Par Adrien Jaulmes, Le Figaro
RÉCIT - Dans son dernier discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, le président américain n’a mentionné que par des généralités une extension du conflit qui a consumé la dernière année de son mandat.
L’affrontement entre Israël et le Hezbollah a été à peine mentionné par le président américain. Dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies mardi à New York, le dernier de sa présidence, Joe Biden a plus fait un bilan de son mandat qu’il n’a parlé de l’escalade de la guerre au Liban au cours des derniers jours.
« Une guerre totale n’est dans l’intérêt de personne », s’est contenté de dire Biden. « Même si la situation s’est aggravée, une solution diplomatique reste possible. En fait, elle reste le seul moyen d’assurer une sécurité durable et de permettre aux habitants des deux pays de retourner chez eux à la frontière en toute sécurité. C’est ce à quoi nous travaillons sans relâche. Nous nous tournons vers l’avenir. »
Biden n’a prononcé le nom du Hezbollah que pour rappeler que l’organisation chiite libanaise a lancé des roquettes contre Israël «sans provocation lors de l’attaque du 7 octobre 2023», et que «trop de personnes de part et d’autre de la frontière israélo-libanaise restent déplacées». «Nous sommes également déterminés à empêcher une guerre plus large qui engloberait toute la région», a assuré le président américain. L’embrasement du conflit jusqu’à présent latent entre Israël et la milice chiite qui contrôle le Liban est pourtant un échecpatent des efforts de son Administration pour empêcher que la guerre de Gaza ne tourne au conflit régional.
Les visites multiples de son secrétaire d’État, Antony Blinken, dans la région, les tentatives de la diplomatie américaine d’obtenir un cessez-le-feu avec le Hamas et la libération des otages israéliens ont toutes échoué depuis presque un an. Ces échecs ont montré la position de faiblesse d’un président démocrate qui n’a rien obtenu du premier ministre israélien en échange de son soutien quasi-absolu militaire et diplomatique. Les attaques peu orthodoxes d’Israël via les bipeurs et les radios du Hezbollah, qui ont précipité la récente escalade du conflit, sont venues rappeler que les décisions stratégiques étaient prises par Benyamin Netanyahou plutôt qu’à la Maison Blanche, et que l’Administration américaine n’avait quasiment aucune prise sur un allié qui soutient par ailleurs presque ouvertement son adversaire républicain, Donald Trump.
Les appels de Biden à une solution à deux États ont sonné comme des déclarations de pure forme de la part d’un président américain sur le départ. «Nous devons également faire face à la montée de la violence à l’encontre de Palestiniens innocents en Cisjordanie», a lancé Biden en citant un autre développement du conflit qu’il a été impuissant à prévenir. «Il faut créer les conditions d’un avenir meilleur, y compris une solution à deux États, où Israël jouit de la sécurité et de la paix, de la pleine reconnaissance et de la normalisation des relations avec tous ces peuples, et où les Palestiniens vivent dans la sécurité, la dignité et l’autodétermination dans un État qui leur appartiendrait.»
Quelques applaudissements polis ont salué cette déclaration. Mais les seuls moments où le président américain a été réellement applaudi ont été quand il a mentionné sa décision de ne pas briguer un second mandat. «Même si j’aime mon travail, j’aime encore plus mon pays», a dit Biden, reprenant la phrase qu’il avait prononcée en annonçant son retrait. «Après 50 ans de service public, j’ai décidé qu’il était temps que la nouvelle génération de dirigeants prenne le relais. Mes chers collègues chefs d’État, n’oublions jamais que certaines choses sont plus importantes que derester aupouvoir :c’est votre peuple qui compte le plus», a lancé Biden à l’Assemblée générale. «N’oublions jamais que nous sommes ici pour servir le peuple, et non l’inverse. L’avenir appartiendra à ceux qui libèrent le plein potentiel de leur peuple.»
Mais sa défense passionnée de la démocratie, thème que Biden a placé au centre de sa politique étrangère depuis son élection, ne résonnait pas entièrement avec son bilan. Si Biden a reconnu des revers, comme le retrait unilatéral d’Afghanistan, qui a abandonné ce pays aux talibans, il a plus déploré la mort des soldats américains au cours de cette opération que ses conséquences. Il a annoncé l’échec de l’invasion russe de l’Ukraine sans s’étendre sur les incertitudes qui demeurent sur l’issue de cette guerre. Il a appelé à la réforme du Conseil de sécurité, «pour refléter le monde d’aujourd’hui plus que le monde d’hier», sans s’étendre sur les détails.
Dans une période où les récents événements n’incitent guère à l’optimisme dans les relations internationales, de l’Ukraine au Proche-Orient ou du Venezuela à la mer de Chine, Biden a puisé dans sa longue carrière politique des exemples de développements positifs. Il a rappelé qu’il avait été élu au Sénat américain à une époque où les États-Unis étaient en guerre au Vietnam, mais qu’aujourd’hui, «les États-Unis et le Vietnam sont des partenaires et des amis». «Ce qui prouve, a dit Biden, que même après les horreurs de la guerre, il est possible d’aller de l’avant. Les choses peuvent s’améliorer. Nous ne devrions jamais l’oublier. Je l’ai constaté tout au long de ma carrière. Dans les années 1980, j’ai dénoncé l’apartheid en Afrique du Sud et j’ai assisté à la chute du régime.»
«Tout semble toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait», a dit Biden encitant Nelson Mandela. «Je suis plus optimiste quant à l’avenir que je ne l’ai jamais été depuis que j’ai été élu pour la première fois au Sénat des États-Unis en 1972, a ajouté Biden, chaque époque est confrontée à des défis. Je l’ai vu quand j’étais jeune, et je le vois aujourd’hui, mais nous sommes plus forts que nous ne le pensons. Nous sommes plus forts quand nous sommes ensemble que tout seuls.»
Cette note optimiste est tombée un peu à plat. Quatre ans après son premier discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, l’allocution de Biden sonnait comme des adieux. Ceux d’un président américain ne manquant pas de bonne volonté, mais qui a surtout réagi à des crises successives,ne parvenant ni à les prévenir, ni à les régler. Et surtout, dont les efforts pour ramener les États-Unis sur la scène diplomatique restent dépendants du résultat de l’élection américaine, qui a lieu dans moins de deux mois. Plus que des vœux pieux de Biden, les alliés comme les adversaires des États-Unis ont plus à l’esprit l’éventualité d’un retour au pouvoir de Donald Trump, que ce soit pour se préparer au chaos ou pour en profiter. Biden a quitté la tribune de l’Assemblée générale d’un pas hésitant, sans avoir convaincu de ses succès. Le résultat du scrutin du 5 novembre décidera si son bilan n’aura été qu’une parenthèse diplomatique.