Par Marc Henry, Le Figaro
ANALYSE - La République islamique a prévenu qu’elle répliquera au bombardement de son consulat à Damas où fut tué un chef de la force al-Qods.
La guerre secrète qu’Israël et l’Iran se livrent depuis des années risque de dégénérer en un affrontement militaire direct. L’Iran «menace de lancer une attaque importante contre Israël», a déclaré mercredi le président américain. Et, pour la première fois, l’État hébreu redoute que la République islamique tire à partir de son territoire des missiles balistiques ou des drones suicide vers Israël. Jusqu’à présent, l’Iran actionnait ses alliés, tels le Hezbollah libanais, les rebelles houthistes au Yémen ou diverses milices chiites syriennes ou irakiennes, pour mener des attaques contre Israël et éviter ainsi une confrontation directe.
Mais l’élimination, le 1er avril à Damas du général Mohammad Reza Zahedi, chef de la force al-Qods, le bras armé à l’étranger des gardiens de la révolution et de plusieurs autres officiers supérieurs iraniens lors d’un raid aérien attribué à Israël, a changé les règles du jeu, si l’on en juge par le flot de menaces de représailles lancées depuis Téhéran. Ali Khamenei, le guide suprême, a ainsi proclamé que « le régime maléfique (Israël, NDLR) a commis une erreur, il doit être puni et il le sera ». L’attaque israélienne a visé un consulat iranien, « donc notre territoire », a-t-il souligné.
Ces diatribes sont prises très au séreux. À titre de dissuasion, les responsables israéliens ont agité le spectre d’attaques massives contre des cibles en Iran en cas d’agression. « Si l’Iran attaque à partir de son territoire, Israël réagira et attaquera l’Iran », a prévenu Israel Katz, le ministre des Affaires étrangères. Pour bien se faire comprendre, il a fait traduire sa mise en garde en persan sur X. Yoav Gallant, le ministre de la Défense, a tenté pour sa part de rassurer la population en affirmant que l’armée israélienne était prête à « faire face à tout scénario », tout en prévenant qu’en cas d’attaque iranienne « notre réplique sera très, très efficace et dure ». « Nous excellons depuis des années à prendre par surprise nos ennemis sur ce que nous préparons », a-t-il ajouté.
Les réservistes servant dans la défense aérienne, notamment dans les unités dotées de différents systèmes d’interception de missiles et de drones telles les batteries d’Iron Dome (dôme de fer), de David Sling (la fronde de David) et d’Arrow (la flèche) conçus pour détruire en vol des engins à courte, moyenne et longue portée ont été mobilisés. De son côté, l’armée de l’air a effectué cette semaine un exercice à Chypre pour s’entraîner à des « missions à longue dis tance ». Des exercices d’entraînement ont également eu lieu dans le nord du pays à la frontière avec le Liban et la Syrie.
Selon les experts militaires étrangers, l’État hébreu dispose de toute une panoplie d’armes qui pourraient être utilisées contre l’Iran, y compris en visant des sites nucléaires disséminés dans ce pays. L’arsenal israélien comprend des F-35 américains capables d’atteindre pratiquement tout le territoire iranien, des missiles à la longue portée de type Jéricho, des sous-marins de fabrication allemande dotés de missiles qui pourraient s’approcher des côtes ira niennes, des bombes à forte capacité de pénétration.
Sur le front des renseignements, le Mossad, le service secret, a fait preuve d’efficacité sur ses capacités à glaner des renseignements en Iran et à manipuler des informateurs locaux. Ses agents se sont ainsi emparés par exemple en 2018 des archives secrètes du programme nucléaire iranien qui se trouvaient dans un entrepôt de la banlieue de Téhéran. Ces dernières années, toute une série de mystérieux incendies et explosions se sont produits, des cyberattaques ont paralysé des ports ou tout le système de distribution de carburant des stations-service. Auparavant, il y a quelques années, une série d’éliminations ciblées menées par des commandos en Iran ont coûté la vie à des savants atomistes et des spécialistes de missiles.
Autre atout essentiel : malgré les tensions de plus en plus vives apparues ces derniers jours entre Benyamin Netanyahou, le premier ministre, et le président Joe Biden sur la gestion de la guerre et de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, le président américain a exprimé mercredi son soutien « à toute épreuve » à Israël en cas d’agression de la part de l’Iran. Cette étroite coordination s’est traduite par la visite, jeudi en Israël, du général américain Michael Kurilla, commandant de la région centre qui s’est entretenu avec Yoav Gallant.
Plusieurs médias israéliens estiment que cet appui américain pourrait dissuader l’Iran de se lancer dans une aventure militaire à l’issue incertaine et pousser Téhéran à se « contenter », comme dans le passé, de pousser le Hezbollah à tirer des salves de roquettes vers le nord du pays, tandis que les houthistes pourraient multiplier les tirs de missiles ou de drones notamment vers la station balnéaire israélienne d’Eilat, sur la mer Rouge, ou contre des navires circulant dans ce secteur.