Les pays arabes appellent à déployer des forces de paix sous mandat de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés

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Les pays arabes appellent à déployer des forces de paix sous mandat de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés
الجمعة 17 مايو, 2024

Réunis au Bahreïn, les 22 Etats de la Ligue arabe demandent la reconnaissance de l’Etat palestinien et l’organisation d’une conférence de paix sous l’égide des Nations unies, conditions qui se heurtent aux positions américaine et israélienne.

Par Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante), Le Monde

Lors d’un sommet dominé par la guerre dans la bande de Gaza, les vingt-deux pays de la Ligue arabe ont adopté, à Manama, au Bahreïn, jeudi 16 mai, une position unifiée sur un règlement politique du conflit. Ils font de l’instauration immédiate d’un cessez-le-feu, du retrait des forces israéliennes et de la levée du siège sur l’enclave palestinienne un préalable alors qu’Israël dit son intention d’« intensifier » ses opérations à Rafah.

Pour le « jour d’après », la « déclaration de Bahreïn » appelle à l’organisation d’une conférence de paix internationale sous l’égide des Nations unies, à la reconnaissance internationale d’un Etat palestinien et au déploiement de forces internationales de protection et de maintien de la paix sous mandat onusien dans les territoires palestiniens occupés jusqu’à la mise en œuvre de la solution des deux Etats.

Le consensus trouvé entre les chefs d’Etat arabes reprend les grandes lignes du plan élaboré par le groupe de contact arabe (Arabie saoudite, Egypte, Emirats arabes unis, Jordanie et Qatar). Il s’écarte toutefois de l’impératif qu’il posait de renverser la logique d’Oslo, en faisant de la reconnaissance d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, un prérequis à des négociations de paix.

Le rejet du plan arabe par les Etats-Unis et son double veto à la reconnaissance de la Palestine comme Etat membre des Nations unies – devant le Conseil de sécurité, le 18 avril, puis lors de l’Assemblée générale, le 10 mai – les poussent au compromis. « Quelques Etats ont voulu montrer aux Etats-Unis qu’ils sont coopératifs, mais la position arabe et ses piliers restent les mêmes », commente une source diplomatique.

Geste de bonne volonté
A la suite du président palestinien, Mahmoud Abbas, les pays arabes demandent au Conseil de sécurité de reconsidérer sa position. La dynamique internationale est en leur faveur, avec 143 pays qui soutiennent la solution des deux Etats, mais une résolution ne peut être imposée aux Etats-Unis, plus proche allié d’Israël. « Riyad ne veut pas contrarier son projet de normalisation avec Israël », dit Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe et la Méditerranée.

En échange de cette normalisation, Washington promet à Riyad un pacte de défense et son soutien au développement du nucléaire civil dans le royaume. Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, est attendu à Riyad et à Tel-Aviv ces prochains jours pour faire avancer le dossier, en dépit du refus du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, d’accepter la création d’un Etat palestinien – une condition posée par l’Arabie saoudite.

Une conférence de paix internationale pourrait constituer le geste de bonne volonté qu’attend Riyad. L’idée a le soutien des pays arabes et musulmans, ainsi que de pays européens. L’Espagne, qui avait déjà accueilli la conférence de Madrid en 1991, ayant conduit aux accords d’Oslo de 1993, serait prête à l’organiser, tout comme le Bahreïn, qui peut se prévaloir d’avoir scellé la normalisation avec Israël en 2020. « Aux yeux des Américains, une telle conférence doit se tenir sous leur égide, car c’est la seule garantie de faire venir les Israéliens », souligne M. Abidi.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a reconnu qu’un « suivi actif » serait nécessaire pour faire aboutir ces propositions. C’est sans compter le refus catégorique de M. Nétanyahou d’envisager autre chose qu’une occupation militaire de la bande de Gaza. « Le problème est que vous avez un pays qui est la force d’occupation, Israël, qui a sa propre logique de vengeance et les Etats-Unis qui n’ont pas les moyens d’amener les Israéliens à faire ce qu’ils veulent. Ces deux pays sont incapables de produire un résultat positif », souligne au Monde Hossam Zaki, sous-secrétaire général de la Ligue arabe.

Divergences de vues
Les participants se sont néanmoins réjouis du rare moment d’« unité arabe » au Bahreïn. Le sentiment d’urgence et le soutien de l’opinion publique internationale y ont contribué, tout comme l’implication du roi Hamad Ben Issa Al Khalifa, désireux de donner des gages à sa population, fortement mobilisée pour Gaza. « Les Arabes ne veulent plus accommoder les Israéliens », poursuit l’ambassadeur Zaki.

Déplorant l’obstruction par Israël des efforts de cessez-le-feu, les pays arabes ont condamné « toute tentative visant à déplacer de force le peuple palestinien de ses terres ». Ils ont exhorté l’Etat hébreu à se retirer du terminal de Rafah, l’accusant à la suite du président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi de chercher à renforcer le siège sur l’enclave. L’Egypte ne veut pas gérer le terminal avec Israël. Selon le média Axios, Israël a proposé au Caire, mercredi, d’y placer des représentants de l’Autorité palestinienne et de l’ONU sous sa supervision.

La proposition israélo-américaine de mettre sur pied une force d’interposition arabe dans la bande de Gaza a, elle, été rejetée, même si des divergences de vues demeurent entre pays arabes. « Une intervention arabe sur le terrain ne peut se faire que dans un contexte politique, dans le cadre d’une reconnaissance d’un Etat palestinien », martèle une source diplomatique arabe, en écho à la demande de déployer des casques bleus dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.