Les autorités ont ordonné la fermeture des banques, des écoles et des administrations publiques alors que la température a dépassé 50 °C dans le sud du pays.
Par Ghazal Golshiri – Le Monde
La République islamique d’Iran a décrété pour la première fois l’arrêt quasi total du pays, mercredi 2 et jeudi 3 août, en raison d’une vague de chaleur inédite. Pendant deux jours, banques, écoles, universités, administrations publiques et certaines sociétés privées étaient appelées à fermer. Dans de nombreuses régions, la température connaît depuis le début de juillet une augmentation sans précédent, notamment dans le sud du pays, où elle a dépassé la barre des 50 °C. «
Compte tenu de la chaleur sans précédent des prochains jours et pour protéger la santé publique, le gouvernement a accepté la proposition du ministère de la santé de déclarer mercredi et jeudi fériés dans tout le pays », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Ali Bahadori Jahromi dans un message sur Twitter, rebaptisé X, le 1er août. Selon les autorités, le nombre de consultations dans les centres médicaux en Iran a triplé en raison de cette vague de chaleur. Les services d’urgence dans de nombreuses villes sont en état d’alerte depuis quelques jours.
Malgré les déclarations officielles, qui expliquent que la vague de chaleur serait à l’origine des fermetures, de nombreux éléments font penser que cette décision serait liée à la pénurie d’électricité dans le pays. Ce que le quotidien iranien Payame Ma, citant « une source bien informée », confirme dans son édition du 1er août. « En plus de l’augmentation des températures, la chute de la production d’électricité est à l’origine de la décision de mettre en arrêt le pays », peut-on lire dans cette publication. Le quotidien cite également l’exemple de deux centrales électriques, Karoun 3 et 4, situées dans l’ouest du pays qui, à cause d’une pression très forte, notamment en raison d’un recours accru à la climatisation, ont été déconnectées du réseau.
Changements abrupts
En Iran, le très mauvais état des infrastructures, usées et défaillantes, a entraîné, notamment cette année, l’arrêt fréquent des activités des centrales électriques. Des coupures de courant et d’eau sont signalées, parfois pendant une dizaine d’heures d’affilée, à Téhéran et dans d’autres villes, depuis le mois de juin.
De son côté, le directeur du groupe de réflexion sur l’eau des Nations unies, Kaveh Madani, voit dans la décision de Téhéran de mettre le pays en arrêt quasi total une mauvaise gestion des ressources par la République islamique d’Iran, car l’électricité est avant tout produite par les centrales thermiques et hydroélectriques.
« Même si vous avez construit cent barrages, sans une bonne gestion, il y aura un manque d’eau, écrit-il sur son compte sur le réseau social X. La faillite des réserves en eau, la pénurie d’électricité et de gaz [alors que l’Iran possède les deuxièmes réserves mondiales de gaz naturel] ne se résolvent pas par les arrêts et les fermetures », poursuit Kaveh Madani. Ce dernier a été auparavant l’adjoint de l’Organisation iranienne de protection de l’environnement sous l’ancien président Hassan Rohani (2013-2021). Il a été contraint de démissionner en 2018 et de quitter l’Iran sous la pression des services secrets, aux mains des plus durs.
L’Iran, pays en grande partie désertique ou semi-désertique, réputé pour son climat continental, connaît depuis des années des changements climatiques radicaux et abrupts. Il souffre notamment d’une sécheresse endémique, et ses réserves d’eau ne cessent de se réduire, exacerbant les vagues de chaleur touchant le pays.
En mai, Issa Kalantari, l’ancien ministre de l’agriculture iranien, a annoncé que la quantité d’eau souterraine extraite est d’environ 50 milliards de mètres cubes et que la quantité d’entrée dans les aquifères est de 19 milliards de mètres cubes, ce qui montre l’existence d’un déficit annuel de 31 milliards de mètres cubes. Les régions rurales, comme la province du Sistan-et-Baloutchistan (Sud-Est), sont touchées de plein fouet par ces crises. Certaines localités dans cette province, très pauvre et marginalisée par le pouvoir iranien, n’ont même pas accès à l’eau potable.
Dans ce contexte, l’Etat iranien semble incapable de s’adapter aux besoins de sa population et à la nouvelle donne environnementale. Les statistiques du ministère de l’énergie concernant le premier trimestre de cette année iranienne (entre mars et juin) montrent que le pays n’a pu remplir que 5 % de ses objectifs en matière de croissance de la production d’électricité, conduisant à la pénurie actuelle.
L’incapacité de Téhéran est également confirmée par le député Hadi Beygi Nejad, membre de la commission de l’énergie au Parlement iranien. « La production d’électricité demande de l’argent, a expliqué le parlementaire sur la chaîne de télévision publique Ofogh. Nous n’avons pas assez de moyens pour le faire. » Selon le porte-parole du ministère de la santé, Pedram Pakayin, l’arrêt national de deux jours pourrait se prolonger si besoin.