DÉCRYPTAGE - L’État hébreu a rappelé aux Européens hésitants le caractère existentiel de sa lutte contre la milice terroriste du Hezbollah.
Par Isabelle Lasserre, Le Figaro
En chiffes. 58 parachutistes français et 241 soldats américains qui participaient à la force multinationale pendant la guerre du Liban, tués dans les attentats du Drakkar, en octobre 1983. 12 morts et d'innombrables blessés dans 12 attentats commis en France en 1985 et 1986, dont celui la rue de Rennes. Des otages occidentaux, dont Michel Seurat, mort en captivité en 1986. De nombreux assassinats d'hommes politiques, dont l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005. Des meurtres à la pelle de dissidents et d'opposants. 8500 missiles, roquettes et drones tirés contre Israël depuis un an. Des capacités militaires colossales, en partie fournies par l'Iran, tournées contre l'État hébreu, considéré comme une tumeur cancéreuse» destinée à être extirpée.
Voilà la liste, à peine ébauchée, des falts d'armes du Hezbollah. Avait-elle été oubliée par les Etats-Unis, la France et le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, quand ils ont tenté de forcer un cessez-le-feu, à l'issue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité vendredi, pour stopper l'escalade au Liban? A la tribune de l'ONU, Benyamin Netanyahou a chassé d'un revers de la main cette ouverture diplomatique, rappelant à ses alliés occidentaux le caractère existentiel de sa guerre contre le Hezbollah. Nous n'accepterons plus aucune armée terroriste le long de nos frontières. Nous n'accepterons plus le Hezbollah à nos frontières. Nous continuerons à le combattre jusqu'à ce que nous ayons atteint notre objectif.
Depuis la destruction du QG du Hezbollah, Joe Biden n'a plus mentionné de cessez-le-feu, Il a rappelé que la milice avait été responsable de la mort de centaines de soldats américains, et que la disparition de son chef rendait justice aux victimes. Il a aussi rappelé qu'Israël avait le droit de se défendre contre le Hezbollah, le Hamas, les houthistes et les autres affidés de l'Iran dans la région. Du côté des Etats-Unis, allié indéfectible d'Israël, les pressions n'avaient été que verbales. En même temps que les responsables américains exhortaient les Israéliens à cesser de tirer, Washington libérait une nouvelle aide financière de 8,7 milliards pour l'État hébreu.
Emmanuel Macron, lui, est resté silencieux. Mi-septembre, après l'explosion des bipers des miliciens du Hezbollah, il avalt regretté la confusion et le chagrin dont était victime le peuple libanais, en s'accrochant à un illusoire chemin diplomatique». A la tribune de l'ONU, il a répété la méthode du en même temps, long- temps appliquée avec insuccès à la Russic, renvoyant dos à dos Israël et le Hezbollah, priés de cesser leurs hostilités, considérant que l'escalade était le risque princi pul pour la stabilité mondiale et que l'État hébreu ne pouvait sans conséquences, étendre ses opérations. Depuis l'élimination d'l lassan Nasrallah, le président français n'a pas fait de déclaration, ni rappelé le nombre de victimes françaises du Hezbollah. L'Allemagne, quant à elle, a pointé le risque d'une spirule de violence absolue. La Chine s'est dite profondément inquiète et la Russie a condamné une démonstration de force lourde de conséquences», affirmant que la région était au bord du précipice total.
Les hésitations européennes ont choqué la députée européenne Nathalie Loiseau. En 2011, rappelle-t-elle sur X, l'ONU s'était félicitée de la mort de Ben Laden et du fait qu'il ne pourrait plus commettre des attentats terroristes». «Solt nous avons la mémoire courte et avons oublié que le Hezbollah a du sang sur les mains, y compris du sang de nos compatriotes. Soit il est permis aux Etats-Unis et à peu près à tout le monde de lutter contre le terrorisme, mais pas à Israël. Et il y a là un gros problème.
Comme pour les Américains au lendemain des attentats contre le World Trade Center, le 11 septembre 2001, Israël considère que son combat contre le Hezbollah et le Hamas est essentiel pour rétablir sa dissuasion et restaurer, au moins pour un pour temps, sa sécurité. Benyamin Netanyahou l'a promis à la tribune des Nations unies Israël gagnera cette bataille, Il gagnera, car nous n'avons pas le choix. Au Proche-Orient, le temps de la diplomatie n'a plus sa place. Il reviendra quand les armes auront changé les rapports de force. Il ne peut y avoir de paix dans la région avant que la menace du Hezbollah et du Hamas n'ait été démantelée. Trouvez le courage, une fois pour tout de nommer et de condamner les responsables de ce cycle de violence, a exhorté l'ambassadeur d'Israël aux Etats-Unis, Dany Danon.
Le combat d'Israël contre le Hezbollah s'inscrit dans la légalité internationale, bafouée partout dans le monde y compris par l'État hébreu sur d'autres sujets, mais qui sur le front libanais ne souffre guère d'opposition. En tant qu'État souverain, Israël a le droit de se défendre si le pays est agressé, ce qui est le cas à sa frontière nord, où les attaques du Hezbollah sont quotidiennes depuis les pogroms du 7 octobre 2023. Ouvert par le Hezbollah en solidarité avec le Hamas, le front nord a provoqué la fuite d'environ 80000 Israéliens, qui ont dû se réfugier plus au sud.
Le premier ministre israélien a fait de leur retour l'un des objectifs de sa guerre. Depuis 2006, la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU exige de la milice chiite qu'elle se retire au nord du fleuve Litani au Liban. En vain. Tous les efforts des États-Unis pour forcer Hezbollah à retirer ses troupes de la frontière et à cesser de bombarder les localités israéliennes sont également restés sans réponse. Depuis octobre 2023, Israël, occupé à Gaza, avait repoussé le moment de s'attaquer au front nord. Mais il était logique que la voie militaire s'impose le jour où les objectifs militaires de Tsahal contre le Hamas seraient considérés comme atteints.
Il reste des questions auxquelles personne ne peut aujourd'hui répondre. Les blessures sans précédent infligées par Israël au Hezbollah ont-elles un potentiel de déstabilisation générale pour la région, comme le pense le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui évoque l'enfer qui se déchaîne au Liban?. Sachant qu'on ne détruit pas une idéologie, que le Hezbollah est infiltré dans l'État Iibanais, et qu'il est plus puissant que ne l'était le Hamas, aura-t-il la capacité de se reconstituer et de revenir plus fort et plus dangereux encore dans quelques années? Ou bien l'opération israélienne peut-elle au contraire permettre au Liban de se libérer du Hezbollah, qui le retenait en otage depuis si longtemps? Créera-t-il un espace suffisant pour que les forces démocratiques libanaises débarrassent le pays de sa tutelle étrangère en repoussant l'influence iranienne? Le cas échéant, la communauté internationale sera-t-elle capable d'accompagner ce processus?