Par Georges Malbrunot - Le Figaro
RÉCIT - Les États-Unis tentaient, mardi, d’arracher la retenue de l’Iran en échange d’un arrêt des combats dans la bande de Gaza.
En parallèle des efforts américains pour renforcer la protection d’Israël par l’envoi, notamment, de navires de guerre au Moyen-Orient, Washington et plusieurs de ses alliés arabes cherchent à convaincre l’Iran et ses relais - le Hezbollah libanais, en particulier - de limiter leur riposte contre l’État hébreu, une semaine après le double assassinat ciblé dont ont été victimes Fouad Chokr, chef militaire du Hezbollah à Beyrouth, et Ismaïl Haniyeh, chef politique du Hamas à Téhéran.
« À travers plusieurs canaux, dont Oman, le chef de la CIA, William Burns, qui connaît très bien les Iraniens pour avoir négocié avec eux l’accord nucléaire de 2015, travaille jour et nuit pour éviter un embrasement », confie au Figaro une source libanaise, qui a ses entrées à Washington.
L’Égypte et la Jordanie, dont le ministre des Affaires étrangères, Ayman Safadi, s’est rendu dimanche à Téhéran, font également passer des messages à l’Iran. Une rencontre rare entre responsables jordanien et iranien alors que leurs relations ont été envenimées par la participation jordanienne aux interceptions de drones iraniens lors de l’attaque de Téhéran en avril contre Israël. En cas de répétition, Amman pourrait s’abstenir : «Nous n’autoriserons personne à utiliser notre espace aérien», confie un responsable jordanien à Amman.
Alors que le mystère demeure sur les scénarios de riposte iranienne et de ses alliés, plusieurs diplomates interrogés au Moyen-Orient convergent autour d’un constat : «Il ne faut pas donner à Benyamin Netanyahou le prétexte d’impliquer les Américains dans une guerre totale qu’il recherche et dont Washington ne veut pas.»
Tout en répétant qu’une riposte est «inéluctable», Téhéran semble afficher une certaine dose de réceptivité, se hâtant lentement de passer à l’action. La République islamique a demandé une réunion d’urgence, ce mercredi, de l’Organisation de la conférence islamique à son siège saoudien dans l’espoir de rallier un front arabo-musulman autour de sa position. Ce qui tend à montrerquesariposteneserait pasimminente. C’était aussi le constat dressé mardi matin par des conseillers à la sécurité qui ont briefé Joe Biden et Kamala Harris. Ils ont reconnu, selon le site d’informations Axios, ne savoir ni quand ni comment l’Iran riposterait, estimant que le sujet était «encore en cours d’examen»àTéhéran.
Une issue diplomatique de cette grave crise est-elle encore possible? La semaine qui vient le dira probablement.
«Pour convaincre l’Iranet ses alliés du Hezbollah, houthistes yéménites et milices chiites irakiennes de ne pas répondre massivement, les messages transmis aux Iraniens mettent l’accent sur un paquet de propositions centrées sur la fin de la guerre à Gaza, le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas et au-delà sur la recherche d’une solution globale à la guerre israélo-palestinienne autour de la création d’un État palestinien», précise une source palestinienne, au fait des tractations en coulisses.
Avant le double assassinat ciblé de la semaine dernière, un accord de cessezle-feu entre Israël et le Hamas semblait à portée de main, si l’on en croit les reproches des chefs de la sécurité israélienne- Mossad et Shin Beth - à Benyamin Netanyahou au cours d’une réunion houleuse en fin de semaine dernière. Le même blâme d’avoir torpillé une trêve en lançant des assassinats ciblés a été lancé par Joe Biden, jeudi dernier, lors de sa dernière conversationtéléphonique avec Benyamin Nétanyahou .
«Furieux» contre le premier ministre israélien, le président américain a répété dimanche au roi Abdallah de Jordanie que, au-delà d’éviter une guerre généralisée, son objectif numéro un reste de parvenir à un cessez-le-feu à Gaza.
Une semaine après avoir été décapité, le Hamas s’est remis, de son côté, en ordre de marche, afin de remplacer son chef politique et principal négociateur d’un cessez-le-feu et d’une libération des otages détenus par le mouvement islamiste dans la bande de Gaza. Les membres de sa direction ont tenu ces derniers jours des consultations pour désigner un président par intérim. Plusieurs noms étaient avancés, dont Khalil al-Haya, l’adjoint de Haniyeh et proche de Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza et architecte de l’attaque terroriste du 7 octobre en Israël, ainsi que Khaled Mechaal, ancien chef du bureau politique du Hamas, mais mal vu par l’Iran, qui a son mot à dire. Pour contourner les problèmes internes, un troisième homme, peu connu, Hamad Ismaël Darwish, homme de l’ombre de Téhéran, aurait été choisi, selon nos informations, pour assurer l’intérim de Haniyeh.
Malgré d’intenses efforts diplomatiques, l’option d’une frappe de riposte reste d’actualité. Selon le site Axios, elle serait découplée avec l’entrée en scène d’abord duHezbollah. Sonchef, Hassan Nasrallah, a rappelé, mardi que sa formation et l’Iran étaient «obligés de riposter» à Israël «quelles qu’en soient les conséquences». S’il suit les consignes venues de Téhéran- c’est-à-dire ne pas donner une excuse à Benyamin Netanyahou pour se lancer dans une guerre au Liban dont la milice chiite ferait in fine les frais-, le Hezbollah a quelques raisons supplémentaires d’être suspicieux vis-à-vis des initiatives d’apaisement américaines. «Le Hezbollah en veut au médiateur américain Amos Hochstein, qui lui avait promis qu’Israël n’attaquerait pas Beyrouth», explique la source libanaise précitée.
Aux yeux de la plupart des observateurs, si, à terme, une réponse coordonnée entre l’Iran et ses relais fait peu de doute, coordonnée ne veut, toutefois, pas dire simultanée. Les efforts diplomatiques visent d’abord à éviter une frappe iranienne, et à arracher au Hezbollah une réponse limitée, qui n’entraînerait pas un basculement dans une guerre régionale. Pour peu que Joe Biden parvienne à retenir alors le bras de Benyamin Nétanyahou.