Le chef de l’Etat français a prévu de rencontrer son homologue iranien à l’ONU fin septembre. Partisan d’une ligne dure face à Téhéran, il prône pourtant la négociation
Pascal Airault, L'opinion
Le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France ont annoncé mardi leur intention de prendre de nouvelles sanctions contre l'Iran si le trans- fert de missiles balistiques à courte por- tée à la Russie est avéré. Téhéran a démenti toute livraison de ces missiles à Moscou et me nace de prendre des mesures de rétorsion.
LES OCCIDENTAUX INTENSIFIENT leurs pressions sur Masoud Pezeshkian, le nouveau président iranien, attendu fin septembre à l'Assemblée générale annuelle de l'ONU, à New York. Mardi, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont condamné fermement les exportations de mis- siles balistiques iraniens à la Russie, sur la foi de renseignements ukrainiens et américains.
« Il s’agit d'une nouvelle escalade dans le soutien militaire que l'Iran apporte à la Russie dans sa guerre d'agression contre l'Ukraine », soulignent les trois pays européens. Pour l'instant, la Russie n'a pas encore utilisé de missiles balistiques iraniens pour frapper des cibles en Ukraine.
Les trois chancelleries travaillent néanmoins à la mise en œuvre de nouvelles mesures contre Téhéran qui seront bientôt proposées aux Etats membres de l'Union européenne. Parmi elles, la dénonciation des accords bilatéraux de services aériens avec l'Iran et l'instauration de sanctions contre les individus et les entités impliqués dans le programme de missiles balistiques et leur transfert à la Russie. La compagnie aérienne Iran Air sera l'une des premières sanctionnées. De leur côté, les Etats-Unis réfléchissent aussi à de nouvelles sanctions.
Accord de Vienne. Emmanuel Macron s'est entretenu par deux fois au téléphone avec son homologue iranien, le 29 juillet et 7 août, le mettant en garde contre tout soutien à l'offensive russe. Il a prévu de le rencontrer en présentiel en marge de l'assemblée générale de l'ONU. « Toute nouvelle recherche d'accord de la communauté internationale avec l'Iran devra inclure la question des missiles balistiques et de la politique régionale de déstabilisation de la république islamique », confie une source diplomatique française. C'est une vieille requête que portait déjà Jean-Yves Le Drian lorsqu'il était patron du Quai d'Orsay. Elle se justifie, selon Paris, car une série de restrictions imposées par l'ONU au programme de missiles iranien a expiré en octobre 2023, huit ans après l'adoption de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien.
En vertu de la résolution 2231 de l'ONU qui a endossé cet accord, l'Iran n'était pas autorisé à exporter ou importer certains missiles, drones et technologies connexes sans l'autorisation du Conseil de sécurité. La Russie ne s'estime donc plus liée par cette restriction à l'importation alors qu'elle a commencé à négocier avec Téhéran un accord stratégique sur 20 ans. La conclu sion de cet accord a été retardée par le décès du président Ebrahim Raissi, en mai dernier.
Les Occidentaux sont particulièrement inquiets, alors que l'accord de Vienne arrive à expiration en octobre 2025. « Il faut faire monter la pression sur l'Iran sur le nucléaire et les autres sujets de déstabilisation régionale », assure un acteur européen. Paris est partisan de la ligne la plus dure avec Israël. Français et Israéliens se consultent très régulièrement au niveau des responsables politiques, du renseignement et des Affaires stratégiques.
« La France est l'un des pays qui a la politique la plus ferme en termes de non-prolifération nucléaire, confirme une source proche du dossier. Et elle est totalement alignée avec Israël sur le dossier iranien avec lequel elle a intensifié les échanges d'information depuis 2015. Les discussions sont très poussées en matière de renseignement et les officiels des deux pays partagent la même analyse des faits et tombent régulièrement d'accord sur la réponse à mettre en œuvre. »
Une délégation israélienne était récemment en France pour faire le point avec les personnes en charge de ce dossier à Paris, de l'Elysée au Quai d'Orsay en passant par les services secrets. Paris et Tel-Aviv estiment que l'Iran, qui a fait de gros progrès en termes d'enrichissement, serait en mesure d'avoir la bombe atomique et les vecteurs pour la lancer d'ici un an et demi à deux ans.
Sanctions. Les officiels israéliens misent sur leurs homologues français pour imposer la ligne à leurs partenaires européens et même les aider à infléchir la position américaine. Washington est plus enclin à faire des concessions à la république islamique dans le cadre des discussions en cours, dont certaines se déroulent à Oman et au Qatar. Joe Biden a un temps misé sur son émissaire Robert Malley, avant que ce dernier ne soit suspendu pour sa mauvaise gestion de documents classifiés.
Masoud Pezeshkian s'est fait élire sur la promesse de relancer les discussions avec les Occidentaux. Son objectif est de réduire la pression des sanctions, d'où la nomination d'un diplomate aguerri, Abbas Araghchi, au poste de ministre des Affaires étrangères. A Paris comme à Tel-Aviv, on ne se fait guère d'illusion sur les intentions de la République islamique et les faibles marges de manœuvre du nouveau président, toute décision sur le nucléaire restant dans les mains du guide suprême, Ali Khamenei.