Donald Trump cherche la sortie de guerre, en Ukraine et au Proche-Orient

Donald Trump cherche la sortie de guerre, en Ukraine et au Proche-Orient
الأربعاء 18 ديسمبر, 2024

La diversité des personnalités choisies par le président américain élu pour mettre en œuvre sa politique étrangère après son investiture, le 20 janvier, et ses déclarations récentes maintiennent l’incertitude sur ses futurs choix.

Par Piotr Smolar (Washington, correspondant). LE MONDE.

« Nous voulons la paix sur la Terre », disait Donald Trump à quelques jours de l’élection présidentielle du 5 novembre. Le voici élu, sur le point de revenir à la Maison Blanche le 20 janvier 2025, avec deux foyers majeurs de crise : le conflit en Ukraine et le Proche-Orient, où Gaza continue d’être occupée et bombardée par l’armée israélienne. Si la question migratoire promet d’être la priorité absolue du début du mandat, Donald Trump et ses conseillers envisagent simultanément ces deux crises internationales, aux ramifications bien plus complexes que ne le prétendait le milliardaire en campagne.

Donald Trump semble aborder les deux questions de façon très pratique : quel est le succès potentiel le plus facilement atteignable ? Quel conflit peut s’achever dès le début de sa présidence, pour illustrer un changement d’ère ? « Je pense que le Moyen-Orient est un problème plus facile à gérer que ce qui se passe avec la Russie et l’Ukraine », a expliqué le président élu dans un entretien au magazine Time, fin novembre. Alors qu’il avait promis de résoudre la guerre en Ukraine en vingt-quatre heures, pendant sa campagne, voilà que Donald Trump semble rattrapé par la réalité du confit. Au fil de ses entretiens avec des dirigeants européens, où il était pour une fois à l’écoute, son ambition ressemble plus à un gel de la guerre qu’à une négociation multilatérale d’ampleur, qui réécrirait les termes de la sécurité en Europe.

Donald Trump paraît marqué par les notes récentes des services de renseignement américains. Il mentionne depuis plusieurs semaines le chiffre d’« environ 600 000 » soldats russes tués ou blessés en Ukraine, comme si ces pertes suffisaient pour convaincre Vladimir Poutine de cesser les hostilités. Lundi 16 décembre, devant la presse à Palm Beach (Floride), il disait que les bilans réels étaient bien plus élevés qu’on ne le disait, dans ce « carnage qu’on n’a pas vu depuis la seconde guerre mondiale ». Il évoquait des villes ukrainiennes réduites en ruine, des immeubles « aplatis comme un pancake ».

SUIT SON INTUITION
Donald Trump a aussi renouvelé son opposition totale aux frappes ukrainiennes en profondeur sur le territoire russe, que l’administration Biden a fini par autoriser, en novembre. Selon lui, cette décision aurait conduit au déploiement de soldats nord-coréens sur le front, ce qui est faux : la séquence est inverse. Enfin, il est sensible aux faiblesses des sanctions énergétiques contre la Russie, qui s’appuie sur une flotte fantôme de navires-citernes pour s’exporter et s’enrichir.

Lors de son entretien à Paris le 7 décembre avec Emmanuel Macron, en marge de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame, ainsi qu’avec Volodymyr Zelensky, Donald Trump a répété sa volonté de pousser à un arrêt des hostilités. Rien ne traduit dans ses propos l’idée d’un abandon de l’Ukraine, qui trahirait une faiblesse occidentale terrible. Mais le renoncement à la Crimée, aux régions de Donetsk et de Louhansk, annexées par la Russie, semble acquis.

Côté français, on insiste sur le fait qu’il ne faut céder sur aucun point essentiel avant même l’entrée en négociations avec Vladimir Poutine. Cela concerne aussi bien les frappes en profondeur que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, dont Donald Trump ne veut pas. On rappelle aussi qu’un gel du conflit devrait s’accompagner d’indispensables garanties de sécurité pour l’Ukraine.

Les Européens seraient prêts à prendre leurs responsabilités, mais pas à patrouiller seuls le long de la nouvelle ligne de démarcation. Une implication américaine logistique serait nécessaire. En outre, en cas de levée de la loi martiale en Ukraine, un effondrement sécuritaire menacerait avec la démobilisation des conscrits, qui pourraient en partie quitter le pays.

Donald Trump n’est pas à un tel niveau de détail, qui relèvera de son envoyé spécial dans la région, le général Keith Kellogg. Difficile de se prononcer sur les intentions de la future administration. Donald Trump a toujours fonctionné avec quelques convictions – le rejet des aventures militaires extérieures, un mépris pour l’idée de valeurs à défendre et pour le droit international, ou encore la prédominance des intérêts énergétiques –, mais aussi en suivant son intuition, au risque de se contredire lui-même. L’assassinat du puissant général iranien Ghassem Soleimani, en janvier 2020, démontra sa capacité à prendre des risques.

L’équipe Trump en politique étrangère est d’une telle diversité qu’on est bien en peine d’y trouver une cohérence idéologique. Pour l’heure, le plus actif est Mike Waltz, figure plutôt classique et rassurante pour les alliés de l’Amérique. Représentant de Floride à la Chambre, il a été désigné à un poste-clé, ne demandant pas de confirmation au Sénat : celui de conseiller à la sécurité nationale. Il se trouve en contact étroit avec le titulaire actuel, Jake Sullivan, en particulier sur les deux dossiers brûlants que sont le Proche-Orient et la guerre en Ukraine. Il est notamment tenu au courant de la reprise intensive des négociations en vue de la libération des otages encore aux mains du Hamas à Gaza.

Désignée comme directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard est connue comme un relais des argumentaires du Kremlin, après avoir défendu le régime Al-Assad en Syrie. Les résistances à sa nomination existent au Congrès, tant elle pose des questions de sécurité nationale.

Pour sa part, le futur secrétaire d’Etat, Marco Rubio, demeure silencieux depuis sa nomination. C’est un conservateur classique à l’origine, voire un faucon, croyant longtemps en l’exceptionnalisme américain et son rôle moteur dans le monde. Puis Marco Rubio s’est converti au doute du mouvement Make America Great Again (MAGA), à son allergie aux interventions extérieures et au soutien coûteux à l’Ukraine.

DIPLOMATIE PARALLÈLE
Sa marge de manœuvre promet d’être réduite. La diplomatie parallèle a commencé. Elon Musk, patron de Tesla, devenu une sorte de vice-président officieux, a rencontré l’ambassadeur d’Iran à New York. A quel titre, lui qui ignore tout de ce pays ? Sur quel sujet ? Pénombre totale. Donald Trump refuse aussi de confirmer s’il s’est lui-même entretenu par téléphone avec Vladimir Poutine. Le président élu ne croit qu’à une personnalisation extrême de la politique étrangère, menée avec des personnes de confiance. C’est ainsi que Richard Grenell, ancien directeur du renseignement national et ex-ambassadeur en Allemagne, a été désigné représentant pour les missions spéciales, « incluant le Venezuela et la Corée du Nord », selon le communiqué du président élu. Un temps pressenti comme secrétaire d’Etat, M. Grenell est l’un des hommes de confiance du milliardaire, brutal et sans états d’âme.

Steve Witkoff, nouvel envoyé spécial pour le Moyen-Orient, fait aussi partie de cette catégorie. Il s’est déjà rendu aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite. Là aussi, la lecture régionale de Donald Trump s’énonce en quelques principes simples. Trop de morts. Les Israéliens doivent arrêter la guerre à Gaza. « Je pense qu’il sait que je veux qu’elle finisse », a expliqué le président élu dans Time, au sujet de Benyamin Nétanyahou.

La Syrie ne regarde pas les États-Unis, selon Donald Trump, qui salue l’habilité de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan dans la chute du régime Al-Assad. Enfin, il faut accélérer la normalisation entre Israël et les pays arabes, qui a débuté par les accords d’Abraham sous sa présidence. La question palestinienne paraît assez secondaire aux yeux de Donald Trump, qui contrairement à Riyad, ne fait pas de la solution à deux Etats un absolu. « On ne peut pas continuer avec une tragédie tous les cinq ans, a affirmé le milliardaire. Il y a des alternatives. »

Reste la menace iranienne. Elle nécessite une pression maximale, selon l’équipe Trump, d’autant que le régime de Téhéran se trouve à un moment unique de faiblesse. Jusqu’où pourrait aller cette pression, alors que les couches successives de la dissuasion iranienne ont été pelées par Israël, avec le soutien américain ? Le Hamas écrasé, le Hezbollah fracassé au Liban, les capacités conventionnelles syriennes détruites, et même des frappes stratégiques en Iran réussies : la tentation est de profiter d’un « alignement de planètes inédit », selon l’expression d’un diplomate européen.

Interrogé lundi 16 décembre par un journaliste sur la possibilité d’une campagne de frappes aériennes contre l’Iran, Donald Trump s’est esclaffé. « C’est une question sérieuse ? Comment pourrais-je répondre à une question pareille ? (…) On ne parle pas de cela avant que quelque chose puisse se passer ou pas. » Deux jours plus tôt, le président élu s’était entretenu avec Benyamin Nétanyahou. Le premier ministre israélien avait adressé un message au peuple iranien, le 12 décembre, lui promettant la liberté à l’avenir : « Et je n’ai pas de doute que nous réaliserons ce futur ensemble, bien plus vite que les gens ne le pensent. »