Le chef du groupe HTC, Ahmed Al-Charaa, veut stopper les agissements de factions indisciplinées et mettre en place une véritable armée nationale.
Par Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante), LE MONDE
La mise sur pied de forces armées nationales est une priorité du nouveau dirigeant de la Syrie, Ahmad Al-Charaa, de son nom de guerre Abou Mohammed Al-Joulani, pour construire un nouvel Etat. Depuis que le chef de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) a pris le pouvoir à Damas, le 8 décembre, il négocie avec la myriade de factions armées du nord et du sud du pays, qui ont participé à la chute du régime de Bachar Al-Assad pour mettre toutes les armes sous l’autorité de l’Etat et stopper les agissements de factions indisciplinées.
Mardi 24 décembre, les nouvelles autorités syriennes ont annoncé un accord avec « tous les groupes armés » pour leur dissolution, précisant qu’ils allaient être intégrés au ministère de la défense. Cet accord ne concerne pas les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, dans le nord-est du pays.
La nouvelle structure du ministère de la défense et de l’armée doit être présentée prochainement. Le premier ministre de transition, Mohammad Al-Bachir, a dit qu’il intégrerait les anciennes factions rebelles et les officiers qui ont fait défection de l’armée d’Al-Assad.
« Nous n’autoriserons absolument pas l’utilisation d’armes en dehors du cadre de l’Etat », a affirmé Ahmed Al-Charaa, le 22 décembre, au lendemain d’une rencontre avec une trentaine de chefs de factions armées du nord et du sud du pays. Il a précisé que cette décision s’appliquerait également aux « factions présentes dans la zone des FDS », alors qu’il entend rétablir la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire, notamment sur le Nord-Est syrien, où se trouvent les champs pétroliers du pays. Les forces kurdes, qui ont combattu l’organisation Etat islamique avec le soutien américain, y ont proclamé une « région autonome ».
Djihadistes étrangers
Le porte-parole des FDS, Farhad Chami, a indiqué que son groupe n’était pas opposé, en principe, à être intégré à la nouvelle armée syrienne. Mercredi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a exhorté les militants kurdes en Syrie à déposer les armes, sans quoi ils seraient « enterrés », alors que les groupes armés syriens proturcs ont lancé, fin novembre, une offensive dans le nord-est et ont pris le contrôle de l’enclave de Tall Rifaat et de Manbij. Ankara considère les FDS comme une extension de son ennemi juré, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, classé terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l’Union européenne).
L’intégration de toutes les composantes de l’ANS à la nouvelle armée syrienne ne sera pas possible sans résoudre la question des FDS. Ces milices, financées et armées par la Turquie, n’a jamais opéré de façon unifiée, du fait de la compétition entre ses chefs et d’idéologies différentes. Mardi, c’est à titre individuel que des factions de l’ANS ont signé, avec Ahmed Al-Charaa, l’accord de dissolution, et non en tant que coalition.
Les factions les plus proches de la Turquie, telles que Fourqat Al-Hamzah et Fourqat Al-Sultan Mourad, sont réticentes à se dissoudre tant que se poursuit l’offensive contre les forces kurdes. Elles répondent aux priorités stratégiques de la Turquie, qui entend, à travers elles, maintenir la pression sur les FDS et leur allié américain. La décision de leur dissolution est donc entre les mains d’Ankara, qui a à cœur de solidifier son rôle auprès des nouvelles autorités de Damas et a offert d’aider à former la future armée syrienne.
Ahmed Al-Charaa doit aussi règler la question des djihadistes étrangers. Des Tchétchènes, Ouïgours, Ouzbeks, Afghans, Albanais, mais aussi des Français, encadrés par HTC sous la bannière du groupe Ansar Al-Tawhid, ont participé à l’offensive contre le régime d’Al-Assad. Leur présence inquiète la communauté internationale et les Syriens. La question du contrôle de ces derniers par HTC se pose après des incidents contre des chrétiens. Le 17 décembre, Ahmed Al-Charaa a affirmé que le nombre de ces combattants étrangers avait été exagéré, sans donner d’estimation. Il a évoqué la possibilité de leur offrir la citoyenneté syrienne, tout en assurant qu’ils partageaient les valeurs et l’idéologie du peuple syrien.