Frappes attribuées à Israël en Syrie: l’Iran jure de riposter à l’attaque inédite contre son consulat

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Frappes attribuées à Israël en Syrie: l’Iran jure de riposter à l’attaque inédite contre son consulat
الأربعاء 3 إبريل, 2024

Par Georges Malbrunot, Le Figaro


DÉCRYPTAGE - Israël frappe régulièrement en Syrie des convois d’armes iraniens ou des responsables sécuritaires de Téhéran. Mais cibler un bâtiment diplomatique de l’Iran est une première.

Le raid meurtrier de lundi à Damas, imputé à Israël, risque de changer la nature de la confrontation entre l’État hébreu et l’Iran. D’une guerre de l’ombre aux contours relativement définis sur le sol syrien, on est passé à une attaque inédite contre des installations diplomatiques iraniennes. Et jamais les cibles éliminées en Syrie n’ont été aussi importantes pour Téhéran.

Lundi, vers 17 h 45 (heure de Paris), six missiles tirés, selon Téhéran, par des chasseurs F-35 ont complètement détruit le consulat iranien à Damas dans le quartier résidentiel de Mazzé. Si, depuis plus de dix ans, Israël attaque régulièrement en Syrie des convois d’armes iraniens ou des responsables sécuritaires de Téhéran, pour la première fois, la cible est un bâtiment diplomatique de l’Iran, pays allié de la Syrie, où Téhéran a renforcé ses positions par rapport à la Russie, autre soutien de Damas, occupée dans sa guerre en Ukraine.

Un échec fulgurant pour Téhéran
Les frappes ont tué Mohammad Reza Zahedi, le plus haut gradé des gardiens de la révolution déployés en Syrie et au Liban voisin, un général expérimenté de 65 ans en charge des opérations dans ces deux pays. Pour cette unité d’élite, qui mène le combat hors des frontières de l’Iran en collaboration avec ses alliés, cette disparition est la plus importante depuis l’assassinat en janvier 2020 du général Qassem Soleimani à Bagdad par des tirs de drones américains. Deux autres généraux de la Force al-Qods à laquelle appartenait Zahedi ont également été éliminés, dont son adjoint le général Mohammad Hadi Haj Rahimi, ainsi que quatre officiers de cette unité qui coordonne l’action des alliés de l’Iran sur l’axe dit de la « résistance » à Israël et aux États-Unis, et dont l’activisme a redoublé depuis la guerre entre Israël et le Hamas, après l’attaque terroriste du mouvement islamiste palestinien dans l’État hébreu, le 7 octobre.

Les victimes participaient à une réunion théoriquement secrète entre des commandants iraniens et des responsables du Djihad islamique, une petite formation palestinienne inféodée à Téhéran, qui combat l’armée israélienne à Gaza aux côtés du Hamas. Au-delà du coup dur porté à la Force al-Qods, c’est aussi un échec du renseignement iranien, Israël ayant réussi à percer le mystère entourant ce genre de rencontre, grâce vraisemblablement à une opération d’infiltration des plus hauts échelons des gardiens de la révolution. L’Iran s’était réjoui des failles subies par les services de renseignements israéliens lors de l’attaque du 7 octobre. Le Mossad a pris lundi sa revanche. Et maintenant ? Dans la nuit de lundi à mardi, le Conseil suprême de sécurité nationale iranien s’est réuni d’urgence. « Des décisions nécessaires » ont été prises en présence du président de la République, Ebrahim Raissi. Rien n’a filtré. Dans le même temps, via l’ambassade de Suisse, qui représente les intérêts américains en Iran, « un message important » a été transmis aux États-Unis. Là encore, sa teneur est restée secrète. Le ministre des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian a, cependant, indiqué que les États-Unis « en tant que partisans du régime sioniste (….) doivent être tenus pour responsables ».

Le piège de l’escalade
Mardi, le guide suprême, Ali Khamenei, a promis que « le régime sioniste sera puni ». Mais l’Iran est face à un dilemme. Téhéran, qui ne veut pas d’une guerre totale avec Israël, ne peut pas ne pas réagir fermement à l’escalade israélienne. « Ne rien faire ou faiblement riposter serait vu comme une preuve d’impuissance et inviterait Israël à continuer », constate Ali Vaez, spécialiste de l’Iran au centre de recherches International Crisis Group. « Mais des représailles risquent d’entraîner une action plus sévère de la part d’Israël », prévient-il.

La fraction dure du régime appelle à une vengeance, assimilant ce raid à une « déclaration de guerre ». L’éditorialiste du quotidien Kayan, proche du guide suprême, veut une riposte à la hauteur du « crime », en attaquant une représentation diplomatique israélienne.

Avec ce raid, l’État hébreu a changé les règles d’engagement. « Jusqu’au 7 octobre, Israël réfrénait ses envies de cibler des hauts gradés des gardiens de la révolution, concentrant ses attaques sur des convois d’armes iraniennes, décrypte Hamidreza Azizi, chercheur iranien en Allemagne. Mais, depuis la guerre à Gaza, Israël a basculé en visant des gros poissons des gardiens ». Le raid israélien de lundi est le cinquième en huit jours en Syrie.

Ces frappes marquent, en fait, un nouveau durcissement des règles d’engagement israélien. L’État hébreu, qui n’a pas reconnu être derrière ce raid, signifierait que toute attaque perpétrée par des alliés de l’Iran au Moyen-Orient contre ses intérêts serait désormais suivie d’une riposte directe contre l’Iran et non plus contre ses relais régionaux. Les tenants de cette thèse font remarquer que l’attaque israélienne est intervenue quelques heures seulement après un tir nocturne de drones près du port d’Eilat, dans le sud d’Israël. Une opération imputée aux milices chiites irakiennes proches de l’Iran.

Washington avait-il été prévenu par Israël ? Visiblement gênés, les États-Unis ont rapidement fait passer le message à Téhéran que les frappes israéliennes n’avaient pas été coordonnées avec eux. Depuis le début de la guerre à Gaza, Washington cherche à éviter une extension du conflit. En janvier, après avoir constaté que l’Iran n’avait pas été impliqué dans la décision du Hamas d’attaquer Israël, des négociations secrètes ont eu lieu à Oman entre hauts responsables américains et iraniens, dans le but de contenir les violences. En froid avec l’Administration Biden, qui s’oppose à une opération israélienne contre le Hamas à Rafah dans le sud de la bande de Gaza, Benyamin Netanyahou a-t-il cherché à torpiller les efforts d’apaisement américains ?

En coulisses, les États-Unis travaillent à un retour au calme dans le sud du Liban entre Israël et le Hezbollah, qui a d’ores et déjà promis que « ce crime ne resterait pas impuni ». À Téhéran, des responsables appellent à ne pas tomber dans le piège de l’escalade tendu par Israël, prompt à détourner l’attention de Gaza, où Tsahal est, selon eux, en échec face au Hamas. À court terme, la première conséquence pourrait être une intensification des attaques par les relais pro-Iran, au Yémen et en Irak, via les rebelles houthistes et les milices chiites, qui ont récemment cessé leurs attaques contre les intérêts américains en Irak ou en Syrie.