ÉDITO. Malgré l’extension de la guerre et la menace d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, certains signes incitent à l’optimisme.
Par Luc de Barochez - Le Point
L'état désespérant du monde incite au pessimisme dans les prévisions géopolitiques pour 2024. Au Proche-Orient, une solution pacifique juste entre Israéliens et Palestiniens est plus éloignée que jamais. En Ukraine, le blocage militaire réveille le spectre d'une partition du pays. En Amérique, le retour possible de Donald Trump l'an prochain laisse présager une nouvelle phase de chaos dans les relations internationales. En Afrique, les désordres et les guerres s'étendent. Et pourtant, on peut discerner dans ce sombre tableau des signaux faibles qui tendent à indiquer que le pire n'est pas forcément à venir.
D'abord, l'Europe se réveille enfin. Après une décennie de chocs divers qu'elle a subis (crise financière, pandémie, guerre d'Ukraine...), l'Union européenne commence à prendre son destin en main. Mieux vaut tard que jamais ! C'est ainsi qu'il faut lire la décision prise par le Conseil européen, le 14 décembre, d'offrir à Kiev une perspective d'adhésion à l'UE. Seule la promesse ferme d'un avenir européen peut permettre à l'Ukraine d'accepter les sacrifices qui seront nécessaires, le jour venu, pour parvenir à un règlement avec Moscou.
L'UE est la première pourvoyeuse d'aide financière et humanitaire à l'Ukraine; elle est proche de le devenir aussi sur le plan militaire, surtout si l'Amérique ne parvient pas à surmonter ses divisions internes dans les mois qui viennent. L'UE a apporté la preuve sur ce dossier d'une volonté politique inédite, et ceci en dépit de la scandaleuse faiblesse de l'aide militaire française (le pays qui se présente comme la première puissance armée européenne n'apparaît qu'au 15 rang des pourvoyeurs d'aide militaire à l'Ukraine cette année, selon l'institut de recherche allemand IfW). En outre, le retour de la Pologne au centre du jeu européen, après la victoire de la coalition de Donald Tusk le 15 octobre, isole encore un peu plus le dirigeant hongrois Viktor Orban dans son pro-poutinisme.
La Russie, elle, n'est pas en position de tirer profit de l'échec de la contre-offensive de Kiev cette année. Elle continue à occuper 17,5% du territoire de son voisin, mais elle n'a réussi ni à prendre le pas militairement sur l'Ukraine ni à étouffer son aspiration à rejoindre l'Occident. Alors que Vladimir Poutine, au pouvoir depuis bientôt un quart de siècle, s'apprête à se faire confier un nouveau mandat présidentiel de six ans lors d'une farce électorale qu'il organise en mars, l'économie russe commence à souffrir sérieusement des sanctions occidentales. Selon le département américain du Trésor, un tiers de son budget est désormais consacré à l'armée. Le coup de force avorté d'Evgueni Prigojinca révélé la fragilité du pouvoir présidentiel. Et rien ne dit que Poutine aura les moyens d'intensifier la mobilisation en 2024, alors que son armée continue à perdre des milliers d'hommes sur le front (315 000 hommes tués ou blessés depuis l'invasion, selon le renseignement américain).
Les deux principaux soutiens de Poutine, l'Iran qui lui apporte une aide militaire importante et la Chine qui lui fournit un appui politique indispensable, sont eux aussi confrontés à des difficultés. Malgré la répression féroce, la rébellion continue à couver sous la braise en Iran et le dictateur Ali Khamenei, 84 ans, n'a pas de succession bien établie. En Chine, Xi Jinping est confronté à un ralentissement économique préoccupant et les disparitions toujours inexpliquées de deux de ses protégés cette année, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, prouvent que l'assise de son pouvoir n'est pas aussi stable qu'elle en a l'air. Enfin, l'Inde, qui retourne aux urnes ce printemps, empêche toute tentative de créer un contrepoids anti-occidental efficace au sein des Brics et de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
L'avenir n'est pas écrit dans un système international de plus en plus complexe, où la multipolarité engendre un monde plus chaotique mais aussi plus incertain. La révolution de l'intelligence artificielle générative va transformer aussi les relations internationales, en pesant sur la compétition sino américaine, en transformant l'art de la guerre, en accélérant la désinformation. Côté positif, elle offre aussi un puissant outil de développement. Elle pourrait même contribuer, pourquoi pas, à trouver une issue pacifique au dilemme is raélo-palestinien, un conflit qui depuis soixante-quinze ans met l'intelligence humaine en échec. Ne prêtons pas une oreille trop attentive aux prophètes de malheur.