La délicate succession du guide Ali Khamenei

La délicate succession du guide Ali Khamenei
الأربعاء 18 يونيو, 2025

DÉCRYPTAGE - Aucun nom n’émerge vraiment pour remplacer celui que Benyamin Netanyahou menace implicitement d’éliminer.

Georges Malbrunot. LE FIGARO

Une disparition du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, ne devrait pas, en théorie, plonger l'Iran dans un vide institutionnel. En cas de décès du numéro un du régime, que Benyamin Netanyahou menace implicitement en affirmant qu'un tel scénario «mettrait fin au conflit», l'article 111 de la Constitution précise que jusqu'à la nomination d'un nouveau guide, un conseil composé du président de la République, du chef du pouvoir judiciaire et d'un spécialiste de la jurisprudence islamique, sur décision du Conseil d'urgence de la nation, assumera temporairement toutes les fonctions du guide».

Élu l'an dernier président de la République, le modéré Massoud Pezechkian exercerait le pouvoir aux côtés de deux religieux conservateurs: Mohsen Ejeï, qui dirige le système judiciaire, et un autre spécialiste de la jurisprudence islamique, qui reste à désigner. Mohsen Ejeï a demandé lundi des procès rapides à l'encontre des personnes coupables d'espionnage pour le compte d'Israël.

L'exercice du pouvoir par ce triumvirat ne serait que temporaire. En vertu de la Constitution, après une disparition du guide suprême, l'Assemblée des experts se réunit pour choisir un nouveau dirigeant. Celui-ci doit obéir à des critères précis: il doit être docteur de la religion musulmane, et en plus de sa piété religieuse, le candidat sélectionné doit avoir des vertus «d'érudition (...) pour remplir les fonctions de mufti (juriste en droit canonique musulman, NDLR), de prudence, de courage et de capacités adéquates de leadership», selon les articles 107 et 109 de la Constitution.

Noyau dur
Depuis que la République islamique a renversé le chah en 1979, ses deux guides suprêmes, Khomeyni et Khamenei, étaient ayatollahs, l'un des titres les plus élevés dans la hiérarchie religieuse chiite. Dans la réalité, la passation de pouvoirs, surtout lors d'une période exceptionnelle comme celle que vivrait le régime après une élimination d'Ali Khamenei, pourrait être bien différente. La question n'est pas nouvelle. Les ennemis du régime - Israël et certains milieux proches de l'opposition à l'étranger entretiennent une rumeur selon laquelle le guide, âgé de 86 ans, souffrirait d'un cancer de la prostate visiblement maîtrisé, et affirment depuis longtemps que sa mort est imminente».

Choisir un nouveau guide mettrait aux prises plusieurs centres de pouvoir dont le consensus est in fine requis. L'Assemblée des experts d'abord: elle est composée de 88 membres, des religieux souvent âgés à l'image de son président Mohammad Ali Movahedi-Kermani (94 ans), et en décalage avec les aspirations de la population. Leur élection tous les huit ans, couplée généralement avec les élections des députés du Parlement, n'attire pas les foules.

Dans le chaos accompagnant la guerre, le clergé que cette Assemblée représente devrait compter avec au moins deux autres acteurs: l'entourage familial d'Ali Khamenei et les gardiens de la révolution, l'unité d'élite en charge de la protection du système, même si ceux-ci risquent de sortir affaiblis de la guerre que leur a menée Israël.

Ces dernières années, alors que le régime s'est calcifié autour d'un noyau dur ultraconservateur, le fils du guide, Mojtaba Khamenei, était cité comme un possible successeur. Seyyed comme son père c'est-à-dire porteur du turban noir des descendants du prophète, Mojtaba a été proche de milieux sécuritaires qui sont montés en puissance après le retrait de l'accord nucléaire international décrété par Donald Trump en 2018. Cette option est toutefois contestée par ceux qui considèrent que la République islamique n'est pas une dynastie.

Une autre option serait celle d'un ayatollah ou d'un comité de plusieurs dirigeants politico-religieux. Une telle instance serait nécessairement moins puissante qu'un seul leader. Elle ferait le jeu des gardiens de la révolution, qui gèrent les dossiers nucléaire, balistique, et exerce leur emprise sur l'économie gråce à son conglomérat Khatam al-Ambiya. Mais après avoir échoué à protéger la République islamique, les pasdarans resteraient-ils un acteur aussi puissant dans un Iran post-Khamenei?