En Israël, Nétanyahou redoute d’être placé sous mandat d’arrêt international par la CPI

En Israël, Nétanyahou redoute d’être placé sous mandat d’arrêt international par la CPI
الثلاثاء 30 إبريل, 2024

La presse israélienne s’attend à ce que le tribunal pénal de La Haye ouvre des poursuites contre le premier ministre lui-même, ainsi que contre le ministre de la défense, Yoav Gallant, et le chef d’état-major, Herzi Halevi.

Par Louis Imbert (Jérusalem, correspondant) et Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance), Le Monde

Benyamin Nétanyahou, le grand ordonnateur de la guerre à Gaza, sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) ? Ce scénario n’a jamais autant suscité d’inquiétudes en Israël. Dans un message posté sur le réseau social X, vendredi 26 avril, le premier ministre israélien a assuré qu’« Israël n’acceptera jamais aucune tentative de la CPI de porter atteinte à son droit inhérent à la légitime défense ».

Depuis une dizaine de jours, il dit prendre au sérieux l’éventualité d’une ouverture de poursuites contre lui et d’autres hauts responsables israéliens par la CPI. « Même si la CPI n’affectera pas les actions d’Israël, écrit-il encore, elle créera un dangereux précédent qui menacera les soldats et les responsables de toutes les démocraties luttant contre le terrorisme sauvage et les agressions gratuites. »

Une source bien informée à La Haye a confirmé, dimanche, au Monde un « événement imminent », mais sans préciser la nature des charges ni le nom des mis en cause. Le procureur doit faire valider toute demande de mandat d’arrêt par trois juges, et cette ultime étape serait maintenant terminée, selon la même source. Plusieurs dirigeants israéliens ont affirmé au New York Times, sous le couvert de l’anonymat, craindre que le premier ministre israélien lui-même ne soit placé sous mandat d’arrêt. La presse israélienne avance aussi les noms du ministre de la défense, Yoav Gallant, et du chef d’état-major, Herzi Halevi.

C’est en mars 2021 que le bureau du procureur de la CPI a ouvert une enquête sur les crimes commis dans les territoires palestiniens occupés. Cette procédure vise l’ensemble des violations du droit international perpétrées, depuis 2014, par Israël en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, donc y compris celles en cours dans l’offensive contre le Hamas dans l’enclave palestinienne, qui a fait près de 35 000 morts. Lors d’une conférence de presse au Caire, le 29 octobre 2023, le procureur Karim Khan a aussi confirmé sa compétence pour l’attaque perpétrée, le 7 octobre 2023, dans le sud d’Israël par le Hamas, qui a fait 1 170 morts. Au moins deux responsables du Hamas pourraient aussi être poursuivis, selon les informations du Monde.

Action diplomatique
Les premiers signes d’inquiétude en Israël sont apparus mi-avril. Au lendemain d’une visite de David Cameron et d’Annalena Baerbock, les ministres des affaires étrangères britannique et allemand, Benyamin Nétanyahou avait convoqué une « discussion d’urgence », selon la chaîne de télévision 12 israélienne, pour coordonner une action diplomatique destinée à contrer les mandats d’arrêt.

Sous l’administration Trump, des sanctions avaient été prononcées contre la procureure générale de la CPI d’alors, Fatou Bensouda, pour la dissuader de lancer des poursuites contre des responsables américains, pour des crimes présumés en Afghanistan, et contre les alliés des Etats-Unis, en particulier Israël. Elles ont été levées par le président Joe Biden, mais le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, a, depuis, rappelé l’opposition des Etats-Unis à toute enquête qui viserait des responsables israéliens. A l’instar d’Israël, Washington n’est pas membre de la CPI et argue que celle-ci n’est dès lors pas compétente pour poursuivre ses ressortissants ni ceux de l’Etat hébreu. M. Biden avait toutefois salué l’émission, en mars 2023, d’un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine, alors que la Russie n’est pas non plus membre de la CPI.

Indépendante de l’ONU, la CPI a en fait une compétence légale pour enquêter sur les auteurs de crimes commis sur le territoire d’Etats membres. C’était le cas de l’Afghanistan et c’est le cas de la Palestine, depuis 2015. L’enquête de la CPI est totalement distincte des procédures enclenchées devant la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction de l’ONU, chargée des différends entre Etats. L’Afrique du Sud y accuse Israël de génocide contre les Palestiniens de Gaza. Elle est aussi saisie d’une plainte du Nicaragua, qui accuse l’Allemagne de complicité de génocide et a demandé aux juges de prononcer des mesures d’urgence. Leur décision sera rendue mardi.