Pour l’islamologue, l'attaque du Hamas représente une revanche pour l'axe dominé par l’Iran, qui a profité du vide laissé par les Etats sunnites s’étant rapprochés d’Israël, comme l’Arabie saoudite.
Gilles Kepel est notre grand spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain. Pour L’Express, l’auteur du récent Prophète en son pays (L’Observatoire) analyse l’impact historique de l’attaque meurtrière du Hamas, les motivations de son protecteur iranien, la lutte pour l’hégémonie sur l’islamisme, les responsabilités de Benyamin Netanyahou et les conséquences géopolitiques de ce "11 Septembre israélien", avec un risque d’embrasement du Moyen-Orient. Entretien.
L’Express : Quelle place dans l’histoire laissera l’attaque sanglante du Hamas contre Israël ?
Gilles Kepel : Cette attaque a été planifiée, probablement depuis très longtemps. Ces derniers mois, des réunions multiples ont été tenues au Liban entre Hezbollah, Hamas et officiels iraniens. Cela ne peut être un hasard qu’elle ait eu lieu le 7 octobre, cinquante ans après la guerre d’octobre 1973 qui avait complètement changé la donne au Moyen-Orient. Le raïs égyptien Anouar el-Sadate et le président syrien Hafez el-Assad avaient alors pris prétexte du jeûne juif du Kippour – c’est-à-dire d’une vigilance réduite d’Israël. C’était également le jeûne du ramadan, mais Sadate avait donné des rations aux soldats égyptiens, car il s’agissait d’un djihad. Cette dimension religieuse et cette symbolique de la mobilisation arabe contre l’ennemi sioniste demeurent prégnantes dans le psychisme collectif. Mais il y a une grande différence : à l’époque, ce sont des Etats – égyptien et syrien – qui ont attaqué Israël non pour le détruire, comme le souhaite le Hamas, mais pour rétablir un rapport de force et redonner une légitimité aux régimes de Sadate et el-Assad.
Pour vous, plus que 1973, c’est le 11 Septembre qui offre la comparaison historique la plus pertinente. Pourquoi ?
Cette attaque du Hamas a exposé la faiblesse d’Israël, comme le 11 Septembre avait exposé la faiblesse de l’Amérique. Elle a aussi ravivé l’imaginaire de la razzia. On pénètre chez l’ennemi, on tue ses hommes, on prend les femmes et les enfants, on fait des otages qu’on ramène comme des butins. C’était le principe même du 11 Septembre, qui se dit "double razzia bénie" en arabe, c’est-à-dire sur New York et Washington. On commet un acte spectaculaire, puis on se retire, pour éviter de pâtir d’un retournement éventuel du rapport de force. Et dans les deux cas, il y a eu un effet de sidération mondiale, qui s’inscrit dans une compétition entre islamismes sunnite et chiite pour l’hégémonie sur l’islamisme politique.
Le 11 Septembre avait répondu à deux nécessités. Il fallait d’abord effacer l’échec des djihads en Algérie, en Bosnie, en Egypte ou en Tchétchénie. En frappant les tours jumelles et le Pentagone, Ben Laden a démontré que l’Occident était un colosse aux pieds d’argile. Même si Al-Qaeda a rapidement disparu par la suite, au profit de Daech, l’ordre du monde a été ébranlé. C’est le début d’un millenium islamo-djihadiste, de l’idée que la colonisation n’est pas une fatalité, d’un multilatéralisme conflictuel… Même si les Brics ne se réclament nullement d’Al-Qaeda, ils s’inscrivent dans ce nouveau monde. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le 11 Septembre, c’est la continuation de l’action du Hamas, qui avait commencé à mener des attentats suicides en Israël. Il s’est également produit après la deuxième intifada de 2000. Le théologien frériste Youssef al-Qaradawi avait alors expliqué qu’il est légitime de tuer des Israéliens, non seulement hommes, mais aussi femmes et enfants, car il n’y a pas de civils en Israël, tout le monde faisant son service militaire.
Mais le 11 Septembre, c’est aussi la réponse du berger sunnite à la bergère chiite. Le 14 février 1989, Oussama Ben Laden et Ayman al-Zawahiri s’étaient vu tirer le tapis sous le pied par la fatwa de l’ayatollah Khomeini contre Salman Rushdie, alors même que le lendemain, le 15 février, ils devaient savourer la victoire du djihad sunnite en Afghanistan. Les hérétiques chiites avaient alors gagné la guerre médiatique. A l’inverse, le 11 Septembre a représenté une victoire sunnite, en réponse à Khomeini. Mais aujourd’hui, c’est à nouveau l’islamisme chiite, animé par Téhéran, qui prend le dessus dans cette lutte pour l’hégémonie sur l’islamisme mondial, à un moment même où l’islamisme sunnite se retrouve en crise très profonde.
Le Hamas, fondé par des Frères musulmans, est sunnite. Cela ne pose-t-il pas de problème dans ses rapports à l’Iran chiite ?
Le Hamas a complètement lié son destin à l’Iran, qui l’arme, le forme, le finance. Même si le Qatar lui donne aussi de l’argent de son côté. Le Hamas est devenu l’équivalent du Hezbollah, un supplétif de Téhéran n’ayant plus d’autonomie stratégique. Simplement, le Hamas greffe un vocabulaire sunnite là-dessus, car les Palestiniens sont bien sûr sunnites. C’est un instrument sunnite du chiisme iranien.
Il faut aussi se souvenir que les dirigeants iraniens, Khomeini et Khamenei, ont été très influencés par les Frères musulmans. Khamenei a lui-même traduit en persan deux livres de Sayyid Qutb, idéologue des Frères musulmans radicaux. L’Iran a même émis un timbre à l’effigie de Qutb derrière les barreaux, avant que Nasser le fasse exécuter. Dans l’islamisme des Frères, on constate en effet un effacement de l’antagonisme entre sunnisme et chiisme, contrairement au salafisme qui considère les chiites comme des épouvantables hérétiques. Ce qui explique pourquoi Al-Qaeda n’a jamais attaqué de chiites, contrairement à Daech. Quand Abou Moussab al-Zarqaoui, le cerveau de Daech en Irak, a écrit son manifeste expliquant que dans ce pays où les chiites sont majoritaires, il fallait réserver neuf balles pour ces hérétiques contre une pour les Américains, al-Zawahiri lui a répondu par une fatwa, fulminant qu’il ne fallait pas provoquer une guerre entre musulmans.
L’axe que j’ai nommé "fréro-chiite", marqué par une convergence entre l’islam politique des Frères et celui des ayatollahs iraniens, est aujourd’hui d’autant plus fort que le frérisme purement sunnite a perdu ses soutiens financiers et institutionnels principaux. Ce dernier a longtemps bénéficié des infrastructures de la Turquie d’Erdogan et des pétrodollars du Qatar, qui voyait dans le réseau international de la confrérie un contrepoids à l’Arabie saoudite. Mais aujourd’hui, Doha ne soutient plus les Frères que du bout des lèvres, car il s’est réconcilié avec Riyad sur le dos d’Abou Dhabi. Et en Turquie, où s’étaient réfugiés les Frères musulmans ayant fui l’Egypte, Erdogan a fait fermer toutes les chaînes de télévision fréristes, les priant de déguerpir, car, à cause de la situation dramatique de l’économie, il a besoin des pétrodollars de l’Arabie saoudite et des Emirats, ennemis des Frères.
L’islamisme sunnite étant affaibli, Daech vaincu, les Frères musulmans privés des financements qataris ou turcs, cela laisse un vide sur le marché politique islamiste. D’autant qu’il reste une forte frustration au Moyen-Orient, alimentée par les velléités de paix avec Israël d’un certain nombre d’Etats sunnites, Egypte, Jordanie, Emirats arabes unis, Maroc, Bahreïn, Soudan et maintenant Arabie saoudite. Deux ministres israéliens ont même été reçus officiellement à Riyad. En conséquence, il n’y a plus beaucoup de leadership sunnite significatif qui réponde aux aspirations de la rue arabe sur la question palestinienne. La plupart des Etats de la région ont décidé de mener une politique de puissance, faisant certes référence de temps en temps à la Palestine, mais bénéficiant surtout de la technologie israélienne. Le Maroc dispose par exemple d’un équipement israélien de pointe, qui pourrait réduire en bouillie les vieux tanks soviétiques d’Alger, massés au Sahara en soutien au front Polisario. Mais, de ce fait, l’Iran a profité du vide pour reprendre le flambeau islamiste.
Derrière l’attaque, il y a la volonté de l’Iran d’empêcher le rapprochement entre Arabie saoudite et Israël. Cet accord est-il aujourd’hui condamné ?
A en juger son communiqué à la suite de l’attaque, l’Arabie saoudite a déjà fait un pas en arrière. Mohammed ben Salmane (MBS) doit être très attentif à cette question. Même s’il a lâché du lest sur le salafisme, qui n’est plus en "odeur de sainteté", qu’il y a désormais des cinémas ou des concerts de rock dans le royaume, dont une femme sans voile a brandi le drapeau lors des dernières cérémonies anniversaires de l’Etat saoudien, il ne peut aller trop loin.
En 2020, le prince héritier, en bon élève de l’OMS face à la pandémie du Covid-19, avait décidé d’annuler le pèlerinage à La Mecque, remplacé par une manifestation symbolique. Qui en a tiré parti ? Erdogan, qui a alors réislamisé Sainte-Sophie à Istanbul, jouant le retour du califat ottoman… Aujourd’hui, les Saoudiens ne peuvent pas se permettre de prendre trop de distance avec la dimension holistique de la religion, sinon l’Iran va se présenter comme le héraut des musulmans opprimés à travers le monde. MBS est très désireux de se rapprocher d’Israël, comme l’ont fait avant lui les Emiratis, afin de disposer d’armements beaucoup plus sophistiqués face à Téhéran ou aux Houthis du nord du Yémen.
Déjà en 2016, quand le Hezbollah a tenu tête à Israël durant trente-trois jours, les masses croyantes du monde sunnite l’ont louangé pour cela. Les dirigeants sunnites avaient alors senti passer le vent du boulet. Aujourd’hui, l’effet symbolique et médiatique de l’attaque du Hamas est bien plus fort. Il a réussi à se jouer d’une barrière de sécurité israélienne ayant coûté des milliards de dollars. La dévastation causée par ce raid, l’audace du millier d’assaillants en uniforme noir se filmant avec des planeurs à moteur, sur leurs jeeps, molestant leurs victimes, donnait l’impression d’une facilité déconcertante, même si c’était sans doute très préparé en amont par les renseignements iraniens, et la force Al-Qods des Pasdarans. Encore plus qu’avec les avions du 11 Septembre, il y a eu ces images frappantes de damnés de la terre islamiques sortant de l’enclave étouffante de Gaza qui, tout d’un coup, abattaient l’arrogance, la morgue israélienne. Ils ont razzié, tué, pris des otages, massacré ceux qui célébraient une rave party à quelques encablures de la prison à ciel ouvert de Gaza, où les conditions de vie sont très difficiles.
Le Hamas a-t-il profité de la polarisation extrême de la société israélienne autour de la réforme judiciaire de Benyamin Netanyahou et d’un gouvernement avec des ministres d’extrême droite ?
Pour son seul intérêt politique, Netanyahou a d’abord utilisé les divisions dans la société israélienne entre juifs et arabes. Ce sont les violences dans les villes arabes israéliennes qui lui ont permis de revenir au pouvoir. Ensuite, afin de changer la Constitution et d’échapper à la prison pour prévarication et autres chefs d’accusation, il s’est appuyé sur les groupes extrémistes d’Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, qui ont provoqué la pagaille en Cisjordanie en multipliant les colonies de peuplement. L’armée israélienne s’est ainsi retrouvée à y faire la police, dégarnissant la frontière avec Gaza. En dépit de toutes les violences verbales qui sont le propre de la société israélienne, il y avait jusque-là un consensus autour de l’armée, de la défense de la frontière et de la sécurité du pays. Mais là, les divisions internes sont allées jusqu’à la désobéissance civile, avec des réservistes refusant de s’entraîner pour protester contre les amendements anticonstitutionnels voulus par Netanyahou et sa majorité suprémaciste.
Pour l’Iran, c’était donc le moment ou jamais de profiter de l’aubaine. Israël, principalement à cause de l’entêtement de son Premier ministre, s’est mis dans une situation de faiblesse extrême, mécontentant même l’allié américain et la communauté juive d’outre-Atlantique. Netanyahou a risqué la survie de l’Etat dont il est pourtant le dirigeant. C’est un traumatisme pire que celui de la guerre de 1973. Et là, il n’y aura pas d’aide américaine du même ordre…
Les Etats-Unis, occupés par la Russie et la confrontation croissante face à la Chine, peuvent-ils encore se permettre un nouveau point chaud au Moyen-Orient ?
Les Etats-Unis ne peuvent pas laisser l’Iran gagner. Le problème, c’est que l’hyperpuissance américaine, c’est fini. Ses alliés arabes ne lui mangent plus dans la main. Les Saoudiens ont décidé d’émanciper leur politique étrangère, négociant avec la Chine, s’accordant avec la Russie sur le prix du pétrole ou achetant des armes à la France. Par rapport à 1973, il n’y a ainsi plus de logique de bloc. Les Occidentaux, étant empêtrés à la fois en Ukraine et luttant contre la chaîne de valeur chinoise, ne peuvent ouvrir un troisième front. Il est clair qu’il n’y aura pas de mobilisation occidentale unifiée et disponible pour soutenir militairement Israël, comme l’ont fait les Etats-Unis en 1973 avec le pont aérien qui a permis de lancer la contre-offensive lors de la guerre du Kippour.
Mais c’est aussi l’échec de la politique philo-poutinienne menée par Netanyahou depuis qu’il est arrivé au pouvoir. Après l’invasion de la Crimée en 2014, il était le seul dirigeant occidental à se rendre le 9 mai sur la place Rouge, regardant défiler des tanks russes destinés à la Syrie. Il y a bien sûr encore beaucoup de juifs en Russie. Mais Netanyahou voulait surtout s’assurer que les Russes contrôlent l’espace aérien syrien, empêchant ainsi les Iraniens d’attaquer Israël depuis ce territoire. En contrepartie, l’Etat hébreu a octroyé de grandes facilités aux citoyens russes, et notamment aux oligarques dont Roman Abramovitch est le symbole. Mais la guerre en Ukraine a bouleversé cette stratégie. La Russie, à court de munitions, a eu besoin des armes sophistiquées de l’Iran, dont les fameux drones Shahed. L’Iran, qui passait aux yeux du Kremlin comme un Etat au bord de l’effondrement, a ainsi mis à profit le conflit ukrainien, au grand dam de Netanyahou. Pour Poutine, les ayatollahs sont des alliés qui ont montré leur fiabilité lorsqu’il avait besoin d’eux – et inversement ceux-ci peuvent compter sur lui au Conseil de sécurité.
Animé par l’opposition à Israël, aux Etats-Unis et à l’Arabie saoudite, l’"axe de la résistance" réunit, sous la houlette de l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, le Hamas et le mouvement des Houthis au Yémen. Sort-il renforcé ?
A travers son alliance avec la Russie, l’Iran a réussi à garder au pouvoir ses relais au Levant, et en particulier Bachar el-Assad. "L’axe de la résistance", c’est ce que le roi Abdallah de Jordanie nommait le croissant chiite. Les Américains, du fait de l’impéritie de leur guerre en 2003, ont de surcroît offert l’Irak à l’Iran. En Syrie, dans un pays très majoritairement sunnite, el-Assad, membre de la minorité alaouite [NDLR : une branche hétérodoxe du chiisme], est la clé pour faire le lien avec le Hezbollah au Liban. Et le Hezbollah est, lui, décisif car il permet de bombarder Israël. C’est la meilleure sécurité de l’Iran. Si Israël décidait d’attaquer l’Iran, le "parti de Dieu" dispose d’un vaste stock de missiles lui permettant de déclencher une pluie de feu sur la Galilée, ce qui risquerait de prendre l’Etat hébreu entre le marteau et l’enclume d’un front nord et sud.
L’Iran a construit un système d’alliances qui reste solide malgré l’assassinat par les Américains de Qassem Soleimani, architecte en chef de la force Al-Qods. A Téhéran, j’ai toujours été frappé par l’extrême sophistication de mes interlocuteurs au sein des cercles de pouvoir. Les Iraniens ont développé une industrie nucléaire, certes avec l’aide de la Corée du Nord. Mais face à l’embargo et aux pénuries, ils ont réussi à mobiliser des ressources et à tenir tête aux Etats-Unis, ce qui leur donne un prestige aux yeux des islamistes du monde entier, y compris sunnites. Et l’islamisme sunnite étant en crise de leadership, il était mûr pour un kidnapping par l’islamisme chiite.
Y a-t-il aujourd’hui un risque d’embrasement du Moyen-Orient ?
Dans le passé, ces embrasements restaient contenus, du fait notamment des grandes puissances, le "parrain" américain ou soviétique. Mais désormais, nous sommes dans un monde totalement fracturé, où les relations internationales sont devenues purement transactionnelles, où l’Otan est occupée en Ukraine, et où la Chine joue son propre jeu. On avait d’ailleurs fait grand cas de la médiation chinoise entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Mais on peut constater que cette négociation n’a pas servi à grand-chose. N’est pas médiateur qui veut…
C’est en tout cas dans les systèmes fragmentés que les risques d’embrasements sont les plus importants. La faille ouverte par l’invasion russe en Ukraine s’est prolongée dans d’autres régions. On ne cesse de répéter que la guerre en Ukraine, c’est la guerre de l’Europe. Mais, c’est aussi une guerre qui s’est répercutée dans le Caucase, et jusqu’à la Méditerranée avec laquelle communique la mer Noire. On l’a vu récemment avec l’Arménie. L’Azerbaïdjan a récupéré le Haut-Karabakh. Etant anti-iranien, le régime d’Aliev à Bakou a bénéficié du soutien d’Israël, alors qu’on aurait pu croire que juifs et Arméniens avaient sur le plan historique une communauté de destin.
Israël vient de déclencher, quarante-huit heures après le choc de la razzia du 7 octobre, une offensive militaire de très grande ampleur contre la bande de Gaza, qui a pour but d’éradiquer Hamas par un déluge de feu en rétablissant un rapport de force en faveur de l’État hébreu – comme cela était le cas avant cette attaque inédite sur son sol. Le choix a été fait de surmonter le chantage aux otages et d’assumer ce risque – en rendant l’organisation islamiste responsable de leur sort. Du point de vue intérieur de la politique israélienne, c’est un choix logique, quels qu’en soient les coûts, car il a une dimension existentielle. Du point de vue international, c’est un pari à très haut danger, car le monde a changé depuis 1973, et plus encore depuis 2001. Son ennemi principiel, la République islamique d’Iran, est au seuil de l’arme nucléaire et s’est en outre constitué une panoplie redoutable. Le choc de l’offensive sur Gaza sera-t-il tel qu’il aura un effet de souffle dissuasif ? Quelles seront les réactions des sociétés du monde arabe et musulman en solidarité avec leurs coreligionnaires de Gaza et les effets de la pression exercée sur leurs gouvernements ? Même en France et dans les autres pays européens à forte composante musulmane issue de l’immigration, les manifestations récentes ont attisé les clivages – comme l’ont montré les prises de position de Jean-Luc Mélenchon. Dans l’immédiat ce sont les armes qui parlent sur le champ de bataille - et la planète tout entière retient son souffle.