Minée par une inflation endémique et les sanctions, la monnaie iranienne, le rial, souffre de cette nouvelle escalade du conflit militaire avec Israël. Le soutien de l'Iran au mouvement terroriste libanais du Hezbollah coûte cher à son économie et à ses marchés financiers.
Par Nessim Aït-Kacimi, Les Echos
L’Iran entre dans une nouvelle crise géopolitique et financière, potentiellement dévastatrice pour ses marchés et sa monnaie. Depuis l’explosion des bipeurs du Hezbollah au Liban mardi 17 septembre et la montée des tensions avec Israël, le dollar a gagné 4 % face au rial iranien. Cette année, la monnaie de l’Iran cède 18 % face à la première devise mondiale, selon le site Bonbast qui agrège les cotations de bureaux de change du pays. C’est à la mi-avril, après l’attaque massive de drones iraniens contre Israël, que le dollar avait atteint son record à 705.000 rials, contre 618.000 aujourd’hui. Protégé par le « Dôme de fer monétaire » de sa banque centrale, qui intervient pour le soutenir, le shekel israélien est stable depuis « l’opération bipeurs » menée contre le Hezbollah.
Une monnaie faible rejaillit sur la popularité d’un gouvernement et la crédibilité de sa politique économique. Comme la Turquie, l’Iran est confronté à une inflation endémique élevée. Les prix à la consommation ont augmenté de plus de 40 % par an depuis 2020.
L’or, un actif refuge L’inflation a certes baissé en 2024 mais reste à 35 %, un niveau encore très au-dessus du taux d’intérêt de la banque centrale, entre 23 % et 24 %. Le rythme élevé de la hausse des prix empêche la Banque centrale iranienne de baisser ses taux comme la plupart des autres pays l’ont fait cette année. La nécessité de stabiliser sa monnaie lui interdit aussi tout assouplissement monétaire dans cette période de tensions géopolitiques. Isolé sur la scène internationale, le quatrième plus grand exportateur de pétrole de l’Opep profite de la remontée récente des cours provoquée par la crise. Ses principaux partenaires commerciaux sont la Chine, la Turquie, l’Irak, les Emirats arabes unis et, plus récemment, la Russie.
Pour éviter au maximum d’avoir recours au dollar, l’Iran se fait payer dans les devises de ses pays « amis » (yuan, rouble…) et, parfois, en or. Ainsi, la Russie aurait réglé pour partie en or la facture (1,75 milliard de dollars) des drones de combat achetés à l’Iran, selon les documents d’un groupe de pirates informatiques baptisé « Soulèvement jusqu’au renversement », révélés par le média « Iran International ».
Entre mars et septembre, les entrées d’or en Iran ont été multipliées par 6 par rapport à 2023 pour atteindre 43 tonnes, soit 3,7 milliards de dollars. Le métal précieux est un actif refuge très demandé à cette époque. contre l’inflation, et encore plus lors de cette année historique où son cours a bondi de 29 %, enchaînant record sur record. A l’inverse, le rial a perdu définitivement la confiance de la population iranienne. Il a cédé 99,99 % de sa valeur en quarante-cinq ans depuis la révolution islamique de 1979. Le billet vert valait 70 rials à cette époque.
Comme à Cuba, un système de taux de change multiples a été mis en place en Iran en guise de parade aux sanctions et à l’isolement. Le système « Nima », lancé en 2018, a instauré un taux de change pré férentiel fixe à l’égard du dollar pour les importations en Iran de produits de première nécessité – comme les médicaments.
Taux de change subventionné
D’abord fixé à un taux irréaliste et « subventionné » par l’Etat de 42.000 rials par dollar, il a ensuite été porté à 285.000. Il reste encore très déconnecté de la vie quotidienne. Dans les bureaux de change et les banques, un dollar vaut deux fois plus que le taux « subventionné ».
La banque centrale fait bénéficier ses multinationales et grands groupes de ce taux très surévalué du rial, en mettant en relation importateurs et exportateurs. Ces derniers, qui vendent par exemple leur pétrole et récoltent des devises étrangères (renminbi chinois, livre turque, rouble…), doivent les apporter au « Nima ».
En échange, ils récupèrent des rials et la banque centrale des monnaies qui peuvent être ensuite utilisées pour les importateurs. Ils les obtiennent à un cours défiant toute concurrence, pour régler leurs fournisseurs étrangers.
Seulement, les exportateurs sont peu désireux de vendre leurs devises étrangères pour récolter deux fois moins de rials dans le système Nima que s’ils les revendaient au taux normal. Une partie de leurs revenus reste donc parfois sur leurs comptes bancaires, ce qui mécontente le régime.