L'UE tourne une page en levant les sanctions économiques contre la Syrie, tout en exigeant des garanties sur les droits des minorités et les réformes démocratiques.
Fabienne Schmitt -Bureau de Bruxelles. Les Echos.
C'est un virage majeur dans la politique européenne au Moyen-Orient. L'UE a levé mardi l'ensemble des sanctions économiques qui pesaient encore sur la Syrie, emboitant ainsi le pas à la décision surprise des États-Unis annoncée la semaine dernière.
La décision a été entérinée par les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept réunis à Bruxelles. Le démantèlement du régime des sanctions avait débuté en février dernier avec une première vague d'allègements ciblés sur le secteur énergétique et bancaire. Il s'est accéléré à la suite de l'annonce du président américain Donald Trump, depuis Ryad, de lever l'intégralité des sanctions américaines.
« Nous voulons aider le peuple syrien à reconstruire une Syrie nouvelle, inclusive et paisible », a écrit Kaja Kallas, sur le réseau social X. L'UE s'est toujours tenue au côté des Syriens au cours des quatorze dernières années-nous allons continuer de le faire ».
Un dispositif sous surveillance
La cheffe de la diplomatie euro-péenne a toutefois souligné que cette levée des sanctions n'équivaut pas à un blanc-seing. Les mesures visant spécifiquement l'ancien régime de Bachar al-Assad, notamment l'interdiction de vente d'armes et d'équipements de répression, resteront en vigueur. Bruxelles se réserve également le droit d'imposer de nouvelles sanctions contre les responsables de violences, particulièrement après les récents événements sanglants ayant visé la communauté alaouite.
Point crucial du nouveau dispositif: le dégel des avoirs de la banque centrale syrienne et la réintégration du système bancaire syrien dans les circuits financiers internationaux. Une bouffée d'oxygène pour l'économie du pays, longtemps asphyxiée par ces restrictions.
« Une occasion historique » pour reconstruire le pays A Damas, l'annonce a été accueillie avec enthousiasme. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, y a vu une volonté internationale de soutenir la Syrie et « une occasion historique pour la reconstruction du pays ».
Un optimisme partagé par son homologue jordanien, Ayman Safadi, qui a salué la levée d'un «obstacle majeur au développement économique».
Bruxelles reste néanmoins vigilante. Les responsables européens insistent sur le caractère réversible de ces mesures. Le maintien de cet assouplissement est explicitement conditionné au respect des engagements pris par les nouvelles autorités syriennes, notamment en matière de protection des minorités et d'avancées démocratiques.
Mardi, le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a mis en garde face à la possibilité d'une guerre civile à grande échelle, c'est-à-dire d'un éclatement du pays en Syrie, alors que le nouveau gouvernement peine à s'imposer sur l'ensemble du territoire, en raison de la présence de groupes armés aux allégeances diverses.
Cette nouvelle donne pourrait redessiner la carte des influences au Moyen-Orient, alors que la Syrie post-Assad cherche à se réinventer. L'enjeu porte désormais sur la renaissance économique du pays dévasté par des années de conflit.
Les investisseurs internationaux, comme l'a souligné le chef de la diplomatie syrienne, sont les bienvenus, mais devront composer avec un environnement politique encore fragile et une reconstruction qui s'annonce titanesque.