Les répercussions du conflit avec Israël pourraient conduire à une récession de 12 % en 2023, selon les projections du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud)
Pascal Airault - L'Opinion
Jour après jour, la situation économique et sociale plonge un peu plus en Palestine. La bande de Gaza est la plus touchée mais la Cisjordanie paye également un lourd tribut à la guerre dans un contexte de restriction des aides internationales. « Mon salaire d’octobre n’a pas été payé, explique un fonctionnaire de l’Autorité palestinienne. Il était déjà amputé de 25 % chaque mois depuis le début de l’année. Nous courbons l’échine en attendant que le vent passe. Les pays arabes ne nous soutiennent plus financièrement, les Européens ont suspendu leur aide et Israël ne nous reverse plus les taxes qu’ils collectent au nom de l’Etat palestinien. »
L’Autorité palestinienne est dans une situation difficile. Elle n’a plus les moyens de mettre en œuvre son programme économique et social. « Les caisses de l’Etat sont vides, poursuit le fonctionnaire. C’est comme si la communauté internationale voulait nous conduire au suicide… »
Une mission d’agents du Fonds monétaire internationale, qui s’est rendu en Palestine in août, évoquait déjà des perspectives désastreuses dans un contexte de crise budgétaire et de détérioration de la situation sécuritaire, politique et sociale. Les experts du FMI prévoyaient une baisse du revenu par habitant à moyen terme. Mais ces sombres perspectives ne tenaient pas compte des évènements du 7 octobre.
Le bilan économique et social est bien plus sombre aujourd’hui. Selon les premières estimations du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), après un mois de guerre, la moitié des habitations de Gaza ont été endommagées, la pauvreté a déjà augmenté de 20 % et le PIB palestinien a diminué de 4,2 %. Environ 390 000 emplois ont déjà été perdus. « Il n’y a plus aucun travailleur palestinien qui passe en Israël, ajoute le fonctionnaire. Les salaires de ses travailleurs font vivre au moins 800 000 personnes. » Dans la bande Gaza, le taux de chômage était estimé à 46 %, soit trois fois et demie celui de la Cisjordanie, avant le début du conlit.
« C’est dramatique, conife un habitant de Ramallah. Les prix ont encore augmenté avec cette crise alors que l’on subissait déjà le contrecoup inflationniste de la guerre en Ukraine. La plaquette d’œufs est passée de 50 à 100 shekels (NDLR : 12 à 25 euros environ). Les populations payent leurs denrées à crédit chez les commerçants. » Les prix grimpent en lèche au fur et à mesure que les étales se vident. L’armée israélienne a réquisitionné certains produits, comme les fruits et légumes, pour ses soldats. Plusieurs axes routiers sont fermés, ce qui pénalise le commerce.
Pauvreté. Selon les projections du Pnud, un troisième mois de guerre engendrerait une hausse de la pauvreté de près de 45 %, plongeant 660 000 nouvelles personnes dans une situation critique. La récession pourrait alors atteindre 12,2 % en 2023 et faire reculer de plusieurs années les perspectives de développement.
A titre de comparaison, la Syrie perdait un point de croissance en moyenne par mois au plus fort du conflit intérieur. « La reprise économique à Gaza, après un éventuel cessez-le-feu, ne sera pas immédiate, compte tenu du déplacement à grande échelle de la population, des niveaux massifs de destruction et de l’accès incertain aux ressources, en raison du siège de Gaza », prévient Rola Dashti, économiste et secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (Cesao).
Après la guerre, il faudra réhabiliter les services de santé, d’accès à l’eau, à l’énergie, et reconstruire les écoles endommagées. D’après les Nations Unies, plus d’1,2 milliard de dollars est déjà nécessaire pour répondre aux besoins immédiats des 2,7 millions de Palestiniens pour la seule année 2023. La stimulation de la croissance dépendra des conditions politiques imposées par Israël à la Palestine.
Le déficit de la balance courante reste important à 15 % du PIB en 2022. Il est le reflet des restrictions de longue date sur l’activité économique. La hausse des prix des matières premières n’a fait que l’aggraver, même si l’augmentation des permis de travail allouée par Israël avait permis d’en atténuer les efets. « La réduction des déséquilibres extérieurs persistants ne pourra être surmontée que si les restrictions imposées par Israël à la circulation des biens, des personnes et des investissements, sont assouplies, facilitant ainsi l’intégration économique de la Cisjordanie et de Gaza dans l’économie mondiale », assure le FMI.