La milice chiite est prise de court et humiliée par l’attaque inédite du mardi 17 septembre qui marque une faille sécuritaire majeure. Le risque d’embrasement régional est plus élevé que jamais.
par Hala Kodmani - Liberation
Ce spectaculaire feu d’artifice, plutôt qu’une opération militaire classique, marque-t-il le début de l’offensive israélienne majeure attendue au Sud-Liban ? L’explosion de milliers de bipeurs entre les mains des membres ou proches du Hezbollah aux quatre coins du Liban, lundi 17 septembre, survient au moment où l’escalade à la frontière israélo-libanaise semble imminente, avec un risque d’embrasement régional plus élevé que jamais. Il s’agit en tout cas d’un tournant décisif sur le front Israël-Hezbollah, chauffé régulièrement mais avec retenue depuis le 8 octobre 2023.
En ajoutant lundi à ses objectifs de guerre «le retour en toute sécurité des habitants du nord [d’Israël] chez eux», le cabinet israélien signifiait clairement sa détermination à lancer une offensive d’envergure au Liban pour éloigner le danger des attaques du Hezbollah à sa frontière. «L’action militaire» contre le Hezbollah est «le seul moyen de garantir le retour des habitants du nord d’Israël dans leurs foyers», avait fait valoir le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, à l’émissaire américain Amos Hochstein, qui s’emploie depuis des mois avec une réussite relative jusque-là à contenir une escalade totale. Le même Gallant, dont le limogeage et le remplacement étaient en discussion ces derniers jours du fait de son désaccord avec Nétanyahou, reste aux commandes pour un combat qu'il privilégiait. Il plaidait en effet la semaine dernière pour un accord de trêve à Gaza entre Israël et le Hamas permettant une libération des otages. Il le considérait comme une «осcasion stratégique donnant la possibilité à Israël de faire face à d'autres défis militaires».
De son côté, le Hezbollah, qui se préparait aussi à une escalade, se trouve pris de court et humilié par une attaque inédite qui marque une faille sécuritaire majeure. Car si les conditions techniques de l'opération restent controversées parmi les spécialistes, l'infiltration par les services israéliens des réseaux de communication de la puissante milice pro-iranienne ne fait pas de doute. L'astuce du système des bipeurs, dont le Hezbollah a doté ses hommes récemment pour éviter les risques de fuites sur les téléphones portables, s'est révélée un fiasco.
Point mort. En outre, le Hezbollah n'est apparemment pas seul à avoir équipé ses membres des appareils qu'il pensait plus sûrs. L'initiative était au moins partagée, sinon fortement conseillée, par Téhéran. En même temps qu'à Beyrouth lundi après-midi, des Gardiens de la révolution iraniens ont été ciblés à Damas par les mêmes explosions, tandis que l'ambassadeur d'Iran à Beyrouth a été blessé par le bipeur de son garde du corps. L'Iran peut-il rester patient face au nouvel affront israélien, alors qu'il n'a toujours pas riposté à l'assassinat à Téhéran du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, le 31 juillet? Sa retenue est présentée comme une volonté de donner une chance à l'aboutissement des négociations pour un cessez-le-feu à Gaza. Celui-ci amènerait le Hezbollah à cesser ses attaques contre Israël, selon ses affirmations.
La situation n'en est plus là. Les négociations de trêve sont au point mort. Le Hezbollah et l'Iran viennent d'être humiliés. Nétanyahou veut lancer une nouvelle guerre d'envergure. Et si son objectif est de détruire les capacités militaires du Hezbollah, bien plus substantielles que celle du Hamas à Gaza, comme il s'y emploie depuis un an, la route est longue et terrifiante.