A Davos, les Saoudiens ont promis d'injecter 20 milliards de dollars pour faire du site archéologique d'AlUla une destination touristique mondiale en 2030. Depuis l'accord intergouvernemental de 2018, la France s'y emploie aux côtés de la Commission royale d'AlUla.
Par Martine Robert / Les Echos
Performances du festival électro MDLBeast ou de l'Opéra de Paris, défilés de mode, concerts aux bougies parmi les vestiges archéologiques, passage du Paris-Dakar, tournoi Richard Mille Desert Polo… A AlUla en Arabie saoudite, les événements festifs se succèdent à un rythme aussi dense que dans la capitale Ryad ou dans la cité portuaire de Djeddah.
Une révolution encore plus étonnante pour cette ville de 50.000 habitants située dans l'est du pays, dans une oasis au milieu du désert longtemps fréquentée par les seuls nomades, agriculteurs. Ou, depuis 20 ans, par les chercheurs du CNRS fouillant la centaine de tombeaux nabatéens de l'ancienne Hegra.
Autant de symboles des changements à grande vitesse de la société saoudienne mais aussi de l’ambition du prince Mohammed ben Salmane de faire, dans le cadre du plan Vision 2030, de cette région une destination touristique et culturelle d’envergure mondiale. De 180.000 visiteurs en 2023, on devrait passer à 1,2 million en 2030, et de 1.000 chambres d’hôtel (dont celles exploitées par Accor dans deux « resorts » haut de gamme) à 5.000 en 2030 et 9.000 en 2035.
22 kilomètres à 500 millions Récemment à Davos, les Saoudiens ont promis d’injecter 20 milliards de dollars sur AlUla. Et depuis l’accord intergouvernemental de 2018 qui a donné naissance à l’Agence française de développement d’AlUla (Afalula) au budget annuel de 60 millions d’euros par an financé par les Saoudiens, le royaume s’appuie sur l’expertise tricolore. « C’est un nouveau modèle de développement économique, social, territorial, que nous co-construisons avec la Commission royale d’AlUla et non pas seulement un objet remarquable comme a pu l’être le Louvre Abu Dhabi. A ce jour, 2,1 milliards d’euros de contrats ont été signés » souligne Jean-Yves Le Drian, président de Afalula, qui vient d’y accompagner une délégation d’entrepreneurs, du joaillier Lorenz Bäumer au pâtissier Hugo et Victor, en passant par le maroquinier Fauré Le Page ou le président de la Fédération française de polo Jean-Edouard Mazery.
Le dernier contrat, acté ce mois-ci, concerne Alstom et porte sur 500 millions d’euros pour 22,5 kilomètres de tramway reliant les sites d’AlUla inscrits au patrimoine de l’Unesco. Soit la plus longue ligne à batterie sans caténaire au monde, « parce que les Saoudiens veulent conjuguer préservation et innovation » pointe Sophie Makariou, directrice scientifique d’Afalula. Cela se vérifie dans le futur hôtel troglodyte de 40 chambres luxueuses imaginé par Jean Nouvel avec Bouygues Construction dans ces falaises de grès ocre, très complexe à réaliser (800 millions d’euros). Ou dans les solutions les plus avancées de cybersécurité et de sûreté déployées par Thales (42 millions d’euros) afin de protéger cet exceptionnel ensemble d’objets anciens, de tombes millénaires ou de formations rocheuses telle Elephant rock.
Une équipe France
Plus le projet prend forme, plus le terrain de jeu s’étend. RATP Dev a été sollicité pour la mise en place d’un plan de Mobilité 360 ; le Centre Pompidou pour la création d’un musée d’art contemporain ; Amane Advisors pour la gestion de déchets ; idverde pour l’aménagement paysager durable ; Ferrandi Paris pour un collège en arts culinaires, gestion hôtelière et métiers du tourisme ; le consortium SEA (Setec, Egis, Assystem) pour ses ingénierie de villes intelligentes… « C’est toute une équipe France qui s’active » poursuit Jean-Yves Le Drian, mentionnant encore l’accompagnement d’une filière de la datte, d’une autre dans le parfum et les arômes, ou encore d’une troisième extrêmement ambitieuse dans le domaine équestre. « Il y aura deux pôles : une plateforme dédiée à la compétition équestre, en particulier dans toutes les disciplines olympiques, et un village de loisirs autour du cheval, comprenant un musée, un centre d’équitation, une académie, des pensions pour chevaux, des formations de palefreniers, de maréchaux-ferrants… » pointe Antoine Sinniger, ancien du Cadre Noir de Saumur (l’école nationale d’équitation) et ex-directeur du Pôle international du cheval de Deauville, débauché par Afalula.
Pour Sophie Makariou, directrice scientifique d’Afalula, « il faut comprendre que ce n’est pas une diversification de l’économie après-pétrole qui est visée, mais bien la création de nouvelles filières d’emploi dès maintenant : 60 % des 30 millions d’habitants ont moins de 30 ans, et 300.000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail tandis que le taux d’emploi des femmes progresse très rapidement ». En témoignent ces jeunes conductrices recrutées par Uber alors même qu’elles ne pouvaient pas passer leur permis jusqu’en 2017 dans ce royaume très conservateur.