Par Georges Malbrunot, Le Figaro
Seuls les milices chiites irakiennes et les rebelles yéménites houthistes pourraient afficher une solidarité active.
Le président iranien, Massoud Pezechkian a déclaré, mardi, dans un entretien à la chaîne américaine CNN, que son allié le Hezbollah ne pouvait « pas rester seul » face à Israël. « Le Hezbollah ne peut pas s’opposer seul à un pays qui est défendu, soutenu et approvisionné par les pays occidentaux, les pays européens et les États-Unis », a affirmé le nouveau président iranien. Mais qui pour suivre ses appels ? Si les opinions arabes dénoncent les victimes civiles lors des frappes israéliennes au Liban, leurs autorités restent beaucoup plus prudentes.
L’appel le plus remarqué a été celui de la plus haute autorité chiite d’Irak, l’ayatollah Ali Sistani, dont l’aura dépasse les frontières de son pays et dont la parole est rare quand il s’agit de commenter l’actualité étrangère à l’Irak.
Évoquant dans un communiqué «les jours difficiles que traverse le peuple libanais, exposé de manière croissante à une agression brutale d’Israël», le nonagénaire a appelé à «exercer tous les efforts possibles» pour mettre un terme à cette «agression barbare et protéger le peuple libanais». Il demande aussi aux «croyants» de «contribuer à alléger les souffrances» des Libanais et de «répondre à leurs besoins humanitaires». Il n’est pas allé toutefois jusqu’à appeler les chiites irakiens à «prendre les armes» pour aller défendre le Hezbollah, comme il le fit pour son propre pays en 2014 lorsque les djihadistes sunnites de Daech menaçaient de s’emparer de Bagdad.
Si le Hezbollah a aidé les chiites à lutter contre les forces américaines après le renversement de Saddam Hussein en 2003, un éventuel soutien irakien se limiterait aux milices chiites pro-Iran, auxquelles doit penser le président iranien. Elles collaborent déjà en Syrie voisine. Ce n’est pas un hasard si dès lundi, le premier ministre irakien (chiite), Mohammed Chia al-Soudani a réclamé une «réunion urgente» des délégations arabes présentes à l’Assemblée générale annuelle des Nations unies, pour discuter «des répercussions de l’agression sioniste».
Après avoir mené une guerre de 33 jours contre Israël en 2006, lui valant le soutien de la rue arabe, le Hezbollah a vu son image se dégrader dans le mondearabesunnitelors dela guerre enSyrie, où il a envoyéàpartir de 2013 des milliers d’hommes sauver Bachar al-Assad contre ses opposants, sunnites dans leur majorité. D’où le service quasi minimum des puissances arabes sunnites en solidarité avec le Hezbollah, même si l’Égypte s’est jointe à l’appel lancé par Bagdad pour que «les puissances internationales et le Conseil de sécurité des Nations unies interviennent» pour mettre fin à «la dangereuse escalade israélienne au Liban».
Une opinion révulsée
Poids lourd arabe et phare de l’islam sunnite, l’Arabie saoudite apparaît aux abonnés absents surle Liban. Rien d’étonnant. Riyad, longtemps considéré comme le protecteur des sunnites libanais- qui détiennent le poste stratégique de premier ministre- a renoncé à ce rôle, au grand dam de la France, qui comptait sur l’appui saoudien pour contrer l’influence du Hezbollah et des pro-Iran.
Loin d’un Liban qu’il ne connaît pas, contrairement à ses aînés de la cour royale, le jeune prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman (MBS) concentre ses efforts sur la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza et l’obtention d’un cessez-le-feu. Soucieux d’éviter une guerre régionale, MBS a durci le ton à l’égard d’Israël. Il a affirmé la semaine dernière que son pays n’établirait pas de relations diplomatiques avec l’État hébreu avant la «création d’un État palestinien», en fustigeant «les crimes» des forces israéliennes dans la bande de Gaza. Avant l’attaque terroriste du Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, le royaume était en discussion approfondie avec les États-Unis sur un accord dont la normalisation avec Israël était un des volets, mais il a suspendu ses pourparlers après le début de la guerre israélienne à Gaza. Le prince est contraint de tenir compte d’une opinion révulsée par les images de bombardements meurtriers àGaza.
Outre les milices irakiennes, le seul autre acteur arabe soucieux d’intervenir aux côtés du Hezbollah pourrait être les rebelles yéménites houthistes, déjà engagés aux côtés du Hamas contre Israël à Gaza. La milice libanaise a apporté un appui logistique important aux insurgés yéménites, leur permettant de renforcer leurs positions à Sanaa. Si le monde arabe regarde avec attention les événements du Liban, le focus de son attention reste bel et bien Gaza et la cause palestinienne.