Israël: le duel politique Netanyahu-Gantz sur fond de guerre

Israël: le duel politique Netanyahu-Gantz sur fond de guerre
الأربعاء 10 يناير, 2024

Les sondages font du centriste, ancien chef-d'état major de Tsahal, le favori de l’opinion pour occuper la fonction de Premier ministre


Pascal Airault - L'Opinion

Les faits - Mardi, l’armée israélienne a poursuivi ses bombardements contre les combattants palestiniens dans la bande de Gaza. En tournée dans la région, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a rencontré les dirigeants israéliens à Tel Aviv. Washington souhaite obtenir une désescalade du conflit et permettre un meilleur accès de l’aide humanitaire. Il souhaite aussi éviter une contagion régionale après les frappes de Tsahal en Syrie et au Liban qui ont tué lundi deux dirigeants du Hamas et du Hezbollah.

Entre Benjamin Netanyahu et Benny Gantz, l’unité en temps de guerre n’est que de façade . Le Premier ministre et son principal adversaire se disputent déjà la conduite de l’Etat une fois le conflit terminé. Agé de 64 ans, l’ancien chef d’état-major et opposant centriste avait accepté de rejoindre un gouvernement d’urgence, moins de quatre jours après les attaques du 7 octobre.

Mais, très rapidement, les sondages ont fait de lui le favori pour occuper la fonction de Premier ministre. C’est le souhait de plus de la moitié des Israéliens, contre 31 % estimant que Benjamin Netanyahu est encore apte à occuper son poste. Le parti de « Bibi », le Likoud, est également en perte de vitesse, tout comme ses alliés des partis religieux et d’extrême droite. Cela fait peser un risque existentiel pour la coalition au pouvoir.

Dimanche, Benny Gantz et deux des ministres membres de sa formation Khahol Lavan, Gadi Eisenkot et Chili Tropper, ont refusé de participer au conseil des ministres. Justiication : la guerre n’était pas l’ordre du jour. Chili Tropper a sous-entendu que la dernière rencontre du cabinet de guerre, jeudi dernier, avait laissé des traces. Au cours de cette réunion, les membres de la coalition de Netanyahu s’en sont pris au chef d’état-major de Tsahal qui souhaite lancer une enquête sur les erreurs commises par l’armée avant la tragédie du 7 octobre.

« Lendemain ». « Ce qui s’est passé est une attaque à motivation politique au milieu d’une guerre, a déploré Benny Gantz. J’ai participé à de nombreuses réunions de cabinet. Un tel comportement ne s’est jamais produit et ne doit pas se produire. » Le centriste appelle à l’unité et à se concentrer sur les problèmes de sécurité, notamment en discutant des plans de sécurisation et d’administration de Gaza, une fois le Hamas défait.

De leur côté, les responsables du Likoud reprochent à Gantz d’« agir de manière irresponsable ». La stratégie du Premier ministre est de rester « en guerre » ain de couper court à toutes les enquêtes visant à établir les responsabilités pour ne pas avoir su prévenir l’attaque meurtrière du 7 octobre. Les chefs de l’armée et des services de renseignement ont déjà reconnu leur part, ce qui n’est pas le cas des dirigeants politiques.

Lundi, un autre leader centriste, Yaïr Lapid, qui a refusé de rejoindre le gouvernement d’urgence, a appelé Gantz et les autres opposants à démissionner. Il se dit prêt à soutenir tout gouvernement du centre ou de droite laïque qui n’aurait pas à sa tête Benjamin Netanyahu.

Les opposants n’ont pas donné de date pour leur sortie du gouvernement. Mais, ils ne feront pas de cadeau à Netanyahu tout comme le ministre de la Défense, Yoav Galant, pourtant issu des rangs du Likoud, mais en désaccord avec le Premier ministre. Fin décembre, Gantz et Galant ont refusé de participer à une conférence de presse avec Netanyahu, l’accusant de vouloir en faire une tribune politique et d’empêcher les délibérations sur la question du « lendemain » à Gaza.

« Au-delà des divisions sur l’après-guerre, Gantz et Galant défendent une vision libérale de l’Etat et de la société (séparation des pouvoirs, indépendance de la justice, armée à l’abri des querelles partisanes), conie David Khalfa, co-directeur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à la Fondation Jean-Jaurès. Ils sont opposés à la réforme judiciaire lancée par Netanyahu pour renforcer le pouvoir du Premier ministre et de la Knesset au détriment de la Cour suprême. »

Benjamin Netanyahu cherche, quant à lui, à soigner son électorat de droite en surfant sur le traumatisme du 7 octobre. Ses proches rejettent les fautes sur l’armée. « L’objectif est de retrouver de l’oxygène politique, poursuit David Khalfa. Bibi est persuadé que les Israéliens auront la mémoire courte et vont privilégier les résultats. Il compte regagner du crédit en proitant de l’élimination des principaux dirigeants du Hamas. »

Benjamin Netanyahu devrait donc jouer la montre dans les prochains mois afin de retarder l’ouverture d’une enquête parlementaire. Il sait aussi que l’actuelle administration américaine, même si elle est d’un soutien sans faille, a plus de connivences avec l’opposition israélienne. C’est aussi le cas des principales chancelleries européennes qui misent sur sa chute et entretiennent leurs liens avec Benny Gantz et Yaïr Lapid. Dans le camp de Netanyahu, on espère une victoire de Donald Trump à la présidentielle de novembre 2024. Cela redonnerait des marges de manœuvre au Premier ministre... s’il tient jusque-là.