La mort du président iranien Ebrahim Raïssi ne devrait pas bousculer les équilibres de l’« axe de la résistance »

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La mort du président iranien Ebrahim Raïssi ne devrait pas bousculer les équilibres de l’« axe de la résistance »
الثلاثاء 21 مايو, 2024

Après la mort du chef d’Etat et de son chef de la diplomatie, tant les alliés de l’Iran que ses traditionnels rivaux sunnites ont envoyé des messages de condoléances dénués d’alarmisme, signe du climat de détente qu’ils cherchent à préserver dans la région.

Par Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante), Le Monde

Le sort du président iranien Ebrahim Raïssi et du chef de la diplomatie Hossein Amir Abdollahian n’était pas encore connu, dimanche 19 mai au soir, après le crash de leur hélicoptère dans le nord-ouest de l’Iran, qu’un message de soutien et une offre d’assistance ont été envoyés par l’Arabie saoudite à la République islamique d’Iran. Un message à la mesure du climat de détente que cherchent à préserver le leader du monde sunnite et son rival chiite, depuis l’accord scellé en mars 2023, et ce, sur fond d’escalade régionale dans le sillage de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien dans la bande de Gaza.

Dans les heures qui ont suivi l’annonce officielle de la mort des deux dirigeants lundi, les messages de condoléances ont afflué, tant de la part des alliés traditionnels de l’Iran au sein de l’« axe de la résistance » à Israël que de ses traditionnels rivaux sunnites. Des messages dénués d’alarmisme. Leur mort ne devrait pas modifier la politique étrangère de la République islamique dans la région : ni dans son soutien au Hamas et à ses alliés au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, ni dans sa volonté de préserver la détente avec les pays du Golfe.

Deuil national au Liban et en Syrie
Des messages sobres de « solidarité » ont été partagés par le président émirati, Mohammed Ben Zayed, et l’émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani. Ils avaient rencontré le président Raïssi, pour la première fois, avec leurs partenaires arabes et musulmans lors d’un sommet exceptionnel sur la situation à Gaza, à Riyad, en novembre 2023. Des messages plus emphatiques ont fait écho aux leurs chez les alliés de l’Iran. Le Liban et la Syrie ont décrété trois jours de deuil national.
Le Hezbollah libanais a, lui, déploré la mort du « président martyr [qui] était pour [lui] un grand frère et un appui solide », un « protecteur des mouvements de résistance », rendant également hommage à Amir Abdollahian. Protégé de l’Iran et du Hezbollah, le Hamas a salué en la personne du président iranien défunt « un soutien à la résistance palestinienne », soulignant « ses efforts indéfectibles en faveur des Palestiniens » depuis le début de la guerre à Gaza.

Ces messages exagèrent le rôle que jouaient les deux hommes auprès de « l’axe de la résistance » et dans la politique d’expansionnisme iranien. Ils témoignent davantage d’une marque de respect envers le Guide suprême, Ali Khamenei, véritable figure décisionnaire en Iran, qui perd ici deux de ses plus fidèles serviteurs au sein de l’Etat. Il s’appuie, dans la région, sur les gardiens de la révolution et leur unité d’élite pour les opérations extérieures, la force Al-Qods, placés directement sous ses ordres.

Depuis la mort de l’architecte de l’« axe de la résistance », le général Ghassem Soleimani, tué dans une frappe de drone américaine à Bagdad le 3 janvier 2020, le géné

L’élimination de généraux iraniens dans une frappe israélienne sur le consulat iranien de Damas, le 2 avril, avait inauguré un dangereux face-à-face entre Israël et l’Iran. Ils ont usé de retenue dans leur riposte pour éviter la guerre ouverte. Des responsables israéliens ont en revanche nié, sous le couvert de l’anonymat, toute implication dans l’accident d’hélicoptère qui a coûté la vie à Ebrahim Raissi et Hossein Amir Abdollahian.

Le président Raïssi, qui avait notamment fait une visite d’Etat en Syrie en mai 2023, n’a « joué aucun rôle significatif dans l’élaboration de la politique étrangère et de sécurité de l’Iran, et sa mort n’est pas susceptible d’avoir un impact sur l’approche de la République islamique face à des crises majeures telles que la guerre à Gaza et le programme nucléaire iranien », estime ainsi Ali Alfoneh, chercheur à l’Arab Gulf States Institute.

Le chef de la diplomatie, M. Abdollahian, rencontrait en revanche régulièrement les groupes alliés à Téhéran lors de déplacements au Liban, en Syrie et en Irak. Mais il doit son rôle actif à ses liens avec le général Soleimani et les gardiens de la révolution, qui ont pris l’ascendant sur le ministère des affaires étrangères.

« En tant qu’ancien chef de la direction Moyen-Orient et Afrique du Nord du ministère des affaires étrangères, il était étroitement impliqué avec la Force Al-Qods. Il connaissait personnellement la plupart des dirigeants des groupes affiliés à l’Iran », poursuit M. Alfoneh. Le nouveau chef de la diplo matie, Ali Bagheri, n’a pas ces relations étroites avec les alliés de l’Iran. Il est plus présent sur le dossier nucléaire et les négociations indirectes avec les Etats-Unis.

Le ministre Amir Abdollahian s’est révélé être un infatigable représentant des intérêts de la République islamique sur les scènes régionale et internationale afin d’assurer à celle-ci une place à la table des négociations pour un règlement du conflit à Gaza. Lundi soir, Ali Bagheri a eu son premier échange téléphonique avec son homologue saoudien, le prince Fayçal Ben Farhan. Plus tôt dans la journée, le prince héritier saoudien a annulé son déplacement au Japon, non pas par inquiétude quant aux suites de la mort des responsables iraniens, mais du fait de l’hospitalisation de son père, le roi Salman, pour une infection aux poumons.