L’Iran devient membre à part entière de l’OCS

L’Iran devient membre à part entière de l’OCS
الأربعاء 5 يوليو, 2023

La République islamique, sous sanctions américaines, confirme le virage à l’est de son régime

by Ghazal Golshiri, le monde


L’Iran sort encore un peu plus de son isolement. Mardi 4 juillet, la république islamique est devenue membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS), une alliance régionale nouée à l’origine par la Chine, la Russie et quatre pays d’Asie centrale pour stabiliser la région, qui s’est progressivement élargie à d’autres Etats.

Observatrice de l’instance depuis 2005, l’Iran y rejoint aujourd’hui la Chine, l’Inde, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Pakistan, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Cette organisation intergouvernementale à vocation sécuritaire et commerciale tente de s’imposer pour contrer l’influence occidentale, non seulement en Asie centrale, mais au-delà. « L’OCS se positionne comme un bloc de puissance économique et géopolitique, en contrepoids à l’Occident, dans le but de mettre en place un ordre mondial multipolaire sur la scène internationale », explique Hamidreza Azizi, chercheur pour Stiftung Wissenschaft und Politik, un centre de réflexion à Berlin.

Le président russe, Vladimir Poutine, a profité du sommet de l’OCS, organisé, mardi, en visioconférence par l’Inde, actuellement à la tête de l’organisation, pour en remercier les membres pour le « soutien [apporté] aux actions des autorités russes visant à défendre l’ordre constitutionnel, la vie et la sécurité des citoyens » lors de la rébellion de la société paramilitaire Wagner, les 23 et 24 juin. « La Russie résiste de manière sûre et continuera de résister face aux pressions extérieures, aux sanctions et aux provocations », a-t-il ajouté.

Victoire diplomatique pour l’aile dure du régime
En devenant membre de cette alliance, Téhéran confirme son virage vers l’est, alors que le pays fait l’objet de sanctions américaines en raison de son programme nucléaire et qu’il est confronté à un isolement accru de la part de l’Occident, notamment après la répression brutale des manifestants depuis septembre 2022. Les pourparlers pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien, caduc depuis le retrait unilatéral de Washington en 2018, n’ont, pour le moment, donné aucun résultat. Par ailleurs, Téhéran ne cesse de renforcer ses liens économiques et diplomatiques avec la Chine et la Russie. Pékin a également œuvré au rapprochement entre Téhéran et Riyad, en mars. Les deux rivaux régionaux n’avaient pas de relations depuis 2016.

Dans ce contexte, l’adhésion de Téhéran à l’OCS est célébrée par les conservateurs du régime, aujourd’hui à la tête de toutes les instances du pays. Mardi, le quotidien ultraconservateur Kayhan a félicité le gouvernement du président Ebrahim Raïssi, appartenant lui aussi à l’aile dure, pour cette victoire diplomatique. « Sans accord nucléaire (…), nous sommes devenus membres officiels de Shanghaï », a titré le quotidien. Le même journal a critiqué l’ancien gouvernement d’Hassan Rohani pour avoir préféré négocier avec les Occidentaux.

Pour l’analyste énergétique Umud Shokri, l’adhésion de l’Iran à l’OCS est peu susceptible de favoriser le redressement de son économie, en difficulté. « Si Téhéran n’était pas sous le coup des sanctions américaines, son adhésion serait la plus grande victoire diplomatique de la présidence d’Ebrahim Raïssi, explique le chercheur. Or, compte tenu des problèmes endémiques des industries iraniennes [leur usure et leur insuffisance], la poursuite de l’embargo américain et l’issue incertaine des négociations nucléaires, cette adhésion n’a qu’une valeur symbolique et est bonne uniquement à être brandie et vantée à l’intérieur pays. »

Selon les autorités iraniennes, l’industrie nationale du pétrole et du gaz naturel aura besoin de 160 milliards de dollars (147 milliards d’euros) dans les huit prochaines années pour empêcher que le pays ne devienne un Etat importateur. « Que l’Iran soit membre à part entière de l’OCS ou pas n’aura pas d’effet sur cela tant que les sanctions américaines sont en place, car l’Iran est incapable de profiter des technologies et des investissements chinois pour développer ses infrastructures », soutient Umud Shokri.