Israël veut engager une guerre monétaire contre le Hamas en mettant hors de circulation des billets de banque pour réduire à zéro la valeur du magot que le mouvement islamiste palestinien détient dans la bande de Gaza.
Par Pascal Brunel. Les Echos.
Israël s'apprête à attaquer le Hamas, cette fois sur le front monétaire. Objectif: provoquer la faillite du mouvement islamique palestinien dans la bande de Gaza, en réduisant à zéro la valeur des réserves accumulées par le mouvement islamiste depuis des années. Pour y parvenir, Gideon Saar, le chef de la diplomatie israélienne soutenu par Benyamin Netanyahou, le Premier ministre, et Bezalel Smotrich, le ministre des Finances, a proposé de retirer les billets de 200 shekels (équivalents à 50 euros), la plus grosse coupure de la devise israélienne ou à défaut, de dresser une liste noire des séries de ces billets que le Hamas a amassés.
L'enjeu est énorme pour le Hamas, de loin le principal employeur de la bande de Gaza. Selon des estimations des services de renseignements israéliens, le Hamas aurait accumulé un énorme matelas de shekels sous forme de billets de 200 shekels. Le tout représenterait un montant de plusieurs centaines de millions de dollars.
Gros pactole
Ce pactole a été amassé manu militari à l'occasion d'appropriations par les hommes armés du Hamas d'une partie des dépôts gérés par les banques locales durant les dix-huit mois de guerre ou, de façon plus traditionnelle, en imposant des taxes d'au moins 10% sur l'ensemble des marchandises et transactions financières.
Selon les experts de la lutte contre le financement du terrorisme, une bonne partie des entrées de cash dans la bande de Gaza ont été effectuées via des camions de la compagnie de transports de fonds Brinks. Toutes les séries de billets ont été auparavant soigneusement répertoriées ce qui pourrait permettre à Israël de les tracer et de les déclarer hors d'usage. Pour effectuer les contrôles, ces experts estiment qu'il est tout à fait possible de créer une application permettant de scanner les billets pour déterminer s'ils ont toujours cours ou non.
Cette méthode nous permettrait de provoquer un crash des finances du Hamas et d'accélérer peut-être la libération des 59 otages que ces terroristes détiennent encore dans la bande de Gaza, affirme un diplomate israélien. La Banque d'Israël, qui a la haute main sur la politique monétaire, a toutefois émis de nombreuses objections.
Elle estime que le gouvernement risque de porter atteinte à ses prérogatives à propos de tout ce qui touche à la gestion du shekel. La banque centrale souligne également que les tentatives utilisées, notamment en Europe, pour contrer les réseaux mafieux et l'évasion fiscale en retirant de la circulation les billets de 500 euros n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Les contrôles risquent également d'être particulièrement difficiles à imposer.
Réductions de salaires
Gideon Saar a rejeté d'un revers de main ces objections et maintenu son projet. Il a prévenu qu'il allait déposer un projet de loi au Parlement pour contourner un éventuel veto de la Banque d'Israël. Seule certitude: le Hamas n'a toujours pas hissé le drapeau blanc, malgré la reprise des bombardements et des opérations terrestres dans la bande de Gaza, à l'issue d'un cessez-le-feu de deux mois intervenu le 18 mars.
Malgré ces coups très durs qui lui ont été infligés, avec notamment plus de 50.000 morts, dont une partie de civils, depuis le début de la guerre le 7 octobre 2023 provoquée par des massacres de commandos islamistes dans le sud d'Israël, le Hamas continue à contrôler une grande partie de la vie quotidienne des 2,3 millions de Gazaouis.
Le mouvement a dû malgré tout réduire de façon drastique les salaires de ses combattants et de ses employés chargés des affaires civiles, qui ont continué à être réglés en shekels, la monnaie de l'ennemi, faute d'alternative.