Sur l’intelligence artificielle, le camp du candidat républicain à l’élection présidentielle américaine et son vice-président semblent vouloir rompre avec les initiatives de régulation de l’administration Biden.
Par Alexandre Piquard. Le Monde
Il faut tout entreprendre pour renforcer le leadership des Etats-Unis dans l’intelligence artificielle (IA), semble penser Donald Trump. Lors de la convention du Parti républicain, le 19 juillet, le candidat à la présidentielle a ainsi évoqué cette technologie dans un passage de son discours consacré au « nouvel âge d’or » qu’il souhaite faire advenir − et que « tous les autres pays », dont la Chine ou le Japon, chercheraient aussi à atteindre. « Nous devons produire des quantités massives d’énergie (…). L’IA a besoin littéralement du double de l’électricité aujourd’hui disponible dans notre pays. Vous imaginez ? », a ainsi prévenu Donald Trump, sans mentionner les conséquences écologiques d’un tel boom énergétique.
Pour l’ancien président américain, le développement de l’IA semble surtout passer par une dérégulation du secteur : la plateforme programmatique du Parti républicain promet ainsi « d’annuler le dangereux décret de Joe Biden, qui empêche l’innovation en IA et impose des idées de gauche radicale sur le développement de cette technologie ».
Adopté en octobre 2023, ce texte présidentiel visait à « protéger les Américains des risques potentiels des systèmes d’IA » en imposant, sous le contrôle des agences fédérales, aux fabricants de logiciels de mener des tests pour s’assurer qu’ils sont « sûrs et fiables », afin d’éviter des atteintes à la sûreté nationale, des attaques cyber, mais aussi des manipulations ou des biais et discriminations algorithmiques.
Lors d’une récente audition sur l’IA et la vie privée, le sénateur J. D. Vance, choisi au poste de vice-président par M. Trump, a prolongé cette hostilité à la régulation de l’IA : « Souvent, les PDG, notamment des très grandes entreprises du numérique qui ont déjà des positions dominantes dans l’IA, viennent nous parler des terribles risques pour la sécurité posés par cette technologie et demandent au Congrès de la réguler au plus vite. (…) Je ne peux m’empêcher de redouter que si nous agissons sous la pression des acteurs en plus, ce sera à l’avantage de ces derniers et non du consommateur américain. »
« Préjugés de gauche »
Sur X, il a ajouté que, selon lui, « un groupe de fous partisans utilise l’intelligence artificielle pour empoisonner tout l’écosystème de l’information avec leurs préjugés de gauche ». Cet argument rappelle les critiques de Donald Trump contre les réseaux sociaux et rejoint les attaques d’Elon Musk contre OpenAI ou Google, accusés de censurer la liberté d’expression avec les mesures de modération mises en place pour éviter que leurs chatbots ne diffusent des réponses discriminatoires ou encore des discours de haine. Le patron de Tesla et de X, désormais soutien et généreux donateur du candidat républicain, avait lancé GrokAI avec l’idée d’être au contraire un chatbot « antiwoke ».
A la place du décret du président Joe Biden, « des alliés de M. Trump » ont préparé un brouillon de texte pour le remplacer, à l’orientation différente, selon le Washington Post : afin de « faire des Etats-Unis le leader de l’IA », il est prévu de « se débarrasser des régulations trop lourdes et inutiles » et de mettre sur pied des agences « dirigées par les entreprises du secteur » pour évaluer les IA. Il est aussi question de lancer une série de « projets Manhattan » − une référence à l’équipe ayant créé la bombe atomique − pour développer des IA militaires, rapporte le quotidien.
Ce genre de position a contribué au ralliement à M. Trump de figures de la Silicon Valley, historiquement démocrate, ont expliqué les puissants investisseurs en capital-risque Marc Andreessen et Ben Horowitz. « Il nous a dit : “L’IA fait très peur, mais nous devons absolument gagner. Car si nous ne gagnons pas, alors la Chine gagnera” », a expliqué, dans un podcast, Ben Horowitz, dont le fonds investit dans des start-up de la tech et de l’IA, que MM. Trump et Vance disent vouloir favoriser. Ces derniers sont aussi soutenus par Peter Thiel, ex-associé de M. Musk et investisseur dans des sociétés de la tech actives dans la défense et le renseignement, comme Anduril ou Palantir.
Outre l’aléa sur l’élection, qui aura lieu en novembre, il reste toutefois difficile de prévoir parfaitement l’agenda politique sur la tech de M. Trump, parfois déroutant. M. Vance a ainsi récemment salué le travail de la présidente de l’autorité de la concurrence, Lina Khan, engagée dans une lutte, à travers la régulation et les poursuites en justice, contre la domination des géants comme Google, Meta (Facebook, Instagram), Apple ou Amazon, puissants dans le numérique mais aussi dans l’IA.