Par Georges Malbrunot, Le Figaro
DÉCRYPTAGE - L’État hébreu, qui évoque des négociations de la dernière chance avant une opération militaire à Rafah, accepterait d’envisager une «période de calme durable» contre la libération d’otages.
Après plus de quatre mois de négociations sur une trêve à Gaza entre Israël et le Hamas, l’Égypte semble avoir pris le dessus sur le Qatar, l’autre médiateur de ces pourparlers, qui pourraient aboutir prochainement à une période de «calme durable» en échange de libérations d’otages israéliens. «Nous avons bon espoir», a déclaré lundi Sameh Choukri, le chef de la diplomatie égyptienne à Riyad, ajoutant que la proposition de cessez-le-feu sur la table prenait en compte «les positions des deux parties» et tentait de «faire preuve de modération».
Alors que le Qatar a été accusé ces dernières semaines par le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et plusieurs élus américains de ne pas faire suffisamment pression sur le Hamas, dont il abrite la branche politique, les services de renseignements égyptiens ont envoyé vendredi leur chef, Abbas Kamel, en Israël, à la tête d’une délégation qui a rencontré les services de renseignements intérieurs (Shin Beth) et extérieurs (Mossad), ainsi que l’état-major de Tsahal. Abbas Kamel est de tous les pourparlers depuis presque six mois autour des Israéliens, des représentants du Hamas, des Qatariens et de Bill Burns, le patron de la CIA, également très impliqué dans ces discussions pour une désescalade entre les deux belligérants.
Offre « extraordinairement généreuse »
À l’issue de ses entretiens à Tel-Aviv, M. Kamel est rentré en Égypte porteur d’une nouvelle proposition élaborée conjointement avec ses homologues de l’État hébreu et qui, selon le site d’informations Axios, fait pour la première fois mention d’une disposition israélienne à « discuter de l’établissement d’une période durable de calme » au début de la deuxième phase de cet accord de trêve en gestation, c’est-à-dire au bout d’une trentaine de jours environ. C’était une des principales revendications du Hamas. D’où les déclarations du secrétaire d’État américain, Antony Blinken, lundi encore, qui a dit espérer que le Hamas répondrait favorablement à cette offre « extraordinairement généreuse » d’Israël. Dès dimanche soir, le mouvement islamiste palestinien a déclaré n’avoir relevé aucun « problème majeur » dans cette dernière proposition que lui ont remise les renseignements égyptiens à leur retour de Tel-Aviv.
Selon une source proche de l’Égypte et du Hamas, Le Caire a également su introduire une autre revendication du Hamas, qu’Israël se serait résolu à envisager, à savoir « un retour complet » des dizaines de milliers de déplacés palestiniens aujourd’hui massés à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, qu’Israël menace d’attaquer si le Hamas ne conclut pas cet accord de trêve, vers leurs habitations du Nord. Il resterait néanmoins quelques détails à régler, notamment sur la présence des soldats israéliens aux alentours de la route dite de Salah ad-Dine, que des dizaines de milliers de Palestiniens emprunteraient pour rentrer chez eux. « Israël est prêt à se retirer à 500 mètres de ce couloir, le Hamas réclame que les soldats israéliens soient à 2 km », précise notre source, qui ajoute que « les Égyptiens ont su introduire certains mots issus de la demande que le Hamas leur avait transmise ».
Contrairement au Qatar, l’Égypte et ses grandes oreilles ont une relation plus apaisée à la fois avec Israël et le Hamas. Certes, Doha abrite Ismaël Haniyeh et Khaled Mechaal, mais ce ne sont pas ces ténors de la branche politique du Hamas, qui détiennent la clé d’une trêve. C’est plutôt Yahya Sinwar, chef du Hamas à Gaza et architecte de l’attaque terroriste du 7 octobre en Israël, aux côtés de Mohammed Deïf et de son frère Mohammed Sinwar, les dirigeants de la branche militaire du Hamas, celle qui se bat contre les soldats israéliens depuis bientôt six mois.
« La relation entre Sinwar et les renseignements égyptiens n’est pas mauvaise, décrypte notre source. Il respecte l’Égypte et sa parole plus que le Qatar, qu’il soupçonne d’être proche d’Israël même s’il lui ramenait de l’argent chaque mois. Sinwar sait que Gaza est une question de sécurité nationale pour l’Égypte », frontalière de la bande de Gaza à laquelle elle est reliée, de longue date, par un réseau de tunnels.
Ce sont les services de renseignements égyptiens qui avaient organisé en 2017 la réconciliation de Sinwar avec Mohammed Dahlan, le frère ennemi palestinien du Hamas, réfugié à Abu Dhabi depuis dix ans. Yahya Sinwar avait aidé, de son côté, les renseignements égyptiens à lutter contre des transfuges djihadistes venus de Gaza et passés dans le désert voisin du Sinaï.
La réponse du Hamas à la dernière proposition israélienne élaborée de concert avec l’Égypte est attendue dans les heures qui viennent. Elle prévoirait la libération de moins d’une quarantaine d’otages israéliens détenus par le Hamas, en échange de celle de prisonniers palestiniens en Israël. À l’issue de cette première phase de « trêve », longue de 20 à 35 jours et pendant laquelle Tsahal se retirerait partiellement de la bande de Gaza, puis autoriserait le retour des Palestiniens du sud vers le nord, une seconde phase s’enclencherait vers « un calme durable » dans la bande de Gaza.