Organisé en Arabie saoudite, ce tournoi international d'e-sport réunit mercredi les meilleurs clubs mondiaux qui vont s'affronter sur une vingtaine de franchises parmi les plus populaires de l'e-sport : League of Legends, Dota 2, Counter-Strike, Rainbow Six Siege, etc.
Par Nicolas Richaud, Les Echos
L'e-sport a désormais sa Ligue des champions : l'Esports World Cup. Mercredi 3 juillet doit s'ouvrir en grande pompe ce tournoi international du jeu vidéo compétitif qui a lieu en Arabie saoudite et réunit notamment les trente meilleurs clubs mondiaux qui vont s'affronter sur une vingtaine de franchises vidéoludiques parmi les plus populaires de l'e-sport : League of Legends, Dota 2, Counter-Strike, Rainbow Six Siege…
Comme dans le sport traditionnel, chacun de ces titres s’apparente à une discipline singulière avec ses règles, ses codes, ses champions et ses équipes phares. Parmi les prétendants au sacre de cette compétition qui se terminera fin août, deux clubs français de renom : Vitality et la Karmine Corp.
Chacune des équipes doit s’aligner sur la vingtaine de jeux. « Ce tournoi s’inscrit dans la structuration et l’évolution de l’industrie de l’e-sport, fait valoir Souleymane Wague, l’un des cofondateurs de la KCorp. C’est une très bonne nouvelle pour les clubs car cela va générer de nouvelles sources de revenus et plus d’exposition si cela prend bien. »
« Esportwashing »
Derrière ce tournoi à l’ambition XXL, on retrouve le groupe Savvy Gaming Group – détenu par le Public Investment Fund (PIF) de l’Arabie saoudite –, qui avait fait savoir, fin 2022, qu’il comptait investir près de 40 milliards de dollars dans l’industrie du jeu vidéo, dont l’e-sport ; un dessein que les contempteurs du régime saoudien, parmi les plus répressifs au monde selon Amnesty International malgré ses efforts récents pour attirer les industries des médias de l’étranger, qualifient d’« esportwashing ».
Quelques mois avant cette annonce, cette firme avait acquis ESL Gaming, un poids lourd de l’organisation de tournois de-sport et FACEIT, une plateforme de matchs en ligne, moyennant 1,5 milliard de dollars. Ces actifs ont depuis été fondus dans l’entité organisatrice du tournoi, l’Esports World Cup Foundation, à la tête de laquelle a été nommé Ralf Reichert, ex-PDG d’ELS Gaming et vétéran du secteur. L’été dernier, celle-ci a organisé le Gamers8, un festival qui aura servi de ballon d’essai et laisse place à l’Esports World Cup dans les stades de Riyad où se dérouleront les matchs qui seront notamment diffusés sur les principales plateformes comme Twitch ou YouTube.
« La force de cet événement est que l’Esports World Cup Foundation a su convaincre les grands éditeurs comme Valve, Riot, Epic ou Ubisoft d’inclure leurs jeux dans ce tournoi », souligne Matthieu Dallon, cofondateur du fonds d’investissement Trust Esport et qui fait partie du conseil d’administration des Esports World Cup en tant que c onseiller.
« Habituellement, les compétitions sont plutôt centrées sur un seul titre. Il s’agit là du premier grand tournoi mondial multi-jeux de l’ère moderne de l’e-sport », poursuit le créateur originel de l’ESWC (Electronic Sports World Cup) en 2003.
Pour attirer les stars des différentes disciplines, l’Esports World Cup Foundation a mis la main à la poche en dotant le « prize pool » (l’ensemble des gains accordés aux participants) de plus de 60 millions de dollars. Un record, mais relatif puisque ce montant va se répartir sur une vingtaine de jeux quand Valve avait, lui, injecté 40 millions en 2021, pour son tournoi « The International » tournant autour du seul Dota 2.
« Ce qui change vraiment, c’est que 20 millions de dollars vont être répartis entre les clubs présélectionnés [qui ont aussi perçu des subsides pour leur participation, NDLR] et non directement aux joueurs comme c’est l’usage », note un expert du secteur. Le partage des recettes des places payantes s’étale de la 16e équipe (150.000 dollars) à la première, synonyme de 7 millions de gains.
Une manne précieuse pour les clubs d’e-sport qui sont très populaires mais peinent à monétiser leur audience, faute notamment de droits de diffusion copieux leur étant reversés comme c’est le cas dans les sports traditionnels. Résultat, de nombreuses équipes peinent à équilibrer leur modèle économique et les rares structures ayant tenté le pari de la Bourse ont toutes connu déconfiture sur déconfiture, à l’instar de Faze Clan.
Alors que les clubs génèrent la majorité de leurs revenus via le sponsoring, la tenue de ce nouveau tournoi XXL est-elle à même de déclencher une salve d’arrivée de nouveaux annonceurs dans l’écosystème ? « Si c’est un succès et que les audiences et le taux de remplissage dans les stades suivent, ce sera potentiellement le cas. Mais il n’y a pas encore eu d’effet lié, estime Nicolas Maurer, cofondateur et PDG de Team Vitality. Il faut voir comment ce tournoi s’installe dans la durée. L’aura des compétitions les plus prestigieuses ne se construit pas en un jour. Il faut qu’il y ait des rivalités, des affrontements, des légendes qui se créent. »
Lancé en 1903 et se déroulant actuellement, le supercentenaire Tour de France en a pléthore. A l’instar de ce dernier, l’Esports World Cup a prévu de se tenir tous les ans et lors de la période estivale. A voir si la magie opère aussi.