Le nouveau Proche-Orient que crée Israël

Le nouveau Proche-Orient que crée Israël
الخميس 3 أكتوبر, 2024

L’ÉDITO DE LUC DE BAROCHEZ. Un an après la massacre du 7 Octobre, l’armée israélienne a éliminé le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Le début d’un nouvel ordre ?

Le bombardement ciblé opéré par l'armée de l'air israélienne qui a tué le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le 27 septembre dans la banlieue de Beyrouth, portait le nom de code « Ordre nouveau ». Le terme révèle la volonté de Jérusalem de remodeler le Proche-Orient à sa main, un an après le pogrom du 7 Octobre. L'ambition est légitime, puisque l'enjeu est la survie à long terme de l'État juif. Est-elle, pour autant, réalisable ? Jusqu'où Israël peut-il transformer la région pour y garantir son insertion ?

Personne ne devrait regretter Hassan Nasrallah, guide suprême d'une milice terroriste qui a tué depuis quatre décennies non seulement des Israéliens et des Libanais, mais aussi des dizaines de Français, d'Américains et d'Argentins et un nombre incalculable de Syriens. Pour le Premier ministre Benyamin Netanyahou, «éliminer Nasrallah était une condition essentielle [...] afin de changer l'équilibre des forces dans la région pour des années».

Le projet israélien passe par la mise hors d'état de nuire de «l'axe de la résistance», ce réseau de milices djihadistes créé par la République islamique d'Iran pour nuire à l'État juif et, si possible, le détruire. Deux d'entre elles, et non des moindres, le Hamas, ordonnateur des massacres barbares du 7 Octobre, et le Hezbollah, qui lui a emboîté le pas en tirant des milliers de projectiles sur Israël depuis un an, ont reçu des coups sévères de la part de l'armée israélienne.

Le gouvernement Netanyahou est tenté de saisir le moment pour pousser son avantage, en frappant non seulement le Hezbollah mais aussi son parrain iranien, qui se retrouve sur la défensive. Téhéran, qui utilisait la milice libanaise comme une épée de Damoclès brandie au-dessus de la tête de son adversaire, pourrait, maintenant que celle-ci est émoussée, vouloir accélérer son programme nucléaire militaire. Un projet qu'Israël n'a aucunement l'intention de le laisser mener à son terme. Cette double dynamique est grosse de dangers pour la région dans les mois qui viennent.

Cependant, contrairement à Gaza, où le sort des otages du Hamas a fracturé la population israélienne et où le nombre de victimes civiles a nui à l'image de l'État hébreu, la guerre contre le Hezbollah suscite une large adhésion en Israël. Les exploits du Mossad, qui semble avoir pénétré la milice chiite et même le corps des gardiens de la Révolution iraniens jusque dans ses plus hauts échelons, restaurent dans la population un sentiment de fierté qui avait été mis à mal par la faillite du renseignement le 7 Octobre.

Nombreux sont ceux qui, dans la région, encouragent en sous-main Israël. Les dirigeants de l'Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de Bahreïn ou de l'Égypte savourent secrètement les humiliations infligées à l'Iran, que ce soit l'élimination du chef du Hamas, le 31 juillet à Téhéran, ou celle de Nasrallah. Et la destruction en cours de l'appareil militaire du Hamas par Tsahal satisfait tous ceux qui, à Amman, au Caire ou à Riyad, sont aux prises avec leurs propres islamistes. La guerre est aussi une lutte pour conquérir les cœurs et les esprits au Levant. L'Iran a ses alliés, notamment la Russie, mais Israël aussi a les siens, même s'ils n'osent pas s'afficher ouvertement.

L'État hébreu, cependant, n'a pas les moyens de faire basculer à lui seul le sort de la région. L'Arabie saoudite peut l'aider mais elle a posé une condition claire: la restauration d'un chemin crédible vers la création d'un État palestinien. Après l'échec du processus de paix enclenché en 1993 à Oslo, Israël avait cru pouvoir ignorer la question palestinienne. La razzia du 7 Octobre dans les kibboutz du sud du pays est venue rappeler de manière dramatique à quel point cette omission était illusoire.

Le 7 Octobre a aussi montré le péril qu'il y avait à laisser des islamistes gouverner aux frontières d'Israël-puisque la bande de Gaza était aux mains du Hamas depuis 2007. Jamais l'opinion israéliennen'acceptera la moindre perspective que le Hamas ou un mouvement analogue puisse diriger un État palestinien. Les seuls qui semblent ne pas l'avoir compris, depuis un an, sont les dirigeants de l'Autorité palestinienne à Ramallah, qui refusent de s'engager sur la voie de la bonne gouvernance et de réformer leur administration corrompue. Tant que la guerre fait rage, leur immobilisme attire peu l'attention. Mais, quand elle s'apaisera, ils regretteront leur inaction.