L'Arabie saoudite entame l'année avec des emprunts massifs pour financer ses mégaprojets

L'Arabie saoudite entame l'année avec des emprunts massifs pour financer ses mégaprojets
الأربعاء 8 يناير, 2025

Deuxième plus grand émetteur d'obligations au sein des marchés émergents en 2024, le royaume vient d'annoncer la signature d'un prêt islamique de 7 milliards de dollars et une nouvelle émission obligataire de 12 milliards.

Par Rachel Cotte. Les Echos.

Pour 2025, la priorité de l'Arabie saoudite n'a pas changé: diversifier son économie et réduire sa dépendance aux hydrocarbures. Mais alors que le budget du royaume devrait rester déficitaire encore quelques années, celui-ci est contraint de s'appuyer massivement sur l'emprunt. Et il le fait, en ce début d'année, de manière particulièrement frénétique.

Deuxième plus grand émetteur d'obligations au sein des marchés émergents en 2024, le pays a annoncé lundi une émission obligataire en trois tranches de 12 milliards de dollars. Et ce quelques heures après la signature d'un prêt islamique de 7 milliards de dollars auprés d'un groupe de 20 banques internationales et régionales, par le biais du Public Investment Fund (PIF), le fonds souverain du pays. Le prét islamique est un financement conforme aux principes de la charia, interdisant le riba, c'est-à-dire l'usure. En l'occurrence, le PIF a souscrit un crédit murabaha la banque achète un actif pour le compte de l'emprunteur, puis lui revend à un prix plus élevé. L'emprunteur rembourse en plusieurs fois, à un prix convenu à l'avance.

Ces annonces interviennent alors que le royaume a levé, quelques jours plus tôt, 2,5 milliards de dollars auprès de trois banques étrangères (Abu Dhabi Islamic Bank, Crédit Agricole et Dubai Islamic Bank). Ces emprunts doivent soutenir les grandes ambitions du prince Mohammed Ben Salmane (MBS) dans le tourisme, les télécommunications ou encore l'immobilier, qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars.

Projets controversés
Le gouvernement entend notamment implanter une mégapole futuriste en plein désert, dans le cadre du projet Neom. MBS a toutefois d'ores et déjà dû revoir ses prétentions à la baisse. The Line, la ville la plus emblématique de ce plan, atteindra finalement 2,4 km au lieu des 170 km de long promis pour 2030.

Le projet fait par ailleurs l'objet de vives critiques. D'après une enquête du Wall Street Journal, certains des 100.000 employés qui y travaillent ont signalé des cas de viols collectifs et de tentatives de meurtre sur le site, ainsi que la présence de trafics de drogue. Fin 2023, le gouvernement avait dû pour la première fois reconnaitre que quelques projets pourraient ètre reportés au-delà de 2030. Les autorités sont désormais contraintes de se concentrer sur certains investissements prioritaires, comme les préparatifs pour accueillir les Jeux asiatiques de 2029 et la Coupe du monde de football de 2034.

Pour cette année, les besoins de financement du royaume sont estimés à 139 milliards de riyals (37 milliards de dollars). Un peu plus de 100 milliards de riyals couvriront le déficit budgétaire, qui devrait atteindre environ 2,8% du PIB, tandis que le reste servira à rembour ser la dette arrivant à échéance, a précisé le Centre national de gestion de la dette.

Une grande marge de manœuvre
Le pays pourrait être contraint de faire encore régulièrement appel aux marchés. Le baril de brent - dont il est de loin le premier exportateur mondial - se négocie actuellement autour de 76 dollars, en dessous du seuil de plus de 90 dollars requis pour équilibrer son budget en 2025, selon le Fonds monétaire international.

Selon Goldman Sachs, le pays dispose d'une grande marge de manceuvre pour contracter davantage de dettes afin de soutenir ses investissements. En novembre, l'agence Moody's a rehaussé la note de crédit du pays de A1 à Aa3 - au même niveau que la France et le Royaume-Uni en évoquant des perspectives positives pour le secteur non pétrolier.

Le PIF, pilier de la transition du royaume
Les dépenses du PIF, principale entité chargée de financer les projets pharaoniques du pays, devraient atteindre 70 milliards de dollars par an à par partir de cette année. En 2024, il s'était déjà largement tourné vers les marchés, en émettant, entre autres, un emprunt obligataire qui lui a permis de lever 5 milliards de dollars. Il a par ailleurs obtenu, en août, une facilité de crédit renouvelable de 15 milliards de dollars auprès de 23 institutions financières.