone de pêche de saumons sauvages. L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a utilisé une disposition d’une loi sur la protection de l’eau (Clean Water Act), après avoir déterminé que la mine aurait des « effets inacceptables » sur la pêche dans cette zone. « Au Panama, qui produit 300 000 tonnes de cuivre par an, soit 1 % de la production mondiale, le contrat d’exploitation détenue par le canadien First Quantum Minerals vient d’être déclaré anti-constitutionnel par le gouvernement », poursuit Philippe Chalmin. « Les projets d’exploitation en Arabie saoudite montrent en tout cas que, même un pays qui repose massivement sur le pétrole, a compris que la transition écologique fait des métaux l’or noir de demain », conclut Benjamin Louvet.
Dans son rapport 2023 sur les énergies renouvelables, paru le 11 janvier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) indique que celles-ci ont atteint l’an dernier un « niveau historique » de 507 gigawatts dans le monde, soit 50 % de plus qu’en 2022. L’AIE anticipe pour les cinq ans à venir « la plus forte croissance » jamais vue en trente ans. Pour l’assurer, il faudra que la quantité de métaux croisse au même rythme. L’Arabie saoudite a reçu le message 5 sur 5.