Malgré les efforts déployés pour contenir les hostilités, les responsables des deux camps multiplient les mises en garde
Dov Lieber / The Wall Street Journal / L'Opinion
Après des mois d’escalade dans les hostilités entre l’Etat hébreu et le Hezbollah, les deux camps se rapprochent d’une guerre totale, accroissant la pression sur le gouvernement israélien pour qu’il sécurise sa frontière nord.
Le Hezbollah, organisation considérée comme terroriste par les Etats-Unis et étroitement liée à l'Iran, a ouvert un nouveau front pour l'Etat hébreu le 8 octobre, au lendemain du raid meurtrier du Hamas sur le territoire israélien qui a engendré la guerre actuelle à Gaza.
Le Hezbollah affirme que ses attaques ont pour but de soutenir les Palestiniens et que celles-ci ne s'arrêteront pas tant qu'Israël n'aura pas mis in à la guerre dans la bande de Gaza. Réticent à ouvrir un second front, l'Etat hébreu a, dans un premier temps, réagi par des actes de représailles, en décidant toutefois de les modérer ain d'éviter de déclencher une guerre totale.
Mais ces dernières semaines, les deux camps ont indiqué que les hostilités sont brusquement montées d’un cran. Le Hezbollah a multiplié les attaques de drones et de roquettes, frappant d'importantes installations militaires israéliennes. De son côté, l'Etat hébreu a également intensiié ses tirs, ciblant des sites du Hezbollah dans la plaine de la Bekaa, au sud du Liban, ainsi que de hauts responsables militaires du mouvement.
En l'absence de cessez-le-feu à Gaza et de la conclusion ultérieure d'un accord avec le Hezbollah conforme aux exigences de Tel-Aviv, les responsables israéliens estiment qu'une offensive est inévitable.
Benny Gantz, ministre membre du cabinet de guerre israélien, a déclaré que son pays ferait revenir les habitants dans le nord d'Israël d'ici au 1er septembre — date de la rentrée scolaire — « soit grâce à un accord, soit par le biais d'une escalade ».
Des incendies déclenchés par des attaques de drones et de roquettes du Hezbollah se sont produits dans le nord d'Israël depuis dimanche. Mardi matin, ils étaient en grande partie circonscrits et n'avaient fait que peu de blessés. Mais les images de ces feux ont poussé certains Israéliens à demander au gouvernement de passer à l'offensive après huit mois d'une guerre de basse intensité avec le Hezbollah, qui a fait fuir plus de 60 000 Israéliens de leurs foyers.
« Ils mettent le feu ici, nous devons réduire en cendres tous les bastions du Hezbollah et les détruire. Nous devons faire la guerre », a déclaré Itamar BenGvir, le très droitier ministre israélien de la Sécurité nationale, lors d'une visite mardi à Kiryat Shmona. Touchée par les incendies, cette ville israélienne est largement dépeuplée en raison du conflit et des bombardements constants du Hezbollah depuis le Liban.
Les Etats-Unis et la France s'efforcent de tracer les grandes lignes d'une résolution diplomatique du dossier, en faisant la navette entre Israël et le Liban depuis des mois.
Les pourparlers ont pour objectif de faire reculer les forces du Hezbollah à plus d'une dizaine de kilomètres du nord d'Israël, au-delà du leuve Litani. Le déploiement de l'armée libanaise ou d'une force internationale dans la région pourrait contraindre les miliciens à quitter la zone frontalière, selon des diplomates au fait des tractations. Israël et le Liban pourraient également négocier leurs diférends frontaliers préexistants.
Les responsables libanais n'ont pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.
Le retrait des forces de la milice mettrait les localités israéliennes hors de portée des missiles antichars du Hezbollah et l'empêcherait de concrétiser sa vieille menace d'envahir et de conquérir le nord d'Israël.
De nombreux Israéliens du nord du pays considèrent néanmoins un cessez-le-feu insuisant pour revenir chez eux.
Giora Zaltz, chef du district régional israélien situé à la frontière du Liban, explique que les deux principales préoccupations de ses administrés sont l'invasion de leur territoire par la force Radwan, une unité d'élite du Hezbollah — dans un scénario similaire à l’assaut du Hamas le 7 octobre — et les missiles portatifs, qu'Israël ne peut pas facilement intercepter. Pour apaiser ces craintes, il faut faire reculer les troupes et les armes du Hezbollah de plusieurs kilomètres à l'intérieur du territoire libanais, ce qui, selon M. Zaltz, nécessite soit une solution diplomatique contraignante, soit une intervention militaire.
Sans cela, les citoyens ne retourneront pas chez eux. « La frontière se déplacera de plus en plus vers le sud », dit-il.
Le Hezbollah, qui est également un puissant parti politique au Liban, airme qu'il n'acceptera aucun accord diplomatique avec Israël tant que la guerre à Gaza n'aura pas cessé. Malgré les nouvelles pressions exercées par Joe Biden en faveur d'un cessez-le-feu dans l'enclave, il reste d'importants obstacles à surmonter pour y parvenir, l'Etat hébreu ayant fait savoir qu'il poursuivra les combats avec une certaine intensité jusqu'à la in de l'année.
Hassan Fadlallah, membre du groupe parlementaire du Hezbollah, souligne que le principal message derrière les opérations de son mouvement est qu'il est prêt à une guerre totale avec Israël et qu'il se battra sans aucune règle ni limite. «
Nous avons appelé à un cessez-le-feu à Gaza et nous n'avons pas l'intention d'élargir le conlit, mais si Netanyahu veut aller dans cette direction, ce ne sera pas une promenade de santé pour lui », poursuit-il, en évoquant le Premier ministre israélien.
De nombreux Israéliens du nord du pays disent ne pas faire confiance au Hezbollah pour respecter un quelconque accord et préfèrent qu'Israël évacue les villages libanais proches de la frontière, où vivent des combattants du Hezbollah qui pourraient revenir en se faisant passer pour des civils. Sans cela, ajoutent-ils, nombre de personnes ne retourneront pas chez elles.
« Nous avons essayé l'approche diplomatique en 2006, déclare Nissan Ze'evi, qui habite dans une localité frontalière israélienne. Elle s'est soldée par un échec total. » Pour lui, seule une intervention militaire permettrait à sa famille de se sentir assez en sécurité pour regagner son logement.
Le Hezbollah est censé se désarmer et se tenir à distance de la frontière israélienne en vertu de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée après la guerre contre Israël à l’été 2006.
Mais les autorités israéliennes airment qu'au lieu de se retirer, le Hezbollah a accumulé un arsenal de plus de 150 000 roquettes et missiles, et que la milice dispose de milliers de fantassins aguerris. De son côté, un responsable du Hezbollah soutient qu'Israël ne cesse de violer la résolution 1701 de l'ONU par des incursions aériennes, navales et terrestres sur le territoire libanais.
Plus de 100 000 Libanais ont été déplacés à cause des combats et beaucoup dépendent du soutien financier du Hezbollah. Najib Bajouk, habitant du village frontalier d'Aïta ach-Chab, a quitté les lieux en octobre à la suite des affrontements entre le Hezbollah et Israël. Il vit désormais à Tyr avec sa femme et ses trois enfants. « Ma maison a été complètement détruite par les frappes israéliennes, mais dès que le cessez-le-feu sera conclu, j'ai l'intention d'y retourner et de la reconstruire », dit-il.
Lors d'une visite dans le nord d'Israël en mai, M. Netanyahu a déclaré que le pays avait prévu des surprises pour le Hezbollah.
Selon Chuck Freilich, ancien conseiller adjoint à la Sécurité nationale en Israël, le pays pourrait soit se contenter de repousser le Hezbollah au-delà du fleuve Litani, soit profiter de l'occasion pour désarmer la milice et éliminer la menace que représentent ses roquettes à courte portée, susceptibles de submerger les défenses anti-aériennes d'Israël. Quelle que soit l'option retenue, il est probable qu'elle déclenche une guerre totale qui entraînerait un « niveau de destruction sans précédent dans l'histoire d'Israël ».
Après environ huit mois de combats, le Hezbollah est toujours capable de déployer ses forces proches de la frontière avec l'Etat hébreu, selon ses besoins, d'après un officier de renseignement de l'armée de l'air israélienne.
Chaque camp a appris à connaître les faiblesses de l'autre, ajoute l'officier, mais s'efforce d'éviter toute manœuvre susceptible de déclencher un conflit à grande échelle.
« Des deux côtés, on se prépare et on se tient prêt au cas où quelque chose devait se produire », conclut-il.