Par Antoun Souhaid
Trois quarts de siècle après le premier conflit opposant Israël à ses voisins arabes, la région est de nouveau en proie à l'agitation. L'attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 marque le début d'un nouveau cycle de violences dans le conflit israélo-palestinien.
Ce conflit, largement médiatisé à travers le monde, laisse une marque dans la mémoire collective des Arabes, renvoyant chaque partie à son histoire passée, à ses convictions religieuses et à des événements tragiques du passé.
Jérusalem, un carrefour des trois religions
Les toits de Jérusalem abritent trois édifices religieux majeurs : l’église du Saint-Sépulcre, le dôme du Rocher et la grande synagogue de Belz.
Pour les chrétiens, Jérusalem est une ville mentionnée à plusieurs reprises dans la Bible, notamment dans l’Évangile de Saint Jean. C’est là que Jésus-Christ se rend pour la fête de Pâques et y passe ses derniers jours sur terre, jusqu’à sa crucifixion et sa résurrection. Cette ville revêt une importance symbolique majeure et est un lieu de pèlerinage depuis le IVe siècle.
Chez les musulmans, Jérusalem occupe une place de premier plan. Bien qu’elle soit actuellement la troisième ville sainte après Médine et La Mecque, le prophète Mohammad y dirigeait ses prières vers Jérusalem avant de se tourner vers La Mecque.
Quant aux juifs, Jérusalem est avant tout reconnue pour ses attributs géographiques. Au Xe siècle, le roi David décide d'établir sa cité à Jérusalem, et son fils Salomon est chargé de construire le premier temple de pierre sur la plus haute colline en l'honneur du Dieu d'Israël, Yahvé. Malgré les conquêtes grecques et romaines qui détruisent la capitale juive et chassent la population juive, le souvenir de cette ville en tant que berceau de la religion du roi David persiste. Les juifs continuent de bénir Jérusalem dans leurs prières en attendant leur retour en Terre promise, huit siècles plus tard. Le 22 novembre 1947, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, alors que l’immigration juive s’intensifie en Palestine, le plan de partage de la Palestine prévoyant la création de deux États, l’un juif occupant 55% du territoire, l’autre arabe occupant 45% du territoire, avec la mise sous contrôle internationale de la ville de Jérusalem, est une manifestation du désir religieux des juifs de retourner sur leur terre, prenant la forme du messianisme.
Cette ville, dont le nom évoque la “ville de la paix” ou “la paix apparaîtra”, devrait être le symbole de la coexistence entre les divers peuples vivant en Palestine. Cependant la réalité dément cette idée.
La question qui se pose est la suivante : le partage d’une même terre par deux peuples laisse-t-il place à une coexistence apparemment impossible ? En d’autres termes, comment vivre en paix sur une même terre malgré nos différences ?
Le nationalisme séculier
Le conflit israélo-palestinien est un conflit opposant deux peuples partageant un même territoire.
D’un côté, le sionisme, un mouvement politique émergé de la diaspora juive persécutée en Europe, vise à trouver la paix en colonisant la Terre promise, considérée comme le berceau de son peuple selon l’histoire. Ce projet, fortement enraciné dans des récits bibliques, englobe les territoires s'étendant du fleuve d’Égypte à l’Euphrate. Le sionisme se présente comme un projet de restauration nationale, visant à établir un Etat-nation juif. Les colons sionistes croient fermement en la récupération des terres arabes, croyant que Dieu leur a destiné cet héritage, excluant ainsi la présence du peuple palestinien (chrétien et musulman).
D’un autre côté, les Palestiniens restent profondément enracinés dans leur histoire, éprouvant un sentiment de dépossession face à la perte de leurs terres au profit des juifs.
Ce conflit révèle ainsi des tensions complexes, entremêlant des aspirations territoriales, des croyances religieuses et des récits identitaires.
La voix des armes au détriment de la paix
La difficulté à mettre en œuvre les initiatives de paix, telles que les accords de paix d’Oslo reconnaissant l'État d'Israël en échange de la reconnaissance de l'OLP en tant que seule représentation du peuple palestinien, ainsi que l'initiative de paix de la Ligue des États arabes en mars 2002 à Beyrouth, renforce l’impression que les espoirs initialement placés dans le processus de paix sont largement oubliés, laissant place à la frustration. En d’autres termes, l’absence de dialogue constructif visant une solution équitable alimente le radicalisme, l'extrémisme politique religieux, et perpétue un cycle de violence visant à établir un équilibre de force entre les parties.
Le conflit israélo-palestinien redéfinit les alliances au Moyen-Orient
Malgré les crimes commis à Gaza, l’État sioniste continue de bénéficier d’un soutien international significatif. Cette situation découle de la conviction d’un Occident judéo-chrétien qui perçoit Israël comme un modèle de modernisme, de démocratie et de paix au Moyen-Orient, en opposition à un islam qui recourt à la violence à des fins politiques.
Cependant, du côté des pays arabes, la normalisation des relations avec Israël est fragilisée par le manque de soutien de la rue arabe qui demeure plus que jamais pro-palestinienne.
Mettre fin à cette spirale de violence et aux crimes de guerre ne peut se faire que par une réelle volonté de mettre en œuvre une solution à deux États. Cela implique de prendre en compte plusieurs facteurs : d’une part, du côté israélien, la reconnaissance que la Palestine appartient aux Palestiniens de toutes confessions, et d’autre part, l’acceptation par les Palestiniens du droit des juifs sur cette terre.
Le courage des Palestiniens qui continuent de défendre leur cause avec détermination est admirable. Toutefois, la réconciliation entre les peuples reste la seule voie, car la paix est l’unique alternative. La résolution du conflit israélo-palestinien ne peut être atteinte que par la voie de la paix.