Les pays arabes en conclave pour contrer le plan de Donald Trump sur Gaza

Les pays arabes en conclave pour contrer le plan de Donald Trump sur Gaza
الثلاثاء 4 مارس, 2025
L’Arabie saoudite serait prête à injecter entre 20 et 25 milliards de dollars si le financement arabe de la reconstruction de la bande de Gaza (ici, à Rafah) s’inscrit dans « une perspective irrévocable d’un État palestinien ». Hatem Khaled / REUTERS

DÉCRYPTAGE - Ils se réunissent mardi au Caire pour montrer aux États-Unis que la reconstruction de l’enclave palestinienne peut se faire sans le déplacement de ses habitants.

Par Georges Malbrunot. LE FIGARO

Les pays arabes se réunis sent ce mardi au Caire pour finaliser leur plan alternatif au projet de Donald Trump de placer la bande de Gaza sous contrôle américain en transférant sa population, un projet qui menace la stabilité de l'Égypte et de la Jordanie, mais face auquel l'unité du camp arabe risque de se briser sur la question de la place à réserver au Hamas dans l'après-guerre.

Le plan Trump est une menace direc te pour l'Egypte voisine de Gaza, confie un diplomate français, c'est pourquoi Le Caire a dit non très tôt au plan Trump, et le général al-Sissi a été moteur dans la réponse à y apporter. Quant à la Jordanie, qui a assuré ces dernières semaines la publicité de la réponse arabe, c'est tout simplement une menace existentielle, ajoute ce diplomate, qui rappelle que plus de 60%, des habitants du royaume hachémite sont des réfugiés palestiniens. En ajouter d'autres reviendrait à redonner vie au vieux scénario de la droite ultranationaliste israélienne pour laquelle la Jordanie est la Palestine. C'est une ligne rouge pour les monarchies du Golfe, renchérit un expert à Dubaï. Selon lui, «l'Arabie et les Émirats arabes unis ne peuvent accepter la chute d'un roi, comme ce pourrait être le cas en Jordanie avec le plan Trump, ce serait un dangereux précédent pour Riyad et Abu Dhabi »

Création de zones sécurisées

Depuis un mois, les diplomates arabes s'activent donc pour peaufiner leur plan, qui devra, in fine, être accepté par les Etats-Unis et Israël. L'Arabie saoudite, où s'est tenue le 21 février une réunion préparatoire, joue un rôle essentiel, compte tenu de son poids financier et des bonnes relations du prince héritier Mohammed Ben Salman (MBS) avec Donald Trump. Selon nos informations, MBS aurait discuté de ses grandes lignes avec le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, en marge de la rencontre de ce dernier avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, le 18 février, à Riyad.

Etalé sur trois à cinq ans, ce plan égypto-saoudien prévoit une gouvernance de la bande de Gaza sans le Hamas, avec dans un premier temps la création de zones sécurisées pour reloger temporairement les déplacés et déblayer les décombres, puis la convocation d'une conférence réunissant les bailleurs de fonds internationaux.

L'Arabie saoudite serait prête à injecter entre 20 et 25 milliards de dollars si Trump renonçait à son plan et si, comme l'exige Riyad depuis des mois, le financement arabe de la reconstruction de la bande de Gaza, détruite à 70% environ par Israël, s'inscrit dans une perspective irrévocable d'un État palestinien, ce dont ne veut pas l'État hébreu.

Mais avant de mettre la main au pot, les riches monarchies du Golfe ont également des exigences vis-à-vis du Hamas et, dans une moindre mesure, de l'Autorité palestinienne. Selon des Indiscrétions publiées dans la presse, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis réclament le désarmement du Hamas, une exigence d'Israël et des États-Unis, alors que le Qatar s'y opposerait. Ce sera l'un des principaux points en discussion mardi au Caire.

Ces dernières semaines, alors qu'en coulisses se tenaient également des négociations sur l'ouverture au 1er mars qui fut finalement reportée de la deuxième phase du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, les médiateurs égyptiens et qatariens ont cherché à convaincre le Hamas d'adoucir sa position.

Les Egyptiens ont demandé au Hamas de ne pas faire partie de la future direction de la bande de Gaza, le Hamas a accepté, confie au Figaro une source arabe au Caire. «L'Egypte a également réclamé le départ de 5000 cadres du Hamas de la bande de Gaza et que les brigades de sa branche armée livrent leurs armes. Selon cette source, le Hamas est coincé, d'autant que la proposition égyptienne pour la reconstruction de Gaza prévoit aussi le déploiement de forces arabes dans l'enclave, ce qui ne plait pas au Hamas»,

Bras de fer interne

Est-ce pour cette raison qu'entre la direction à l'étranger du Hamas et sa branche à Gaza, dominée par les militaires, le débat s'est récemment intensifié. Moussa Abou Marzouk, un des cadres du Hamas à l'étranger, est allé jusqu'à remettre en cause dans des confidences au New York Times les bénéfices du 7 Octobre pour le mouvement islamiste, laissant percevoir des marges de négociation sur la question cruciale du désarmement du Hamas, alors que les militaires de Gaza s'y opposent. Cherchant à masquer ces divergences, un membre du bureau politique, Houssam Badran, a rappelé que le Hamas est un mouvement unifié à la maison et à l'étranger. Mais dans ce bras de fer interne, la plupart des observateurs soulignent que le Hamas de l'intérieur tient la corde, fort de sa résistance à dix-sept mois d'affrontement avec Israël, alors que le mouvement a recruté de nouveaux combattants, semblant prêt à installer dans la durée sa guerre contre l'Etat hébreu.

Au Caire, les pays arabes devront également affiner leur position vis-à-vis de l'Autorité palestinienne (AP) et de son chef, Mahmoud Abbas, qui ne veut pas dételer, malgré ses bientôt 90 ans, et une popularité au plus bas. Si tous réclament le retour de l'AP à Gaza, certains exigent au préalable une profonde réforme, ainsi qu'une lutte accrue contre la corruption. C'est notamment le cas des Emirats arabes unis, qui ne font plus mystère de vouloir que le vieux leader palestinien. cède la place pour qu'une nouvelle direction émerge, une exigence que ne partagent pas forcément des pays.