Des sociétés comme Tencent, Cosco, CATL et Comac font désormais partie de la liste des entreprises mises sous surveillance par le département américain de la Défense
James T. Areddy
The Wall Street Journal / L'Opinion
Le Pentagone a ajouté lundi un certain nombre d'entreprises chinoises bien connues à la liste des sociétés qu'il identiie comme étant de nature militaire. Elle comprend désormais certaines des plus grandes sociétés du pays dans les domaines de l'internet, des batteries, de la science et du transport maritime.
Les ajouts à la liste des « entreprises militaires chinoises » du département de la Défense reflètent son évaluation d’une fusion par la Chine des technologies commerciales civiles et des technologies militaires. Comme l’indique le Pentagone dans une évaluation des menaces publiée le mois dernier, Pékin cherche à « renforcer tous les instruments de la puissance nationale [de la Chine] en fusionnant les aspects de sa gouvernance économique, militaire et sociale ». Le rapport fait état d'initiatives visant à exploiter l'intelligence artificielle avancée, l'informatique quantique, la biotechnologie et les circuits intégrés à des ins militaires.
Parmi les nouveaux noms figurant sur la liste de plus de cinquante groupes d'entreprises et de iliales, on trouve les géants de l'industrie maritime et portuaire China Overseas Shipping (Cosco), Sinotrans & CSC Holdings et China International Marine Containers ; le producteur d'avions Commercial Aircraft Corp. of China (Comac) ; le géant des batteries Contemporary Amperex Technology (CATL) ; le fabricant de modules de télécommunications Quectel Wireless Solutions ; l'entreprise de reconnaissance faciale SenseTime Group ; et le propriétaire de WeChat, Tencent Holdings.
Signe que cette liste a retenu toute l’attention des investisseurs, les actions de Tencent cotées aux Etats-Unis ont chuté de près de 8 % lundi après sa publication par le Pentagone.
Cette inclusion « est clairement une erreur, a réagi un porte-parole de Tencent. Nous ne sommes pas une entreprise ou un fournisseur militaire. Contrairement aux sanctions ou aux contrôles des exportations, cette inscription n'a aucun impact sur nos activités. Nous travaillerons néanmoins avec le département de la Défense pour dissiper tout malentendu ».
Les autres entreprises n'ont pas répondu immédiatement aux demandes de commentaires.
Pour figurer sur la liste du département de la Défense, une entreprise basée en Chine doit avoir des activités aux États-Unis. Les sociétés nouvellement ajoutées rejoignent le fabricant d'équipements de télécommunications Huawei Technologies, le constructeur d'avions Aviation Industry Corp. of China, le groupe de sciences de la vie BGI Genomics et l'entreprise de téléphonie mobile China Mobile.
Les conséquences pratiques de l'inscription sur cette liste sont « davantage de nature à porter atteinte à la réputation qu’à déboucher sur des restrictions juridiques immédiates », estime Craig Singleton, directeur principal du programme Chine de la Foundation for Defense of Democracies, un groupe de rélexion établi à Washington.
« Cette désignation met en évidence les liens d'une entreprise avec l'armée chinoise et alerte les entités américaines sur les risques accrus en matière de sécurité nationale, ce qui peut décourager les investissements et les collaborations tout en ouvrant la voie à de futures mesures réglementaires », ajoute-t-il.
Interrogé, un porte-parole de l'ambassade de Chine à Washington a critiqué le « concept de sécurité nationale » du Pentagone, et notamment ce qu'il a qualiié de listes discriminatoires et de « répression déraisonnable des entreprises chinoises ». Il a ajouté que les pratiques américaines constituaient des violations des principes normaux de la concurrence sur le marché et que la Chine sauvegarderait les droits légitimes de ses entreprises.
Les élus du Congrès ont fait pression sur le Pentagone pour qu'il élargisse la liste, alors qu'ils cherchent des moyens de ralentir les progrès militaires de la Chine.
« Nous pouvons nous attendre à ce que l'administration Trump utilise cette liste étendue comme base juridique pour une stratégie de découplage [vis-à-vis de la Chine] plus déterminée, notamment pour limiter les investissements dans beaucoup de ces entreprises et même envisager des sanctions potentielles », estime Eric Sayers, chercheur non résident au Washington American Enterprise Institute, un groupe de réflexion.