« Le royaume est à court de cash » : avec un pétrole en chute, l’Arabie saoudite avance au ralenti

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« Le royaume est à court de cash » : avec un pétrole en chute, l’Arabie saoudite avance au ralenti
الجمعة 27 سبتمبر, 2024

Par Antoine Izambard, Challenges.fr

L’Arabie saoudite peine à équilibrer son Budget et réévalue ses colossaux projets. Mais à l’heure de son forum économique, elle reste déterminée à se diversifier.

Dans un mois, du 29 au 31 octobre, l'Arabie saoudite accueillera son huitième « Davos du désert», ce très chic forum économique orchestré par le Français Richard Attias pour le compte de l'homme fort du royaume, le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS). Dans les salons cossus du Ritz-Carlton de Riyad, des centaines de consultants et de grands patrons - dont ceux de BlackRock, Larry Fink, de Goldman Sachs, David Solomon, ou de Moderna, Stéphane Bancel-, sont annon- cés à cette grand-messe dont le mil- lésime 2024 est sobrement baptisé : «Horizons infinis».

Cité du futur rabotée
Du rêve à la réalité il y a toutefois un gouffre, et la récente chute des cours pétroliers, tombés aux alentours des 70 dollars, soit -20% en deux mois, vient mettre à mal les ambitions XXL de MBS. D'autant que l'année 2023 avait déjà été douloureuse avec un prix du brut sous les 100 dollars. Ce qui a plongé le royaume dans la récession, avec un PIB en recul de près de 1%, la pire performance du G20 derrière l'Argentine. L'Arabie saoudite a besoin d'un baril à environ 90 dollars pour équilibrer son budget. Donc, oui, la situation se tend, confirme Bertrand Besancenot, ambassadeur de France dans le pays de 2007 à 2016. Certains projets prioritaires pour MBS, comme l'Exposition universelle de 2030 (remportée par Riyad l'an passé), ou touristiques, par exemple la transformation du site nabatéen d'Al-Ula, ne seront pas affectés. D'autres seront nécessairement revus à la baisse.

A commencer par Neom, cette cité futuriste estimée à 500 milliards de dollars et l'un des symboles du plan Vision 2030 censé sortir le royaume de sa dépendance à l'or noir - 70% de ses recettes fiscales viennent du pétrole. Elément du projet Neom, la ville intelligente The Line, qui devait s'étirer sur 170 km, devrait être considérablement réduite. On voit bien dans nos discussions avec les Saoudiens que les choses se compliquent, confie un cadre d'un groupe français présent dans Neom.

On avance moins vite, car l'argent se fait plus rare qu'il y a un an ou deux. Un expatrié d'un géant du CAC 40 évoque, lui, des retards de paiement de plus en plus fréquents: « Le royaume est à court de cash ».

Recours à la dette
Ces derniers mois, Riyad a compensé la faiblesse de ses revenus pétroliers par des émissions massives de dette. En janvier, le gouvernement a ainsi vendu pour 12 milliards d'obligations, sa plus grosse opération depuis 2017. Un montant qui représente plus de la moitié du déficit budgétaire, prévu à 23 milliards de dollars par les autorités en 2024. Point important à souligner, les réformes menées par MBS pour se préserver d'une dégringolade du brut - triplement de la TVA, introduction de nouveaux impôts - ne permettent pas au royaume de boucler un budget creusé par l'augmentation des dépenses sociales, de santé et de défense.

C'est sûr que l'Arabie 2 saoudite emprunte beaucoup sur les marchés, mais sa signature est excellente et elle n'a aucun problème à le faire, nuance François-Aïssa Touazi, vice-président du conseil France-Arabie saoudite au Medef International.

Il faut aussi bien voir que le changement de cap qu'est Vision 2030 n'est pas anodin, c'est un revivement stratégique de long terme. Avec des signaux déjà perceptibles, puisqu'en 2023, les recettes non pétrolières du royaume ont enfin commencé à décoller, à +7,3%. Le diplomate Adrien Pinelli, chargé des relations investisseurs d'Eura-zeo an Moyen-Orient, est au diapason et souligne l'attractivité très forte de l'Arabie saoudite dans des secteurs innovants. Le prochain Davos du désert devrait permettre de le vérifier.