les violences s’intensifient entre Israël et le Hezbollah, faisant craindre une escalade incontrôlable

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les violences s’intensifient entre Israël et le Hezbollah, faisant craindre une escalade incontrôlable
الجمعة 1 مارس, 2024

Le Parti de Dieu a étendu ses attaques au-delà de la bande frontalière de dix kilomètres, en réponse à des frappes israéliennes contre des cibles situées en profondeur au Liban, ainsi qu’en Syrie.

Par Jean-Philippe Rémy et Hélène Sallon, Le Monde

Le conflit à bas bruit qui, depuis le lendemain du 7 octobre 2023, oppose le Hezbollah depuis le territoire libanais aux forces israéliennes est en train de sortir du cadre géographique de la zone frontalière, dans lequel il était confiné depuis près de quatre mois, au risque de se transformer en guerre ouverte. L’intensification des tirs du Hezbollah contre le territoire voisin, et la profondeur des frappes israéliennes au Liban, laisse craindre que l’équilibre fragile de la dissuasion ne devienne incontrôlable alors qu’une trêve dans la bande de Gaza, qui pourrait contribuer à calmer le front nord israélien, tarde à se matérialiser.

Mardi 27 février, le nord d’Israël a essuyé le plus grand nombre de roquettes jamais tirées du Liban depuis le début de la guerre – 102 en l’espace d’une journée –, selon le Lobby 1701, un groupe de pression qui milite pour une intervention mettant fin à la menace du Hezbollah dans le nord d’Israël. La veille, en frappant la ville de Baalbek, à plus de 100 kilomètres de la frontière, Israël avait mené ses bombardements sur le Liban les plus en profondeur depuis octobre 2023.

Dans les échanges de tirs, malgré cette montée de la tension, des règles de réciprocité sont encore à l’œuvre. L’escalade, en réalité, n’est souhaitée par aucune des parties. « Le Hezbollah continue de vouloir fixer au nord des troupes et des ressources qui pourraient être employées au sud », indique une source militaire israélienne. Inversement, l’armée israélienne, avec ses frappes, est parvenue à infliger des pertes significatives au mouvement chiite et à faire reculer, au moins temporairement, ses forces d’élite Radwan.

Les deux belligérants privilégient toujours une solution négociée afin d’éviter une guerre qui serait dévastatrice pour chacun d’eux, et qu’il serait difficile à Israël de mener en même temps que les opérations à Gaza. Cependant les efforts de médiation, notamment ceux de la France et des Etats-Unis, ne sont pas encore parvenus à des résultats concrets. Le Hezbollah conditionne l’arrêt de ses opérations contre Israël, menées en soutien au Hamas, à la cessation des hostilités dans l’enclave palestinienne.

« Déstabiliser l’armée israélienne »
Le Parti de Dieu a étendu ses attaques, au-delà de la bande frontalière de dix kilomètres, en réponse à des frappes israéliennes contre des cibles situées en profondeur au Liban, ainsi qu’en Syrie. Le 14 février, le Hezbollah a ainsi tiré des roquettes Katioucha de 122 millimètres sur Safed, une ville sainte pour les juifs et le siège du commandement nord, à treize kilomètres de la frontière. Onze roquettes ont atteint la ville, l’une d’elles tuant une militaire, la sergente Omer Sarah Benjo.

Le Hezbollah a de plus en plus recours à des salves massives de roquettes, qui ont aussi pour fonction de tester les dispositifs d’interception du Dôme de fer. Depuis le 7 octobre, selon un décompte israélien, 3 000 roquettes ont été tirées sur le territoire israélien, ainsi que 620 missiles antichars, qui échappent aux interceptions en raison de leur trajectoire horizontale. « Le Hezbollah est en mode réactif, il n’intensifie ses activités qu’en réponse à une accélération du rythme des attaques israéliennes ou lorsqu’il y a des victimes civiles libanaises », analyse Nicholas Blanford, un expert du mouvement armé, dans une note pour l’Atlantic Council.

Au côté des drones que le Hezbollah envoie dans le nord d’Israël, sans doute pour la collecte de renseignement, de nouveaux types d’armement ont fait leur apparition. « C’est en partie pour déstabiliser l’armée israélienne, et en partie pour faire la démonstration de ses nouvelles capacités au public libanais et étranger », analyse Nicholas Blanford. Le 25 janvier, le missile téléguidé Almas, copie iranienne du missile israélien Spike, a été utilisé pour la première fois.

Puis, le 26 février, le Hezbollah a abattu un drone israélien à l’aide d’un missile solgair, démontrant qu’« il a les capacités antiaériennes pour remettre en cause l’impunité aérienne d’Israël sur le Liban », estime une source diplomatique occidentale. L’aviation israélienne a visé en représailles un cadre de la défense antiaérienne du Hezbollah, à Baalbek, un bastion du parti chiite dans l’est du Liban.

Depuis l’assassinat du numéro deux du Hamas, Saleh Al-Arouri, en plein cœur de Beyrouth, le 2 janvier, l’Etat hébreu a multiplié les frappes contre des cadres et des cibles stratégiques du Hezbollah, bien au-delà de la bande frontalière, dont ont été évacués près de 87 000 Libanais. Le 14 février, sept membres d’une même famille ont été tués dans la ville de Nabatiyé, dans une frappe contre l’immeuble où se trouvait Ali Debs, un commandant du Parti de Dieu.

« Pourquoi les Israéliens mèneraient-ils une offensive au Liban ? Ils remplissent leur carnet de cibles sans essuyer de pertes. Ils ont détruit une partie des infrastructures et des dépôts d’armes du Hezbollah au sud du fleuve Litani. Ils mènent des frappes d’opportunité contre des cadres du Hezbollah, dont des combattants très expérimentés qui ont fait la guerre pendant dix ans en Syrie », résume le diplomate occidental.

Depuis le 7 octobre, près de 300 personnes ont été tuées au Liban, dont une majorité de combattants du Parti de Dieu et 44 civils. Côté israélien, dix soldats et six civils ont été tués, selon l’armée. Des cadres de la force d’élite Radwan, dont son chef Hussein Tawil, figurent au nombre des victimes. « Les Israéliens ont une connaissance très précise et intime de l’organisation interne du Hezbollah. Cela doit lui faire froid dans le dos », poursuit la source occidentale.

Il ne resterait à présent dans la zone frontalière qu’environ « quelques centaines de Radwan », selon une source israélienne, ce qui peut être considéré comme une victoire relative pour l’Etat hébreu. Ces unités comptent au total 18 bataillons, représentant environ 6 000 hommes dont un tiers avaient été déployés dans la zone frontalière après le 7 octobre. Leur présence a en partie justifié l’évacuation de 80 000 Israéliens du nord de la Galilée. Six tentatives d’infiltration par des petits groupes ont été enregistrées depuis le Liban.

« Tous ne vont pas quitter la zone au sud du Litani. [Les membres du Hezbollah] nous disent qu’ils peuvent disparaître sous terre et devenir invisibles », indique une source bien informée, en contact avec le Parti de Dieu. Une allusion au fait que le Hezbollah a construit, au fil des années, un important réseau de tunnels et de bunkers souterrains. Certains de ces tunnels descendraient à environ 50 mètres de profondeur dans la roche, signe de l’utilisation d’une machinerie sophistiquée. «

Eviter une attaque » en Israël
C’est dans ces souterrains, qui courent dans le sud du Liban, mais aussi dans la plaine de la Bekaa, que se trouve en grande partie de l’arsenal du Hezbollah en matière de roquettes et de missiles de portées diverses. Les chiffres israéliens récents font état de 40 000 missiles dits à « moyenne portée », capables d’atteindre la région de Haïfa, et de 5 000 à longue portée, capables d’atteindre TelAviv et même Eilat, la station balnéaire de la mer Rouge, à 450 kilomètres de la frontière libanaise.

« La priorité, c’est d’abord d’éviter une attaque sur le sol israélien. Ensuite, qu’on trouve un accord qui permette de mettre en application la résolution 1701. Sinon, ce sera la guerre », estime la source israélienne. Cette résolution, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies après la guerre de 2006, appelle au retrait du Hezbollah de la région au sud du fleuve Litani. Elle prévoit également la fin du survol du Liban par l’aviation israélienne, un point crucial pour le Hezbollah. Une trêve à Gaza pourrait offrir à Paris et Washington l’occasion de relancer leur médiation.