Les efforts laborieux de la France pour une démilitarisation du Sud-Liban

Les efforts laborieux de la France pour une démilitarisation du Sud-Liban
السبت 4 مايو, 2024

Par Georges Malbrunot. Le Figaro

le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné continue d’œuvrer à une désescalade au Liban entre le Hezbollah et Israël.

Refusant le « scénario du pire », comme l’a martelé le week-end dernier à Beyrouth le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, Paris continue d’œuvrer à une désescalade au Liban entre le Hezbollah et Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza le 7 octobre, la formation chiite pro-iranienne, qui dit intervenir en « solidarité » avec le mouvement islamiste palestinien, échange quotidiennement des tirs avec Israël à la frontière libano-israélienne. Mais au fil des semaines, les violences se sont intensifiées, l’État hébreu frappant le territoire libanais de plus en plus en profondeur, et le Hezbollah menant des attaques plus complexes contre des positions militaires israéliennes dans le nord du pays. En près de sept mois, au moins 385 personnes, dont 254 combattants du Hezbollah et 73 civils, ont été tuées au Liban, selon un décompte de l’AFP. Côté israélien, 20 personnes ont été tuées, selon l’armée, et de nombreux villages le long de la frontière ont dû être évacués. Au total, près de 80 000 résidents israéliens ont été évacués.

« Personne n’a intérêt à ce qu’Israël et le Hezbollah poursuivent cette escalade », a mis en garde Stéphane Séjourné lors de son récent séjour, aussi bien à Beyrouth qu’à Tel-Aviv. Sera-t-il entendu ? Si le poids de la France s’est réduit au Moyen-Orient, le Liban reste toutefois le seul dossier sur lequel Paris garde une certaine influence. Une influence qu’elle doit toutefois partager avec les États-Unis, dont un émissaire, Amos Hochstein, est également actif entre Tel-Aviv et Beyrouth pour calmer la situation.

Le 18 avril, après un puissant lobbying français, les pays de l’Union européenne ont adopté une position commune sur le Liban, alors que le lendemain, Emmanuel Macron recevait le premier ministre, Najib Mikati, et le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, que la France voudrait voir jouer un rôle majeur au sud Liban, à la place des combattants du Hezbollah.

En mars, la France a proposé aux deux belligérants de « nouveaux arrangements de sécurité ». Des arrangements assez voisins de ceux mis sur la table par les États-Unis, qui visent pour l’essentiel à l’application de la résolution 1 701 des Nations unies, adoptée à l’issue de la précédente guerre entre Israël et le Hezbollah à l’été 2006, mais jamais strictement appliquée, ni d’un côté, ni de l’autre.

Selon des indiscrétions, ce plan initial français demandait « un cessez-le-feu immédiat » entre Tsahal et la milice chiite, et, trois jours après, un retrait des combattants du Hezbollah à 10 kilomètres au nord de la ligne de démarcation - dite ligne bleue -, à la suite de quoi, l’armée libanaise commencerait son déploiement au Sud-Liban, et Israël cesserait ses survols aériens de la zone. Enfin, dix jours après le cessez-le-feu, des discussions sur le traçage de la frontière commenceraient.

Même si l’armée israélienne s’est retirée en 2000 de la bande de terre qu’elle occupait au Sud-Liban, des litiges demeurent en plusieurs points de cette frontière. Ces discussions à venir que Paris espère n’engloberaient pas, toutefois, le secteur dit des « Fermes de Chebaa », toujours sous autorité israélienne, mais que la Syrie, pays avec lequel la France ne veut pas discuter, revendique.

Comme les États-Unis, qui sont son principal pourvoyeur d’armes, Paris milite pour que l’armée libanaise prenne en main la sécurité au Sud-Liban, fief historique du Hezbollah où certaines de ses armes sont cachées. La Finul (Force intérimaire des Nations unies), dans laquelle Paris compte 700 hommes, épaulerait l’armée libanaise dans cette nouvelle tâche de sécurisation du Sud.

Pressentant un refus du Liban, en particulier du puissant Hezbollah et de son parrain iranien, Paris aurait quelque peu modifié sa copie. « Les Français ne parlent plus de retrait du Hezbollah de 10 km dans le Sud, mais de redéploiement du mouvement chiite », observe depuis Beyrouth une source libanaise. « Paris exerce une pression pour un déploiement de ce qu’on appelle la brigade modèle de l’armée dans le Sud, c’est-à-dire 10 à 15 000 hommes, et pour faire accepter cette proposition par le Liban, la France fait miroiter des promesses d’aides et de dons en armements à l’armée libanaise, mais de quels armements s’agit-il ? », s’interroge cet expert de la politique franco libanaise. « Des armements défensifs ou offensifs ? S’agira-t-il de garder la frontière juste côté libanais ? Si les soldats libanais n’ont pas les moyens de contrôler ce que fait Israël en termes de survols de notre territoire, à quoi serviront-ils, si ce n’est uniquement à contrer le Hezbollah ? », se demande la source.

D’où l’opposition, jusqu’à maintenant, de la milice chiite, qui n’entend pas découpler le front libanais du front de Gaza. En préalable à son acceptation de l’offre française, le Hezbollah exige un cessezle-feu à Gaza entre Israël et son allié palestinien du Hamas. Quant à l’Iran, ajoute notre source, « c’est Téhéran qui décidera in fine. L’Iran sait que les vrais décideurs sur ce dossier-là sont les Américains. Je ne vois pas l’Iran faire un cadeau à la France actuellement ». D’autant moins, comme le reconnaît un diplomate iranien, que « nous avons peu apprécié les déclarations d’Emmanuel Macron, après notre attaque contre Israël, qui a souhaité établir un front commun arabo-israélien contre la République islamique ». Comme en 2020 lors de l’échec de l’initiative Macron pour redresser un Liban en pleine crise politique et financière, cette dernière offre française « risque de rester de l’encre sur une feuille de papier », redoute l’expert libanais.