Chronique. Les Frères musulmans, qui ont fait l’objet d’un rapport commandé par le gouvernement, usent de diverses stratégies pour imposer une vision rigoriste de l’islam.
L'Express
Un rapport circonstancié sur l’entrisme des Frères musulmans vient d’être présenté au président de la République. On ne peut que s’en féliciter, en regrettant que l’Etat ne se penche sérieusement sur ce phénomène subversif et dangereux que bien longtemps après l’alerte donnée par d’éminents spécialistes, à commencer par l’islamologue Gilles Kepel. Dans son sillage, dès les années 1990-2000, on pouvait lire et entendre Latifa ben Mansour, Abdelwahab Meddeb, Antoine Sfeir, Mohamed Sifaoui, Kamel Daoud, Boualem Sansal ou encore – modestement – l’auteur de ces lignes*. De quoi s’agit-il ?
En 1928, un instituteur égyptien fanatique, Hassan al-Banna, créé les Frères musulmans, les Ikhwan, confrérie extrémiste qui deviendra le fer de lance de la poussée islamiste à travers le monde. Son objectif politique est, très concrètement, d’imposer une lecture rigoriste, littérale et suprémaciste de l’islam, partout, en tout lieu et à chacun, et de séparer strictement les jeunes musulmans des autres. Pour ce faire, plusieurs stratégies sont mises en œuvre.
Pressions politiques
En premier lieu, dans les sociétés musulmanes, on exerce des pressions politiques, voire terroristes, sur les autorités afin qu’elles réduisent les droits des minorités et imposent une charia toujours plus stricte, notamment sur les femmes. Quand le pouvoir résiste – comme ce fut le cas sous Nasser en Egypte, mais aussi sous les régimes modérés et éclairés, dont les chefs d’Etat descendent du Prophète, celui chérifien du Maroc et celui hachémite de Jordanie, les Frères ont recours à la violence.
Dans ces pays mais aussi en Tunisie, en Irak, au Liban, en Afghanistan, au Pakistan ou encore en Algérie, les Ikhwan assassinèrent en presque un siècle plusieurs dizaines de milliers de civils et nombre de politiques, pressurant par ailleurs les populations sous leur contrôle, et tout particulièrement les femmes, dont ils cherchent systématiquement à contrôler l’intégralité de l’existence. On notera du reste que dans plusieurs Etats musulmans (sur les 57 que compte l’Organisation de la conférence islamique), la confrérie fanatique est interdite et étroitement surveillée dans presque tous les autres.
Prosélytisme agressif
En second lieu, dans les sociétés non musulmanes, là où le rapport de force est encore trop défavorable, les Frères se "contentent" de prédication – un prosélytisme agressif – doublée d’entrisme social, associatif, politique, religieux et éducatif ; revendications du port du hijab ou de l’abaya pour les filles, pressions sur les maires et autres élus, création de clubs sportifs et de mouvements de jeunesse à des fins d’embrigadement, "conquête" de mosquées où les prêches deviennent antirépublicains, antisémites et misogynes, etc.
Dans tous les cas, les Frères musulmans recourent constamment à la dissimulation, la fameuse "taqiya", en attendant de pouvoir s’emparer du pouvoir par la violence ; il s’agit d’employer des circonlocutions apaisantes, de se présenter comme victimes sociales et identitaires ontologiques – d’où l’accusation entravante mais intellectuellement frauduleuse d’"islamophobie" – et de se comparer de manière obsessionnelle aux juifs prétendument privilégiés. Parmi les stratégies les plus abouties, on retrouve l’alliance avec les forces politiques de gauche fourvoyées et/ou idéologiquement complaisantes.
Pas d’amalgame
Deux questions. Les Frères musulmans furent-ils créés pour soutenir la cause palestinienne ? Certes non ! En 1928, Israël n’existe pas et nul n’évoque alors un quelconque Etat palestinien. En revanche, les Ikhwan instrumentalisent cyniquement la cause, en ne soutenant évidemment pas la modérée et légitime Autorité palestinienne ni la (juste) perspective de la solution à deux Etats, mais les assassins du Hamas, émanation frériste, et l’anéantissement d’Israël.
Les Frères musulmans représentent-ils en France les citoyens d’origine ou de culture musulmane ? En aucun cas ! Minoritaires, ils les essentialisent en se prétendant leur porte-voix. L’immense majorité des citoyens d’origine ou de culture musulmane souhaitent vivre pacifiquement au sein de la République en respectant comme tous les autres citoyens ses lois, principes et valeurs. Plus que jamais s’impose la posture suivante : face à ce fléau totalitaire, ni amalgame, ni complaisance !
Géopolitique de l’Apocalypse. La démocratie à l’épreuve de l’islamisme, par Frédéric Encel. Flammarion, 2002.