Iran-Israël : un nouvel équilibre des forces au Moyen-Orient

Iran-Israël : un nouvel équilibre des forces au Moyen-Orient
الاثنين 16 يونيو, 2025

Les frappes israéliennes en Iran font basculer l'équilibre des forces au Moyen-Orient. Israël s'impose comme la nouvelle puissance hégémonique, tandis que les faiblesses du régime des mollahs apparaissent au grand jour.

Par Dominique Moïsi (géopolitologue, conseiller spécial de l’Institut Montaigne.) Les Echos


En vingt ans, l'équilibre des forces a changé au Moyen-Orient. En 2003, la seconde guerre d'Irak, n'avait fait qu'un vainqueur, l'Iran. Les Printemps arabes, moins de dix années après la chute de Saddam Hussein, avaient renforcé la position de Téhéran. Non seulement le régime des Mollahs survivait, en dépit de ses contradictions et faiblesses internes, mais il consolidait sa position régionale. Au Moyen-Orient, deux puissances antagonistes l'emportaient sur toutes les autres: Israël et l'Iran.

Deux dates, le 7 octobre 2023 et le 20 janvier 2025, (l'attaque du Hamas sur Israël, et le début du second mandat de Donald Trump), ont brisé cet équilibre bipolaire. Sur un plan strictement géopolitique, le grand vaincu est aujourd'hui l'Iran. Et il est trop tôt pour dire si le grand vainqueur sera Israël. Mais Jérusalem, en faisant à nouveau la démonstration de sa supériorité militaire, (en dépit des pertes subies sur son territoire) apparaît comme la nouvelle puissance hégémonique de la région. Ce qui pour un pays de moins de dix millions d'habitants, dont la superficie est celle du New Jersey, constitue une responsabilité, peut-être excessive.

Menace existentielle
La guerre de Gaza, qui a suivi le 7 octobre, au-delà des victimes civiles palestiniennes (infiniment et inutilement) trop nombreuses, a fait une victime collatérale: l'Iran. Au-delà de l'affaiblissement spectaculaire de l'axe de résistance constitué par le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen, sans oublier la chute du régime Assad en Syrie, il y a eu la redoutable efficacité des ripostes de Jérusalem aux attaques de Téhéran.

L'Iran des mollahs a poursuivi la même rhétorique sur la destruction de l'entité sioniste, la même poursuite accélérée de ses ambitions nucléaires, sans intégrer la faiblesse nouvelle qui était la sienne à l'extérieur, et l'impopularité grandissante de son régime à l'intérieur.

Il est dangereux de parler trop fort, quand on est devenu trop faible. Téhéran vient d'en faire la douloureuse expérience.

Un Iran nucléaire est certes une menace existentielle pour l'Etat d'Israël. Mais une humiliante défaite peut constituer une menace existentielle pour le régime des mollahs. De plus en plus isolé dans sa gestion de la guerre de Gaza, l'Etat hébreu ne l'est pas face à l'Iran. La Russie a été la seule, parmi les puissances qui comptent dans le monde, à condamner très clairement l'attaque israélienne. Moscou ne pouvait pas faire moins à l'égard d'un pays, qui lui fournit en grande quantité les drones utilisés contre l'Ukraine. Les critiques de la Chine ont été plus discrètes. L'ensemble des pays Européens a affiché sa solidarité avec Israël, tout en invitant les deux partis à la désescalade.

Les pays du Golfe, l'Arabie saoudite en tête, cachent à peine leur satisfaction devant l'humiliation du pays qui représentait à leurs yeux, la principale menace, (au moins jusqu'à un passé très récent). Mais à Ryad, si on se réjouit de voir moins d'Iran au Moyen-Orient, on commence à se préoccuper d'y voir trop d'Israël. Les Saoudiens se voyaient bien jouer dans la région, le rôle qui fut celui de la Grande Bretagne en Europe pendant la majeure partie du XIXe siècle, celui debalancier. Encore faut-il pour cela, qu'Israël n'apparaisse pas comme trop fort.

Regain de popularité de Netanyahou
« Ces mystères me dépassent, feignons d'en étre l'organisateur. » La formule de Jean Cocteau décrit-elle la position de l'Amérique de Donald Trump au cours des derniers jours? Le Président américain ne s'est certainement pas opposé à l'attaque israélienne contre l'Iran. Mais ce n'était probablement pas son option favorite. Depuis le 20 janvier 2025, c'est peu de dire que l'Amérique n'est plus un principe d'ordre dans le monde. Cette nouvelle réalité s'applique particulièrement au Moyen-Orient. Elle permet aux acteurs régionaux d'agir presque comme bon leur semble. A la veille de l'attaque sur l'Iran, Benyamin Netanyahou avait à peine, survécu à une motion de censure à la Knesset (le Parlement Israélien). Au lendemain de l'attaque, sa popularité dans l'opinion publique israélienne, remontait de 20 points.

Se pourrait-il que le régime des mollahs en Iran, disparaisse avant le gouvernement de Benyamin Netanyahou en Israël? Il serait plus qu'imprudent de l'affirmer. Se pourrait-il que, vu de Jérusalem, l'objectif du changement de régime à Téhéran, paraisse plus atteignable que celui de la destruction complète des capacités nucléaires de l'Iran?