Alors que des religieux de Qom appellent à accélérer la cadence des exécutions « effectuées au nom de l’islam », d’autres figures chiites font entendre leur voix pour contester l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques.
Tooba Moshiri, correspondance particulière à Téhéran (Iran), La Croix
Sur les 25 manifestants iraniens arrêtés dans le cadre du vaste mouvement contestataire et condamnés à mort, au moins sept manifestants ont déjà été exécutés. Un rythme que certains religieux de Qom, la capitale religieuse de l’Iran, en soutien au pouvoir, estiment trop lent. Après l’une de ces exécutions, l’association des enseignants du séminaire de Qom a ainsi publié une déclaration pour appeler à mettre fin à la « clémence et à l’indulgence islamiques » envers les manifestants et à accélérer la cadence. Et l’instance de réclamer des mesures « encore plus décisives » en procédant à des « exécutions exemplaires » d’autres manifestants, qu’elle qualifie de « combattants et de corrompus ».
Pour étouffer le mouvement de révolte « Femmes, vie, liberté », le régime iranien a intensifié les mises à mort, après des arrestations massives de militants syndicaux, de membres de la société civile et d’activistes politiques condamnés à de lourdes et longues peines. Une manière pour le pouvoir de réduire le peuple iranien au silence et de le forcer à battre en retraite.
Pour Sara Karimkhani, experte juridique, dans de nombreuses affaires, les juges privent les accusés du droit de choisir leur propre avocat et prononcent des verdicts sévères en toute impunité. « Plus de la moitié des citoyens iraniens exécutés en 2022 l’ont été après le début des manifestations de Femmes, vie, liberté et au cours des trois derniers mois de l’année, ce qui représente une augmentation de 75 % du nombre d’exécutions par rapport à 2021. Cela montre bien que la République islamique utilise les exécutions comme un “outil politique”. »
Assurer la survie du système islamique
L’Association des enseignants du séminaire de Qom considère qu’il s’agit de la seule peine proportionnelle pour les manifestants qui ont agi contre la République islamique. Pour de nombreux citoyens, les religieux de Qom cherchent à instiller la peur et la terreur parmi la population en approuvant la répression et la violence généralisées afin d’assurer la survie du système islamique.
Reza Mousavi est l’un des fidèles qui prient quotidiennement dans une mosquée de l’est de Téhéran. Cheveux blancs et barbe blanche, il affirme que ses enfants ont participé aux manifestations de ces derniers mois, mais la crainte qu’ils finissent exécutés pour avoir réclamé plus de droits lui pèse lourdement. « Il n’est pas juste d’exécuter les jeunes de ce pays au nom de l’islam et de forcer leurs familles à les pleurer, estime-t-il. Ce comportement sert-il de leçon au reste de la population ? Je crois que les actions hostiles ne font qu’engendrer plus de haine, et cette haine accumulée débordera d’une manière qui n’est pas bénéfique pour le pouvoir en place. »
Reza Mousavi ne cache pas son dégoût à l’égard de ces religieux qui soutiennent de tels verdicts et les considèrent comme liés à l’islam, déclarant : « Tant que de lourdes peines seront associées à l’islam, les jeunes se détourneront de la religion. C’est la pire forme de propagande pour un pouvoir qui porte le suffixe “islamique” dans son nom. »
Des exécutions effectuées au nom de l’islam
Molavi Abdolhamid, le chef sunnite de la prière du vendredi à Zahedan, est l’un des religieux qui réprouvent les peines de mort prononcées à l’encontre des manifestants. Dans l’un de ses récents discours, il a critiqué la nouvelle vague d’exécutions, en particulier celle de citoyens baloutches. Selon les agences de presse locales du Baloutchistan, au cours du seul mois d’avril, plus de 20 Baloutches ont été exécutés en Iran. Un grand nombre de ces exécutions ont eu lieu sans que les familles n’en soient informées et sans que la procédure judiciaire ne soit achevée.
Pour Molavi Abdolhamid, la République islamique tue, au lieu de créer des emplois et d’assurer l’éducation des jeunes. « Ces exécutions sont effectuées au nom de l’islam », mais « c’est le résultat d’une vision particulière de la religion, et je dis aux gens que ces exécutions par la République islamique n’ont aucun lien avec la religion de l’islam ».
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350 Iraniens exécutés depuis janvier
Selon les dernières statistiques de l’ONG Iran Human Rights, 353 personnes ont été exécutées en Iran pour la seule année 2023, dont six femmes. La République islamique a exécuté 7 338 personnes depuis 2010.
Le premier manifestant à être exécuté, le 8 décembre 2022, s’appelait Mohsen Shekari. Il était accusé d’avoir bloqué une rue et d’avoir blessé un membre des bassidjis. Quatre jours plus tard, Majid Reza Rahnavard, un autre manifestant de Mashhad, était à son tour exécuté publiquement.
En 2022, la province du Sistan-et-Baloutchistan a le taux d’exécution le plus élevé du pays, avec 39 mises à mort pour un million d’habitants.